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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/423

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1979
1980
PARALIPOMÈNES (LIVRES DES). SOURCES


faiblesses, de son adultère avec Bethsabée et du meurtre d’Urie. On en a tiré cette conclusion que le David des Paralipomènes n’était pas celui de l’ancienne tradition, mais bien plutôt celui du judaïsme : le poète des psaumes et la figure du Messie. L’histoire de Salomon offre de semblables lacunes, soit au sujet des intrigues qui lui assurèrent la succession au trône de David, soit au sujet des révoltes qui troublèrent la fin de son règne et surtout de l’idolâtrie qui entacha la fin de sa vie. Il n’est pas jusqu’au culte des hautslieux qui ne soit présenté sous un jour moins défavorable ; ou bien, si l’on ne peut en taire la survivance, on le représente comme rendu au seul vrai Dieu, II Par., xxxiii, 17, ou bien on omet d’en parler ; tandis que le livre des Rois, après l’éloge d’un prince qui avait fait ce qui est droit aux yeux fie Jahweh, note si souvent la persistance du culte des hauts-lieux où le peuple continue à offrir des sacrifices et des parfums, les Paralipomènes n’en disent mot. Cf. II Par., xxiv, 2, et IV Reg., xii, 2-3 ; II Par., xxv, 2, et IV Reg., xiv, 3-4 ; II Par., xxvii, 2, et IV Reg., xv, 34-35.

Des critiques se sont complus dans l’énumération de ces retouches à l’histoire d’Israël, telle que la tradUion, consignée aux livres de Samuel et des Rois l’avait jusqu’alors transmise, pour en lirer des conclusions qui ne sont rien moins que favorables au caractère d’historicité des Paralipomènes (voir ci-dessous).

But politique et dynastique.

Parallèlement au but

religieux, dont il est d’ailleurs inséparable, le Chroniqueur poursuit encore un but politique et dynastique. La seule histoire qui l’intéresse est celle du royaume de Juda ; le nom des rois d’Israël ne se rencontre sous sa plume qu’autant qu’il est nécessaire à l’intelligence de certains événements de l’histoire des rois de Juda, en relation de guerre ou d’alliance avec leurs voisins du Nord. Plus sensible encore est son souci de mettre en relief la personnalité de David, dont l’éclat rejaillit sur toute sa descendance. De Saûl il n’est fait mention que pour rappeler ses péchés, cause de son rejet et occasion du choix par Jahweh d’un roi selon son cœur, qui sera le fondateur de la dynastie royale. Dans l’histoire de ses deux premiers représentants, rien n’est rappelé de ce qui pourrait jeter quelque ombre sur ces princes, organisateurs et gardiens du culte prescrit par Jahweh. La sèche énumération des généalogies du début, en rattachant l’histoire de l’Israël d’après la captivité à celle des origines du peuple et de ses antiques splendeurs, marque l’unité idéale qui existe entre la communauté post-exilienne et l’Israël d’avant la captivité ; n’est-ce pas que l’alliance avec Jahweh est toujours effective et que la participation aux mêmes espérances messianiques impose comme par le passé l’observation de la Loi ?

Si l’on se demande maintenant pourquoi celle évocation de l’histoire religieuse du royaume de Juda, on peut, non sans vraisemblance, supposer que son auteur, vivant aux tristes temps de la déchéance d’Israël, avait le dessein de réconforter ses contemporains et de les maintenir malgré tout dans la fidélité à la Loi et au culte mosaïques. Pour cela, il leur rappelle les gloires passées, les jours bénis où leurs rois, surtout le chef de la dynastie, servaient Jahweh, ce Dieu juste et puissant qui, comme jadis, saura récompenser les bons et châtier les méchants, et faire lever enfin, par de la les opprobres et les afflictions de l’heure présente, l’aurore de J’ère glorieuse promise à son peuple.

