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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/217

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    1. ORIGENISTE##


ORIGENISTE. CONTROVERSES DU IVe SIÈCLE

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Dans la seconde moitié du ive siècle, Évagre du Pont, dans ses Problèmes gnosliques, semble avoir suivi Origène pour la doctrine de la préexistence des âmes et de l’apocatastase ; et Didyme l’Aveugle s’est efforcé, dans un commentaire du Péri Archôn, d’en démontrer l’orthodoxie trinitaire. Par contre, Apollinaire a écrit contre Origène. Rien toutefois ne s’est conservé de ces écrits. Sur Évagre. voir Bardenhewer, Allkirchliche Literatur, t. iii, p. 97 ; sur le commentaire de Didyme, voir Socrates, H. E., IV, xxv, P. G., t. lxvii. col. 528.

Saint Basile ne se dissimulait pas que certaines formules trinitaires d’Origène laissaient à désirer. Cela ne l’empêcha pas de donner dans la Philocalie, en collaboration avec son ami Grégoire de Nazianze, un recueil de morceaux choisis d’Origène et de le citer comme un témoin de la divinité du Saint-Esprit. Liber de Spiritu Sancto, c. lxxiii, P. G., t. xxxii, col. 204. Le frère de saint Basile, Grégoire de Nysse, était un admirateur d’Origène.

Cette brève revue suffit à démontrer que les protagonistes du dogme de Nicée, sans être aveugles pour les défauts de la doctrine origéniste, avaient néanmoins en haute estime l’auteur lui-même. Mais l’encre de la Philocalie était à peine sèche que déjà s’annonçait la première grande controverse origéniste.

II. La première controverse origéniste. 1° L’attaque de saint Épiphane dans le Panrion. — C’est dans les années 375 à 377 que saint Épiphane écrivit le Panarion, son grand ouvrage contre les hérésies. La lxiv 6 hérésie est consacrée à la réfutation des erreurs d’Origène.

Elle débute par quelques détails historiques. Nous y lisons que, prêtre d’Alexandrie, Origène fut obligé de quitter cette ville à cause de son apostasie, pendant la persécution de Dèce. C. n. Ne voulant rien laisser dans l’Écriture sans explication, il tomba dans des erreurs beaucoup plus graves que les anciennes hérésies, car c’est dans ses écrits qu’Arius, les anoméens et les hérétiques postérieurs ont puisé leurs doctrines pernicieuses. C. iv. Après cette introduction, qui ne manque pas de jeter un jour singulier sur la documentation de notre hérésiologue, vient l’exposé de.s erreurs d’Origène. C. iv, éd. Holl, p. 408-413.

En voici le début : « Il (Origène) dit, premièrement, que le Fils unique ne peut voir le Père, que l’Esprit ne peut voir le Fils, que les anges ne peuvent voir l’Esprit, que les hommes ne peuvent voir les anges ; ceci est sa première erreur. Il ne veut donc pas que le Fils soit de l’essence du Père ; loin de là, il le conçoit comme tout à fait étranger au Père et comme une créature ; il prétend que le vocable de Fils lui est attribué par grâce. Mais il existe encore de lui d’autres erreurs plus importantes. » Loc. cit. La première assertion, celle qui porte sur l’invisibilité du Père par rapport au Fils et celle du Fils par rapport à l’Esprit, a été insérée par Koetschau dans le texte du Péri Archôn, bien que Rufin en nie l’authenticité. Elle correspond à la doctrine exprimée par Origène, t. I, c. viii, édit. cit., p. 25, 26 ; le membre de phrase concernant les anges et le Saint-Esprit n’a pu être retrouvé ni dans le Péri Archôn, ni dans aucun autre ouvrage d’Origène. La particule yctp — il ne veut donc pas — qui suit l’incise : « ceci est sa première erreur », semble bien indiquer que l’idée exprimée ensuite, la négation de l’homoousie et de la filiation naturelle du Fils, est une conséquence tirée par Épiphane du texte qu’il vient de citer. Or. dans le chapitre cité du Péri Archôn, Origène distingue voir, qui est propre au corps, de connaître, qui est propre à l’esprit, videre de cognoscere. Le Fils ne saurait voir le Père, parce que la nature divine n’est pas perceptible à l’œil du corps, et il cite Matth., xi, 27, pour faire remarquer que, dans l’Évan gile, Jésus ne dit pas : Nul ne voit, mais nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils », et il conclut que ce qui est dit voir, pour les êtres corporels, doit être appelé connaître, pour le Père et le F’ils. La conclusion que tirait Épiphane ne semble donc pas ici justifiée. Nous aurons à remarquer que semblables réserves s’imposent à l’égard des citations faites par les antiorigénistes, notamment Théophile d’Alexandrie et Justinien.

