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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/207

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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. ESCHATOLOGIE

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Deux points sont ici également importants. D’une part notre corps doit être, lors de la résurrection, véritablement le nôtre. D’autre part, il doit être trans formé en un corps spirituel, éthéré, qui ne tombe pas sous le toucher, qui n’est pas visible par les yeux, qui n’est point soumis à la pesanteur, et qui changera selon la variété des lieux qu’il doit habiter. Origène insiste beaucoup sur cette seconde thèse. Sans doute, il n’est pas, comme les gnostiques, un adversaire de la matière, mais il ne peut admettre que les corps ressuscites soient dans le même état de servitude à l'égard de la faim, de la soif et de tous les autres besoins physiques que les corps durant la vie présente. Il s’attache avec force à l’expression de l’Apôtre : un corps spirituel, si bien que plusieurs de ses adversaires lui ont reproché de nier purement et simplement la résurrection. Ce reproche n’est assurément pas fondé. Aux passages que nous avons signalés tout à l’heure, il serait facile d’en ajouter beaucoup d’autres, tels que le commentaire sur I Cor., xv, 23, dans Cramer, Catena in Epist. ad Cor., p. 294-296 ; et surtout de rappeler que le maître avait consacré tout un ouvrage à la résurrection. En dehors de quelques fragments, cet ouvrage est aujourd’hui perdu ; mais on sait qu’il contenait des affirmations très nettes de la croyance traditionnelle. Pamphile, Apolog., P. G., t. xi, col. 91-94. D’autres, Justinien en particulier, accusent Origène d’avoir enseigné que les corps ressuscites seraient sphériques. Episl. ad Menam, Mansi, Concil., t. ix, col. 516 D et 533 C. Il est difficile de savoir si cette accusation est réellement fondée.

Les peines des damnés.


Les justes ressusciteront pour la vie éternelle ; les méchants pour le supplice du feu. Ce feu n’est pas un feu matériel : « Chaque pécheur s’allume son propre feu, et nos vices en sont la matière et l’aliment. De même qu’une fièvre prolongée, entretenue sans cesse par l’intempérance, finit par embraser tout le corps et en faire un foyer d’inflammation ; ainsi en est-il de l'âme qui accumule les actions mauvaises et réunit en elle à la longue un amas de péchés. A l’heure marquée, toute cette masse fermente, s'échauffe, bouillonne, et l'âme, en proie à une llamme qu’elle a caressée sa vie durant, subit la plus cruelle des tortures… A ce genre de supplices viendra s’en ajouter un autre : lorsqu’on nous arrache un membre nous éprouvons de vives souffrances, mais l'âme, séparée de Dieu, à qui elle aurait dû être unie, souffrira bien davantage de ce déchirement. Tiraillée en mille sens divers, elle sera comme divisée d’avec elle-même, et en place de l’unité harmonique à laquelle Dieu la destinait, elle offrira le spectacle du désordre et de la confusion. » De princ, III, x, 4-5. Cf. S. Jérôme, In Epist. ad Ephes., iii, 5 ; Apol. advers. Ru fin., ii, 7 ; P. L., t. xxvi, col. 522 ; t. xxiii, col. 429.

Nous voilà loin des descriptions d’un feu matériel. Le feu dont parle Origène est purement spirituel, étant fait de la souffrance intérieure des damnés et de leur séparation d’avec Dieu. Ce feu sera-t-il éternel ? L'Écriture, qui emploie le terme d'éternité, semble l’indiquer. Toutefois, Origène sait, ou croit savoir, que le mot éternel peut se prendre au sens large et désigner seulement une très longue durée. In Exod., hom. vi, 43 ; et il paraît incontestable qu'à ses yeux les souffrances mêmes de l’enfer sont destinées à prendre fin. Il est vrai que quelques théologiens, comme F. Prat, Origène, p. 100-101, essaient d’interpréter les textes les plus difficiles et de montrer que, tout au plus, la pensée d’Origène sur ce point capital a manqué de précision. Leurs arguments ne sont pas décisifs. Le docteur alexandrin parle sans doute comme tout le monde, du feu éternel, des tourments sans fin, du châtiment sans retour, mais il n’y a pas lieu d’insister sur ces expressions courantes.