IV. Composition.

Si tel est bien le but poursuivi pai le rédacteur des Paralipomènes, il est facile de concevoir que, pour le réaliser, il devra tenir compte de la façon dont était racontée cette histoire du peuple de Dieu dans la suite des livres, qui vont de la Genèse

aux livres des Rois et qui était connue depuis longtemps déjà à l’époque où il vivait. Ces livres lui offraient une mine inépuisable d’éléments d’information pour élaborer son œuvre d’instruction et d’édification. En fait, la comparaison entre les Paralipomènes et la littérature canonique antérieure révèle de très nombreux points de contact. Cette dernière pourtant, si elle est une des sources principales où puise le Chroniqueur, n’est pas la seule ; à maintes reprises, d’autres sont signalées. Il importe de déterminer les unes et les autres, et de caractériser la manière dont elles ont été mises en œuvre par le rédacteur.

Les sources.

1. Canoniques. — On a dressé de

longues listes des passages parallèles des Paralipomènes d’une part et de la Genèse, de l’Exode, des Nombres (aucun du Lévitique ni du Deuléronome), de Josué, de Ruth, mais surtout de Samuel et des Rois, d’autre part. De ces derniers, qu irante-cinq passages environ sont reproduits littéralement. En voir la liste dans les Commentaires et les Introductions, entre autres : Driver, Introduction lo the Old Testament, 7e édit., p. 519-525 ; de Hummelauer, Commentarius in Paralipomenon, t. i, p. 205-206 ; Curtis, The books of Chronicles, p. 17-19. Qu’il s’agisse de véritables sources, c’est ce qu’admettent aujourd’hui les critiques, pour la plupart du moins, et c’est ce que prouvent, non seulement la conformité verbale si fréquente, mais aussi le groupement des faits et l’ordre adopté. Les différences, pourtant nombreuses, s’expliquent ; écrites d’un même style, celui du rédacteur, comme en témoignent les particularités qu’on y relève, elles répondent, en général, au but ou au point de vue particuliers du Chroniqueur, modifiant certaines données des sources utilisées parce qu’elles ne lui semblent pas concorder suffisamment avec ce but et ce point de vue. Le Chroniqueur, en effet, n’est point ce copiste servile que certains ont imaginé ; il adapte son texte, abrège, amplifie par l’introduction d’éléments nouveaux, pour donner à son idée plus de force ou de clarté. D’autres différences s’expliquent, ou par les vicissitudes de deux textes dont l’un, celui des Paralipomènes, a subi de moins nombreuses transcriptions, ce qui lui vaudrait parfois des leçons plus proches de l’original, ou par le rajeunissement nécessaire de termes anciens.

S’agit-il toutefois d’un emploi direct des livres canoniques par le Chroniqueur ou seulement de l’utilisation de sources communes qu’auraient employées les auteurs sacrés en les adaptant à leur point de vue particulier ? Cette dernière hypothèse, développée surtout par Keil, rendrait compte des variantes parfois nombreuses que présentent les récits parallèles ; elle ne semble pas devoir être retenue cependant, car, dans les Paralipomènes, les éléments constitutifs du récit sont groupés selon un ordre qui, déjà dans les livres canoniques antérieurs, est le résultat d’une combinaison d’éléments de diverses provenances. Cf. I Par., xviii, et II Reg., vin ; II Far., vi-xiii, et IV Reg., iv-xv ; II Par., ii, et III Reg., v, 1-16, etc. Pour ce qui est des éléments auxquels rien ne correspond dans les livres canoniques anciens, on peut supposer que le rédacteur des Paralipomènes les a empruntés aux sources mêmes de ces livres, mais on ne peut le prouver à cause de l’unité de style, celui du Chroniqueur, qui caractérise tous ces passages.

Pourquoi, enfin, ces sources canoniques, surtout les livres de Samuel et des Rois, ne sont-elles mentionnées nulle part dans les Paralipomènes, alors que cela est fait si souvent pour d’autres sources ? Les titres fréquemment cités de Liores des Rois d’israd, ou d’Isra l et de Judane les désignant certainement pas (voir plus loin), on a alors supposé que le Chroniqueur, composant son livre dans le but de remplacer les livres des Rois, ne les jugeait pas assez conformes au