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OSEE. LES ENSEIGNEMENTS


sions pour préparer une sincère conversion que tendent les oracles d’Osée annonçant le jugement divin.

Ce jugement sera sévère et il est inéluctable. Il sanctionnera le présent, mais aussi le passé ; les contemporains du prophète, en effet, ne font que persév érer dans l’attitude de leurs ancêtres dès les premiers temps de l’histoire d’Israël. L’adultère du peuple remonte aux jours de Béelphégor et de Gabaa, aux temps du séjour au désert et de l’entrée en Canaan ; déjà il s'était rendu abominable aux yeux de Jahvé, comme l’idole infâme à laquelle il s'était consacré, ix, 10. Tout ce passé, si lointain soit-il, apparaît au regard du prophète sous son aspect toujours actuel de révolte et d’ingratitude envers Jahvé, qui se souvient « de toute leur méchanceté, ayant leurs forfaits présents devant lui ». vii, 2.

Vainement Jahvé a tenté de ramener les enfants d’Israël à d’autres sentiments et à une autre attitude ; comptant sur l’adversité pour faire naître le désir d’une conversion sincère, il lui a délégué des messagers pour le provoquer au repentir, et l’a soumis à l'épreuve, xii, 11 ; il a pu sembler parfois que ces appels n'étaient pas demeurés sans écho : « Allons, retournons à Jahvé, c’est lui qui a déchiré, mais il guérira, il a frappé, mais il bandera nos plaies. » vi, 1-2. Ces paroles que le prophète prête au peuple ne sont-elles pas une promesse et un commencement de repentir ? Hélas non, « l’iniquité d'Éphraïm est engerbée et son péché est mis en lieu sûr. » C’est pourquoi il ne pourra renaître à une vie nouvelle, xiii, 12-13. L’antique alliance qui avait fait d’Israël le peuple choisi de Jahvé n’est plus possible ; le nom symbolique du troisième enfant d’Osée, « Pas mon peuple », annonce la rupture, i, 9 ; oui, ils sont venus les jours du châtiment, ils sont venus les jours de la rétribution, ix, 7. Le pasteur attentif et vigilant s’est changé en un lion rugissant ; comme une panthère sur le chemin, il guettera sa proie, il l’assaillera comme l’ourse séparée de ses petits, pour la mettre en pièces, xiii, 7-8.

L’exécution du jugement revêt pour Osée, comme d’ailleurs pour la plupart des prophètes, des formes différentes. Bien qu’Amos, une vingtaine d’années auparavant, ait assez clairement désigné les Assyriens comme instruments des vengeances divines, Osée, dans ses plus anciennes prophéties, ii, iv, v, vii, semble les ignorer et, plus tard encore, alors que, selon toute prévision humaine, la menace assyrienne se fait de plus en plus imminente, l’Egypte est mentionnée à côté de l’Assyrie, ix, 3 ; xi, 5 ; c’est qu’au prophète il importe peu que ce soit telle ou telle nation, il ne voit que le Dieu exterminateur, faisant appel tantôt aux armées ennemies, tantôt à des fléaux dévastateurs qui tariront les fontaines, dessécheront les récoltes ou frapperont de stérilité même les femmes, ix, 11, 14 ; le désert, la mort, le shéol deviendront par la colère de Jahvé des instruments de ruine, xiii, 14, 15.

Tous les coupables seront punis, mais spécialement les responsables. Les prêtres d’abord ; ils seront atteints dans ce qui leur tient le plus à cœur, la richesse et les honneurs : « ils mangeront et ne seront pas rassasiés…, leur gloire sera changée en ignominie, leurs enfants seront exclus du sanctuaire, oubliés, comme leurs pères ont oublié la loi de Dieu. » iv, 6-10. Les rois et les princes ensuite, ces autres responsables de l’infidélité du peuple ; eux non plus ne seront pas épargnés, ils seront submergés par la colère divine ; donnés jadis par Jahvé dans sa colère, ils seront repris dans sa fureur, xiii, 11. A cause de l'énormité de sa malice, la maison d’Israël sera détruite, comme Bethvrbel au jour du combat, x, 14-15. Il n’est pas jusqu’aux sanctuaires eux-mêmes qui ne soient frappés ; « les hauts-lieux d’impiété » qui sont « le péché d’Is raël » seront détruits, « les épines et les mauvaises herbes monteront sur leurs autels », vii, 2 ; les veaux d’or de Samarie et de Béthel, l’orgueil du pays, seront mis en pièces, viii, 6 ; impuissants et vaincus, ils prendront le chemin de l’exil pour être transportés en Assyrie comme présents au grand roi. x, 6.