Il faut au contraire mettre en relief les raisons qui poussent Origène à enseigner le caractère temporaire des peines infligées aux damnés. A ses yeux, toute punition doit permettre l’amendement des coupables : « Si, pour recouvrer la santé du corps, dit-il, nous avons besoin de remèdes âpres et violents en raison des maladies que nous avons contractées par 1/intempérance de la nourriture et de la boisson ; si parfois la qualité de la maladie réclame l’emploi rigoureux du fer et du feu ; et si, le mal dépassant toute mesure, il faut enfin que le feu consume les germes profonds de la maladie contractée, à plus forte raison le médecin des âmes, Dieu, qui veut en effacer les vices invétérés et fortifiés par la multitude diverse de nos péchés et de nos crimes, doit-il employer des cures douloureuses de cette sorte, et, de plus, appliquer le supplice du feu à ceux qui ont perdu toute santé de l'âme… Ce qui peut nous faire comprendre que cette thérapeutique, que les médecins emploient pour venir au secours de nos langueurs et pour réparer la santé par des cures cruelles, Dieu l’emploie pour ceux qui sont tombés, c’est que le prophète Jérémie reçut l’ordre de présenter aux nations la coupe de la fureur de Dieu, afin qu’elles boivent, qu’elles deviennent comme folles, qu’elle vomissent ; c’est que Dieu ajoute cette menace : Quiconque ne boit pas ne sera pas purifié. Il sort de là que la fureur de Dieu profite à la purgation des âmes. De princ., II, x, 6.

Pourquoi alors parler de peines éternelles ? Pour effrayer les pécheurs : « Ce qu’on pourrait dire de la géhenne et des feux éternels, Dieu ne croit pas à propos de le révéler à tout le monde…, car, pour le plus grand nombre des hommes, il leur suffit de savoir que les pécheurs sont punis. Inutile de s’expliquer davantage, parce qu’il y a des gens que la crainte même du feu éternel retient à peine de se livrer tout entiers au vice et aux maux qui en résultent. » Contra Cels., VI, 26. Cf. In Jerem., hom. xix, 4, P. G., t. xiii, col. 509 : « Combien d’hommes réputés sages, ayant découvert la vérité sur les peines, et s'étant débarrassés de leur illusion, se sont conduits plus mal dans la suite ? Il leur eût été avantageux d’entendre, comme auparavant, le ver qui ne meurt pas et le feu qui ne s'éteint pas. » Contra Cels., III, 79. L'Écriture observe ainsi une manière d'économie, qui n’est pas sans efficacité pratique. Mais les doctes savent qu’en fait, les châtiments des damnés auront un terme et que le jour viendra où tout sera rétabli dans l’ordre primitif.

L’apocataslase et la consommation des choses.


Ce rétablissement sera-t-il définitif, ou sera-t-il suivi, sans fin, de nouvelles péripéties ? Nous abordons ici l’un des points les plus difficiles et les plus ardemment controversés de la doctrine d’Origène.

Si l’on tient compte de ce qu’enseigne le maître alexandrin sur la liberté, il semble logique de croire que, le libre arbitre ne cessant jamais de s’exercer, les créatures raisonnables poursuivront éternellement le cours de leurs évolutions : « Comme l'âme, écrit-il, est immortelle et éternelle, nous pensons qu'à travers les espaces immenses et les siècles sans fin, il lui sera toujours possible de descendre du faîte de la vertu dans l’abîme du vice ou de revenir des extrémités du mal jusqu’aux dernières limites du bien. » De princ., III, i, 21. De même, dans un passage conservé par la lettre de saint Jérôme à Avitus : Ipsosque dœmones « c redores tenebrarnm in aliquo mundo vel mundis, si voluerinl ad meliora converti, fteri homines et sic ad antiquum redire principium ; ita dumlaxat, ut per supplicia atque lormenta, quæ velmulto vel brevi tempore’sustinuerint, in liominum eruditi corporibus rursum veniant ad angelorum jastigia. Ex quo consequenti ratione monstrari omnes rationabiles creaturas ex omnibus posse fteri, non semel et subito sed fréquentais, nosque et angelot