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OSÉE. LES ENSEIGNEMENTS


paix, rétablie avec Jahvé, le sera également dans le pays d’Israël qui retrouvera son antique unité, brisée aux jours de Jéroboam : « Les enfants d’Israël et les enfants de Juda se réuniront et se donneront un même chef et monteront hors du pays », non pas hors du pays de l’exil (Nowack, Marti, Harper), mais de leur terre, devenue trop étroite pour les contenir (Van Hoonacker). C’est qu’en effet, ils seront devenus nombreux comme les grains de sable de la mer qui ne se mesurent ni ne se comptent et seront appelés les fils du Dieu vivant, i, 10. Dans le monde de la nature régnera aussi une paix universelle, par l’alliance que Jahvé fera pour son peuple avec les bêtes sauvages, les oiseaux du ciel et les reptiles de la terre, en faisant disparaître du pays arc, glaive et combat, ii, 18. Cette idée de la paix paradisiaque revient souvent chez les prophètes dans la description des perspectives messianiques. Cf. en particulier Is., xi, 6-8. Dans un monde ainsi heureusement transformé, Israël jouira de tous les bienfaits de la protection divine : « Je serai pour Israël, dit Jahvé, comme la rosée ; il fleurira comme le lis… il aura la splendeur de l’olivier et les parfums du Liban. » xiv, 6-7.

Telles sont les glorieuses perspectives de salut qu’annonce le message d’Osée, sans toutefois distinguer, à la manière ordinaire des prophètes, leurs divers horizons, plus immédiats ou plus lointains ; et ainsi se réalise dans un merveilleux épanouissement la doctrine d’amour prêchée par le fils de Béeri.

A ces perspectives ne faudrait-il pas ajouter d’après l'épître aux Romains, ix, 25-26, la conversion des gentils ? Saint Paul, en effet, ne semble-t-il pas en lire l’annonce dans ces deux versets du livre d’Osée, ii. 24 et ii, 1, cités librement : « Celui qui n'était pas mon peuple, je l’appellerai mon peuple, et celle qui n'était pas la bien-aimée, je l’appellerai bien-aimée. » « Et dans le lieu où il leur fut dit : Vous n'êtes pas mon peuple, là même on les appellera fils du Dieu vivant. » Dans les deux cas, il n’est question, dans le livre d’Osée, que d’Israël seulement et « à ne considérer que le texte d’Osée, on n’eût pu y lire d’avance la vocation des gentils selon ses modalités historiques ; niais le fait éclaire le texte, montre l’extension qu’il faut lui donner et se range sous la perspective prophétique… Paul ne dit pas : afin que soit accompli ce qui est dit dans Osée. Il renvoie seulement à un texte d’Osée qui éclaire admirablement le procédé de Dieu. » Lagrange, Saint Paul, Épîlreaux Romains, p. 242-243.

Quant à la personne elle-même du Messie, si l’on except. iii, 5, où il figure sous les traits du roi David, réunissant sous sa domination Israël et Juda, on ne voit guère qu’il en soit fait mention au cours des prophéties d’Osée, encore faut-il observer que les mots « David, leur roi » sont parfois rejetés, à tort d’ailleurs, comme une glose tardive, d’origine judéenne. Ce n’est pas que tel ou tel passage du prophète ne soit pourtant appliqué à Notre-Seigneur par les évangélistes ou par saint Paul ; c’est le cas, par exemple, du f 1 du chapitre xi, rapproché, dans le premier évangile, ii, 15, du séjour de Jésus en Egypte et de son retour après la mort d’Hérode : Ex Mgypto vocavi Filium meum. Par delà le peuple d’Israël dont seul il est question dans le texte d’Osée, l'évangéliste voit le Messie, véritable Fils de Dieu, figuré par le peuple choisi ; « La pensée de Matt., note le P. Lagrange, paraît être : Si le prophète a pu ainsi parler d’Israël, combien plus justement pouvons-nous le dire de Jésus. » Évangile selon saint Matthieu, p. 33. L’hébreu de ce passage pourrait d’ailleurs se traduire d’après le contexte : « Depuis l’Egypte j’adressai des appels à mon fils », pour le ramener à moi. — Pour le f 3 du c. vi : « En deux jours, il nous fera revivre ; le troisième jour, il nous relèvera et nous vivrons devant sa face », nombreux