Telles seront, en un mot, l’horreur et l'épouvante du désastre, que, dans l’espoir de s’y soustraire, tous ceux que menace le fléau divin diront aux montagnes : « Couvrez-nous, et aux collines : tombez sur nous. » x, 8.

4. Messianisme.

La pensée du jugement irrévocable^ malgré quelques rares et fugitives lueurs d’espoir, obsède l’esprit d’Osée. Et cependant jugement et condamnation ne devaient ni ne pouvaient être les derniers mots de la justice ou plutôt de l’amour divin ; « Comment t’abandonnerai-je, ô Éphraïm, et te livrerai-je, ô Israël ! » Le sort d’Adama et de Séboïm, anéanties jadis dans la catastrophe de Sodome et de Gomorrhe (Deut., xxix, 23), ne saurait devenir celui d’Israël, xi, 8. Dieu sans doute peut bien punir, haïr même, ix, 15, il ne peut exterminer à jamais ce peuple qu’il a appelé et qu’il a aimé, précisément parce qu’il est Dieu et qu’il est saint. Le message d’Osée, avec sa conception de Dieu et d’Israël non moins que de leurs rapports mutuels, exige cette conclusion du pardon et du salut ; l’on a vu précédemment à quelle méconnaissance de la véritable pensée du prophète aboutissait la mutilation de ses plus belles perspectives messianiques.

Le repentir et la conversion doivent toutefois devancer le pardon divin ; sous les coups de l'épreuve, les enfants d’Israël réfléchiront et, à la lumière de ses enseignements, ils verront la voie à suivre désormais : « Après cela ils se convertiront et chercheront de nouveau Jahvé, leur Dieu, et David, leur roi ; ils reviendront en tremblant vers Jahvé et sa bonté, à la fin des jours. » ni, 5. Ils se souviendront de la douceur des premiers jours de l’alliance ; en évoquant les temps de félicité du séjour au désert, ils retrouveront les sentiments de confiance et d’amour, comme aux jours de la jeunesse, comme au jour où ils sortirent du pays d’Egypte, ii, 14-17. De même que les égarements de la femme que le prophète doit aimer symbolisent les errements d’Israël, ainsi son retour par l'épreuve et l’amour figure la conversion des enfants d’Israël, m.

Les conditions mêmes de l’union restaurée de Jahvé et de son peuple en marquent bien le caractère essentiellement moral qui apparaît, plus accentué encore, dans la nature des bienfaits qui l’accompagnent : « Je te fiancerai à moi dans la justice et la droiture, la bienveillance et l’amour ; je te fiancerai à moi dans la fidélité et tu connaîtras Jahvé. » ii, 19-20. Tous les péchés que le prophète n’a cessé de dénoncer et de combattre : culte des Baals et des images, pratiques superstitieuses, recours aux puisssances terrestres, feront place désormais au culte du seul Jahvé qui aura son expression dans la prière intime et confiante. il, 14 ; xiv, 3, 9. Si le souci de la prospérité matérielle n’est pas étranger aux motifs de conversion, si le souvenir du bonheur passé en fait espérer le retour, ii, 7, si Jahvé lui-même n’exclut pas les biens matériels des perspectives de la réconciliation, il n’en demeure pas moins que c’est sous son aspect moral qu’il l’envisage et qu’il multiplie les oracles pour élever l'âme des enfants d’Israël et la dégager de ses préoccupations égoïstes.

Les splendeurs d’une ère glorieuse succéderont à l’amertume des jours sombres où sévissait la justice ; l’opprobre des noms symboliques des enfants du prophète « Pas de miséricorde » et « Pas mon peuple » sera effacé : « Je ferai miséricorde à Lô-Ruhâmâh et je dirai à Lô-'Ammt : tu es mon peuple. » ii, 23-24. La