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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/218

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ORIGÉNISME. CONTROVERSES DU IVe SIÈCLE


viris. écrit en 398. respire l’enthousiasme : Jérôme y célèbre son génie immortel. De viris, c. liv, P. L., t. xxiii. col. 698 sq. Du reste il est reconnu que Jérôme, avant l’année 394, n’a jamais parlé d’Origène d’une manière défavorable, bien que, sur plus d’un point, il se soit séparé de lui. Sur cette attitude de saint Jérôme à l'égard d’Origène, antérieurement à 394. voir Cavallera, Saint Jérôme, sa vie, ses œuvres, Paris. 1922, t. ii, note Q. Nous verrons que Jérôme finit par se ranger parmi « les chiens enragés » qui voyaient en Origène l’hydre des hérésies.

En 395. un certain Atarbius se présenta à Rufin, au mont des Oliviers à Jérusalem, et à Jérôme, en son monastère de Bethléem, et leur demanda de renier les erreurs d’Origène. Rufin le renvoya en le menaçant de coups de bâtons ; Jérôme lui donna satisfaction. S. Jérôme. ApoL, .III, c. xxxiii, P. L., t.xxiii, col. 503. Cavallera essaie d’expliquer cette brusque volte-face de Jérôme par le souci qu’avait celui-ci de maintenir intact son renom d’orthodoxie, op. eit.. t. ii, p. 206. Mais n’avait-il pas ce soiui quand, dix ans après la publication du Panarion, il traitait de chiens enragés ceux qui prétendaient qu’Origène avait été condamné comme hérétique ? Quoi qu’il en soit des motifs qui le guidèrent en cette occasion, à partir de ce moment. Jérôme devint un adversaire intraitable d’Origène.

L’intervention d’Atarbius n’eut pas de suite, mais, peu après, en cette même année 395, Épiphane arriva à Jérusalem. Immédiatement, il mit en garde l'évêque Jean contre les sectateurs d’Origène qui se trouvaient dans son entourage, tout particulièrement contre Rufin et Palladius, et l’invita instamment à anathématiser les erreurs origénistes. Tout ce qu’il obtint de l'évêque de Jérusalem fut que celui-ci, dans un sermon prononcé dans sa cathédrale, résumât les principaux points de sa foi, mais sans souffler mot d’Origène et de sis doctrines. Quelque temps après, Jean, agacé des perpétuelles objurgations d'Épiphane, essaya de le mettre en mauvaise posture en prêchant contre les anthropomorphistes, les adversaires d’Origène passant à cette époque pour être infectés de l’erreur anthropomorphiste. A la fin du sermon, Épiphane se leva pour dire : « Tout ce qu’a dit mon frère par la dignité, mon fils par l'âge, est parole bonne et fidèle, ma voix aussi le condamne, mais il est juste, en condamnant cette hérésie, de condamner également les dogmes pervers d’Origène. » Sur ces faits, voir la lettre d'Épiphane à Jean de Jérusalem dans S. Jérôme, Epist., li, 3, G, 9 sq., et le Contra Johannem, lf, P. L., t. xxii, col. 519 sq. ; t. xxiii, col. 380 sq.

Sur ces entrefaites, Épiphane, quittant brusquement Jérusalem, se retira à son monastère de BesanDuc près d'Éleuthéropolis. De là, par de fréquentes lettres, il continua à harceler l'évêque de Jérusalem en vue de l’amener à une condamnation d’Origène. S. Jérôme, Epist.. li, n. 1, t. xxii, col. 517 sq.

Environ un an après ces événements, une délégation de moines du monastère de Jérôme à Bethléem alla trouver Épiphane à Besan-Duc, pour régler un dissentiment qui s'était élevé entre eux et le vieil évêque de Salamine. A cette occasion, Épiphane conféra le diaconat et la prêtrise à Paulinien, frère de Jérôme, qui conduisait la délégation, afin que le monastère de Bethléem eût un prêtre à sa disposition, Jérôme se refusant toujours à faire usage de ses pouvoirs d’ordre. Jean de Jérusalem, mécontent de cette façon d’agir, s’en plaignit vivement. Épiphane lui écrivit une longue lettre justificative ; il y reproduit les griefs formulés contre Origène dans le Panarion, augmentés d’un nouveau chef d’accusation, concernant le salut final du démon ; et il invite derechef Jean à anathématiser publiquement le docteur alexandrin.