Passant à des erreurs « plus importantes », Épiphane fait grief à Origène d’avoir enseigné la préexistence des âmes qui, « étant de nature angélique, ont été enfermées dans des corps en punition des fautes qu’elles auraient commises, et envoyées ici bas pour y subir une épreuve ». Il estime qu’Origène est retombé dans la mythologie du paganisme en faisant état, comme preuves de sa doctrine, des étymologies de SÉLiaç, corps, dérivé de Ss8éa6ai, être enchaîné, et de pux^- l’âme, dérivé de ^û^oç, le froid. Il juge fautive l’interprétation donnée par Origène des ps. exiv, 7, et cxviii, 67 (coiwerlere anima mea in requiem tuam et Priusquam humiliarer, ego deliqui), en faveur de sa doctrine de la préexistence de l’âme et de sa venue en un corps, en punition d’une faute. Épiphane reproche encore à Origène, sans donner de précision, d’avoir dit qu’Adam a perdu la similitude avec Dieu. Reprenant ensuite un grief déjà formulé par Méthode, il relève avec véhémence l’interprétation origéniste de Gen., iii, 21, et, à la fin de l’Heer. lxiv, il revient sur ce point, citant avec colère la phrase attribuée à Origène : « Dieu était donc corroyeur pour qu’il ait pu confectionner des vêtements de peaux à Adam. » C. lxiii, édit. Holl, p. 500.

Nous avons déjà remarqué que les deux tiers environ de X’Hær. lxiv ne sont qu’une longue citation du De resurrectione de Méthode d’Olympe. Combattant la conception origéniste de la résurrection. Épiphane résume en quelques mots tous ses reproches : « … à certains endroits, il l’affirme (la résurrection), à d’autres, il la nie totalement ; parfois il ne l’admet que partielle. » C. iv, édit. Holl, p. 413. Enfin, Épiphane reproche à Origène d’avoir allégorisé le paradis, ainsi que les eaux du dessus du firmament et du dessous de la terre, et, plus tard, le bon évêque de Salamine se demande comment le déluge aurait été possible, si une telle exégèse était fondée ! C. iv, cf. S. Jérôme, Epist., li, 5, P. L., t. xxii, col. 523. Notons encore qu’Épiphane opine qu’Origène ne reconnaît le"Fils que comme une créature, parce qu’il le nomme ysvy)tôç ©eoç, car, ajoute Épiphane, il n’y a pas synonymie entre yevvyj-cç et y^’Itôç. Holl, p. 415-416. Épiphane termine sa réfutation en affirmant que la déviation d’Origène vient de son aveuglement par la culture (nouSzia) grecque. C. lxxii, p. 523.

2° Altitude de saint Jérôme. La première escarmouche en Palestine. — Tous ces griefs ont été repris par saint Jérôme dans son pamphlet contre Jean de Jérusalem ; ceux qui concernent la préexistence des âmes, par Théophile d’Alexandrie. Toutefois, il ne semble pas que ces critiques d’Épiphane, si vives qu’elles aient été, aient trouvé beaucoup d’écho au moment où elles furent formulées, vers les aimées 375-380.

Ainsi, dans une lettre écrite à Paula, vers l’an 385, saint Jérôme, qui croyait qu’Origène avait subi une condamnation ecclésiastique de son vivant, faisait néanmoins encore un éloge magnifique du grand Alexandrin, et affirmait qu’il avait été frappé par suite de l’envie de ses adversaires et « non à cause de nouveautés dogmatiques, non pour motifs d’hérésie, comme actuellement des chiens enragés font semblant de le penser. » Epist., xxxiii, 4, P. L., t. xxii, col. 447. L’édition de Hilberg seule donne le texte complet de cette lettre. La notice consacrée à Origène dans le De