sont les anciens commentateurs surtout qui y ont vu une prophétie littérale et directe soit de la résurrection du Christ, soit de notre résurrection dans le Christ. Cf. Knabenbauer, In prophetas minores, t. i, p. 82-85. Pour se rendre compte qu’il n’y a là qu’une simple accommodation, il suffit de se rappeler la pensée du prophète en cet endroit : le peuple, abattu par le malheur, exprime son repentir et sa confiance en Jahvé qui l’a frappé mais pour le guérir, et sera assez puissant pour le relever dans un délai très court ; dans ce verset, à l’interprétation très discutée, quelques modernes voient une allusion à des pratiques superstitieuses ou à des mythes païens de mort et de résurrection d’un dieu (Schmidt, Baudissin, Sellin) ; on l’a enfin parfois rapproché de la réponse du Christ à Hérode. Luc, xiii, 32.

Les citations assez nombreuses des prophéties d’Osée dans le Nouveau Testament témoignent de l’importance qu’y attachaient le Christ et les Apôtres ; c’est ainsi qu'à deux reprises la parole de Jahvé sur la supériorité de la charité, comparée aux rites sacrificiels, est redite par le Sauveur. Os., vi, 6 et Matth., ix, 13 ; xii, 7. Cf. Os., i, 10, et Rom., ix, 26 ; Os., ii, 24, et Rom., ix, 25, et I Pet., ii, 10 ; Os., x, 8, et Luc, xxiii, 30, et Apoc, vi, 16 ; Os., xiii, 14, et I Cor., xv, 54 et Heb., ii, 14.

Conclusion. — La doctrine d’Osée sur Dieu, la religion et le culte, le passé et l’avenir d’Israël, est, on le voit, d’une importance non minime dans l’histoire de la pensée religieuse de l’Ancien Testament. Point n’est besoin, pour le reconnaître, de voir dans les enseignements d’Osée et dans ceux d’Amos les origines du monothéisme moral que certains historiens modernes d’Israël fixent au vine siècle seulement. Héritier d’une tradition déjà ancienne, Osée ne se présente nulle part comme un novateur ; le Dieu qu’il prêche, unique, puissant, juste, bon et miséricordieux n’est pas un inconnu pour ses auditeurs. Si ces derniers ne le connaissent pas tel qu’il est réellement, c’est qu’ils l’ont abandonné, iv, 10, manquant à la foi donnée et reçue comme l'épouse infidèle. C’est le Dieu de l’alliance, de la sortie d’Egypte et du séjour au désert, ii, 15 ; ix, 10 ; xi, 1 ; xii, 10 ; xiii, 14 ; le Dieu du patriarche Jacob, xii, 4 ; le Dieu de la loi, de la tara qu’ils ont oubliée, iv, 6. « S’il est vrai que cette « loi », chez les anciens prophètes, ne forme pas encore un code fermé, il ne l’est pas moins qu’elle a une forme et une teneur fixées quant aux principes… La tara avec ses exigences, fixées quant aux principes et aux leçons qu’en déduit l’autorité légitime, est la donnée permanente sur laquelle les prophètes appuient leur prédication. Rien, dans le langage des prophètes, ne s’oppose à la notion d’une Tôra mise par écrit ; » au contraire, des passages tels que Os., viii, 12, montrent que c'était l’usage de mettre par écrit les enseignements de la Loi. Cf. Van Hoonacker, op. cit., p. 45, 85. Les nombreuses allusions du prophète aux événements du passé ajoutent encore au caractère nettement traditionnel de sa doctrine. Les contemporains ne s’y trompent point d’ailleurs ; ils ont une conscience très claire de la vérité des reproches qui leur sont adressés, vi, 1-3 ; xiv, 3-4, et ne prétendent nullement être les gardiens de la tradition que le prophète méconnaîtrait pour lui substituer une doctrine nouvelle. Cf. Lagrange, La nouvelle histoire d’Israël et le prophète Osée, dans Revue biblique, 1892, p. 203-235.

Successeur de Moïse, de Samuel et d'Élie, Osée continue leur mission de représentant légitime de Jahvé auprès de son peuple et inversement de représentant du peuple auprès de Jahvé. Comme eux, il a été le messager des oracles divins et a intercédé en faveur de ce peuple, aussi ingrat envers son Dieu qu’envers ses prophètes, ix, 7 ; la persécution et souvent le martyre