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

Cette lettre excita un grand émoi en Palestine et fut traduite en latin par saint Jérôme : c’est la lettre li, P. L.. t. xxii, col. 517 sq. Voyant que Jean ne lui répondait pas, Epiphane invita les moines de Palestine à rompre la communion avec leur évêque. Il écrivit aussi au pape Sirice et aux évêques de Palestine pour dénoncer l’hétérodoxie de Jean. Contra Johannem. 14, P. L., t. xxiii, col. 383. Jérôme et ses moines donnèrent suite à cette invitation. Par représailles, l'évêque de Jérusalem interdit à Jérôme et aux membres de sa communauté l’entrée de l'église de la Nativité de Bethléem ; mais Jérôme ne se départit en rien de son attitude hostile à l'égard de Jean et des doctrines origénistes. Contra Johannem, col. 4Il B. Enfin, Jean de Jérusalem, irrité de l’attitude hostile de Jérôme, eut recours aux grands moyens ; il obtint de l’empereur une sentence d’exil contre Jérôme et ses partisans ; mais la menace d’une invasion hunnique détourna l’attention des autorités impériales et la sentence d’exil ne fut pas exécutée. Lettre de S. Jérôme à Théophile d’Alexandrie, Epist., lxxxii, 10 ; i.xxvii, 8, P. L., t. xxii, col. 741, 096. Pour en finir, l'évêque de Jérusalem réclama l’intervention du patriarche d’Alexandrie, Théophile, qui jouissait d’un grand crédit auprès des moines. En juin 396, Théophile envoya à Jérusalem comme conciliateur un de ses prêtres nommé Isidore, qui jouissait d’un grand renom d’ascétisme. Sa mission échoua, mais il emporta à Alexandrie une lettre de Jean pour Théophile. Dans cette lettre, l'évêque de Jérusalem exposait ses démêlés avec Épiphane et Jérôme à son point de vue ; il y avait aussi inséré une profession de foi correcte. Voir les fragments de cette lettre dans le Contra Johannem. col. 391, et la reconstitution de la profession de foi de Jean dans Caspari, Ungedruckte Quellen : ur Geschiclile des Tàufsymbols, t. i, Christiania, 1866, p. 100-172. Cette lettre de.Jean fut aussi envoyée à Rome et fit bonne impression sur le pape Sirice.

Informé de ce fait par Pammachius, Jérôme attaqua l'évêque de Jérusalem dans un pamphlet très violent, le Contra Johannem H ierosolijmitanum, auquel nous nous sommes déjà référé. Il y réédite les griefs antiorigénistes de saint Épiphane et s’efforce de démontrer l’hétérodoxie de la profession de foi de Jean. Voir surtout n. 4, 25, 27. Toutefois, la réconciliation de Jérôme et de Jean arriva très vite après cet éclat. Au reçu de la lettre de Jean de Jérusalem, Théophile écrivit à tous les moines de Palestine une longue exhortation à la concorde et à la soumission à l'évêque. Cette lettre est perdue, mais nous avons encore la réponse de Jérôme, Epist.. lxxxii, P. L., t. xxii, col. 736 sq. En 397, Jérôme se réconcilia avec son ancien ami Rufin, qui avait toujours été du parti de l'évêque ; c’est vers la même époque qu’il dut faire également la paix avec l'évêque Jean. Il ne semble pas qu'à cette occasion on ait fait mention d’Origène : chaque parti a dû coucher sur ses positions. Cavallera, t. i, p. 227.

Cette paix ne devait pas être de longue durée. Rufin, retourné en Italie, y publiait, en 398, une traduction du Péri Archôn. Dans la préface, il se donnait comme le continuateur de l'œuvre commencée par Jérôme, qui avait déjà traduit un certain nombre d’homélies d’Origène. Très irrité de se voir rappeler son passé origéniste, le solitaire de Bethléem attaqua violemment Rufin. Il reprit les griefs d'Épiphane contre l’orthodoxie d’Origène et contesta l’exactitude de la traduction de Rufin. Toutefois ce n’est pas cette polémique entre ! es deux moines qui amena la catastrophe : ce fut la volte-face de Théophile d’Alexandrie. Sur la polémique entre Rufin et Jérôme, voir Jérôme (Saint), t. vii, col. 899 sq., et Rufin ; cf. Cavallera, t. i, p. 229 sq.

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