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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. LES SACREMENTS

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reconnaître à ses fruits, parce que, ayant reçu l’EspritSaint et étant devenu spirituel., il obéit à l’impulsion le l’Esprit, comme un fils de Dieu, pour se conduire en tout selon la raison, celui-là remet ce que Dieu remet et retient les péchés inguérissables ; comme les prophètes employaient leur parole au service de Dieu pour exprimer non leurs propres pensées, mais les pensées suggérées par la volonté divine, de même il s’emploie au service de Dieu, à qui seul il appartient de remettre les péchés Je ne sais comment quelquesuns s’arrogeant une puissance plus que sacerdotale, encore qu’ils manquent peut-être de science sacerdotale, se vantent de pouvoir remettre les péchés d’idolâtrie, d’adultère et de fornication, comme si la prière qu’ils prononcent sur les coupables suffisait à remettre même le péché mortel. C’est qu’ils ne lisent pas ce qui est écrit : Il y a tel péché qui va jusqu'à la mort, pour celui-là, je ne dis pas de prier. »

On comprend sans peine que de pareilles formules appellent une explication, et que celle-ci est d’autant plus difficile à donner que nulle part Origène n’a synthétisé sa doctrine en termes précis. C’est toujours en passant, à l’occasion d’un texte scripturaire qu’il parle de la rémission des péchés et de la pénitence. Naturellement ses commentaires s’adaptent au texte qu’il doit interpréter. D’un autre côté, Origène est plutôt un moraliste austère. Il rêve pour l'Église et pour ses membres d’une sainteté parfaite, tout au moins d’une vertu que troubleraient seules les négligences quotidiennes ou les fautes de fragilité. Si grand lui paraît le don du baptême, si parfaite la rémission des péchés apportée par ce sacrement, que rien ne saurait lui être comparé. Seul le pardon obtenu lors du baptême est réellement une rémission gracieuse, une âûpeaiç ; le pardon qui succède à la pénitence laborieuse, n’a ni la même valeur ni la même vertu : c’est une conquête, le résultat chèrement acheté d’une victoire. Comment lui reconnaîtrait-on la même force joyeuse ?

Dans le De oratione, le prêtre alexandrin trouve une occasion pour adresser des reproches à certains membres du clergé de son temps ; et nous savons déjà qu’il n’a aucune indulgence pour les prêtres pécheurs, ou simplement pour les prêtres négligents. Ceux qu’il vise ici sont des orgueilleux ou des ignorants. Us se glorifient de remettre les péchés d’idolâtrie, d’adultère et de fornication, par le seul effet de leur prière. Et cela scandalise Origène, qui dénonce impitoyablement leur conduite comme un abus de pouvoir. Remarquons bien que lorsqu’Origène parle des fautes inguérissables, Ta àvtocTa TÔ » v àjj.apTy](i.âTcov, il ne veut pas dire que ces péchés échappent à jamais à la rémission ou au pardon. Ce sont des fautes graves, des fautes mortelles, sans aucun doute ; mais nombreux sont les textes où, nous l’avons dit, de telles fautes apparaissent comme soumises à la pénitence. Ce que blâmerait ici Origène, ce serait la conduite de ceux qui remettent de telles fautes par une seule prière. Telle est du moins l’interprétation que propose A. d’Alés, L'édit de Calliste, Paris, 1914, p. 285.

Que penser alors des péchés soi-disant irrémissibles ? Voici l’explication que propose le P. Galtier : « Il y a des péchés que l’on remet directement et d’emblée par la seule prière du prêtre ; mais il en est d’autres qui, à raison de leur nature propre, ne comportent point normalement cette rémission gracieuse et immédiate. Ce sont les péchés qu’Origène, conformément au langage de son temps, appelle incurables ou ad mortem. Ceux-là, on doit les retenir ; ce qui ne veut point dire qu’on les tienne pour soustraits à une pénitence capable d’en procurer ultérieurement le pardon ; les retenir, c’est, au contraire, les assujétir à cette pénitence ; mais ce qui signifie que le pardon ne saurait en être obtenu indépendamment de cette expiation solennelle. Il arrive cependant que certains prêtres, en certains cas, croient pouvoir passer outre à cette loi générale et qu’ils remettent ces péchés plus graves, comme ils feraient les moindres… Toute rémission gracieuse d’un péché « incurable », quel qu’en fût le motif, devait paraître (à Origène) une méconnaissance de la loi : plus probablement c’est là la vraie pensée qui lui a inspiré sa sortie contre les prêtres assez ignorants ou assez osés pour remettre par leur prières jusqu’au péché ad mortem. » P. Galtier, Les péchés incurables d’Origène, dans Gregorianum, t. x, 1929, p. 209. Avouons néanmoins que cette interprétation est fort loin de s’imposer. On a voulu parfois éclairer la doctrine pénitentielle d’Origène par ce que nous savons ou croyons savoir de l'édit de Calliste : rien ne nous permet de tenter un rapprochement entre les événements de Rome et l’enseignement du prêtre alexandrin, à plus forte raison d’identifier le pape à ces prêtres qui s’arrogent un pouvoir plus que sacerdotal pour remettre les péchés mortels. L'édit de Calliste a été un acte d’autorité, aussi précis dans sa forme que limité dans ses effets. Les plaintes d’Origène visent un ensemble de faits et se justifient par une doctrine qui n’est pas tout à fait celle des péchés irrémissibles, mais qui est celle d’une pénitence austère et douloureuse, préalable à toute intervention du prêtre.

L’eucharistie.


La doctrine eucharistique d’Origène mérite, elle aussi, de nous retenir. Ici, comme ailleurs, il faut distinguer les passages dans lesquels l’exégète se contente d’exposer la foi commune de l'Église, et ceux où il allégorise, à l’usage des parfaits. Les premiers sont de simples affirmations : on aime à y retrouver les expressions de la croyance traditionnelle ; les seconds sont des commentaires plus ou moins subtils, qui ne détruisent pas d’ailleurs le sens littéral des textes dont ils veulent apporter l’explication, mais qui se superposent à lui et semblent parfois l'étouffer.

Citons d’abord quelques-unes des formules à l’usage des simples croyants : Au chrétien qui monte ' ; au Cénacle avec Jésus afin de fêter la Pâque, le Seigneur a donne le calice de la nouvelle alliance ; il donne aussi le pain de la bénédiction ; il donne son corps et son sang, i In Jerem., hom. xix, 13, édit. Klostermann, p. 169. A Celse, Origène expose la vertu de la prière chrétienne : « Mais nous (par opposition aux païens), rendant grâces au démiurge de l’univers, nous’rnangeons les pains que nous lui offrons avec action de grâces et prières, pour tous ses dons ; nous mangeons ces pains devenus corps par la prière, quelque chose de saint et qui sanctifie ceux qui en usent avec un saint propos, o Contra Ce/s., VIII, 33. Ailleurs, Origène loue les fidèles qui, ayant reçu dans leurs mains le corps du Christ, multiplient les précautions et les marques de respect pour n’en laisser tomber à terre aucune parcelle, et il leur demande de montrer autant de fidélité à conserver la parole de Dieu que son corps. In Exod., hom. xiii, 3, P. G., t. xiii, col. 391.

Origène insiste encore sur la pureté intérieure que doivent posséder tous ceux qui viennent recevoir le corps du Christ. En commentant le récit de la trahison de Judas, il donne à entendre que celui-ci ne cesse pas d’avoir des imitateurs : Taies sunt omnes in Ecclesia qui insidiantur jratribus suis, quibuscum ad eamdem mensam corporis Christi et ad eumdem potum sanguinis ejus fréquenter simul fuerunt. In Matth. comment, ser., 82, P. G., t. xiii, col. 1732. Il rappelle à ses auditeurs les enseignements de saint Paul sur ceux qui reçoivent indignement le corps du Christ :

Judicium Dei parvipendis et commonentem te Ecclesiam despicis. Communicare non times corp i Christi accedens ad eucharistiam, quasi mundus et purus, quasi