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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/512

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PASCAL. SA THEOLOGIE


Dieu. Sur tous ces points, Pascal est donc resté fidèle à la pensée des Provinciales qu’inspirait, on l’a vii, la doctrine de Port-Royal. Cf. d’ailleurs, Laporte, La doctrine de Port-Royal, t. ii, Exposition de la doctrine d’après Amauld, i. Les vérités de la grâce, Paris, 1923, p. 20 et 21.

L’homme et la grâce.

1. L’homme. — Contrairement

à ce qu’ont écrit Luther et Calvin, il y avait une distinction d’essence entre les dons naturels en Adam et les surnaturels et, à aucun degré, ceux-ci ne faisaient partie intégrante de sa nature. Mais, contrairement à ce que soutiennent les molinistes, il eût été indigne de la sagesse divine de créer l’homme dans l’état de pure nature dans lequel il n’eût été, on le voit aujourd’hui, qu’un être disproportionné à sa fin et à ses aspirations. Si Dieu ne lui devait pas les dons surnaturels, l’homme en avait besoin pour assurer l’équilibre entre ses aspirations et ses forces ; c’est pourquoi, en le créant, Dieu les lui avait accordés. « J’ai créé l’homme saint, innocent, parfait. » Fr. 434. « Les disciples de saint Augustin considèrent deux états dans la nature humaine. L’un est celui auquel elle a été créée dans Adam, saine, sans tache, juste et droite, sortant des mains de Dieu, duquel rien ne peut partir que sain, juste et parfait. » Premier écrit : Exposé sommaire du problème de la grâce, t. xi, p. 135.

Après le péché originel. Dieu a « abandonné l’homme à lui », fr. 434, et ainsi réduit à sa nature, l’homme est « un monstre », un sujet de contradiction, un paradoxe. Fr. 420. Lui laissant ses aspirations au souverain bien, au bien parfait qui est Dieu, le péché originel l’a détourné de Dieu et tourné vers la créature. Aversio mentis a Deo, conversio ad creaturam, cf. fr. 434. « Le libre arbitre est demeuré flexible au bien et au mal, mais avec cette différence qu’au lieu qu’en Adam, il n’avait aucun chatouillement au mal et qu’il lui suffisait de connaître le bien pour s’y pouvoir porter, maintenant il a une suavité et une délectation si puissante dans le mal par la concupiscence qu’infailliblement, il s’y porte de lui-même. » Deuxième écrit. Opinions de saint Augustin, des pélagiens et de Calvin sur le problème de la grâce, t. xi, p. 148. Par contrecoup de la concupiscence, « son esprit », qui en Adam avant la faute était’< très fort, très juste, très éclairé, est dans l’ignorance », en ce sens surtout, que dans la recherche de son souverain bien, attiré parla créature, il est incapable de le trouver là où il est, en Dieu.

De plus « comme un fruit sortant d’une mauvaise semence, tous les hommes sortis d’Adam, naissent coupables du péché d’Adam et dignes de la mort éternelle ». Ibid. « Par le péché, la nature humaine est devenue souillée, abominable aux yeux de Dieu. » Premier écrit, loc. cit., p. 135. En même temps, tous les actes de l’homme, — sans la grâce, — sont coupables, puisque provoqués par la concupiscence, qu’ils soient accomplis ou non avec la connaissance de la faute. Entraîné, en effet, par laconcupiscence, l’homme « se porte de lui-même à ces actes comme à son bien, et il les choisit de lui-même et très librement et avec joie comme l’objet où il sent sa béatitude ». Deuxième écrit, loc. cit., et son ignorance n’est que l’effet de sa malice ; cf. la 4e Provinciale. « Dans l’état d’innocence, Dieu ne pouvait avec justice damner aucun des hommes…, en l’état de corruption il pouvait, avec justice, damner la masse entière », Premier écrit, loc. cit., p. 135, et « abandonner tous les hommes sans miséricorde à la damnation », Deuxième écrit, loc. cit.

Sur la conformité de ces doctrines avec celles de Port-Royal, cf. Laporte, loc. cit., c. i, Nécessité de la grâce : Le péché originel, et avec’Augustinus, cf. Jansénisme, t. viii, col. 347 sq.

2. La prédestination et la rédemption.

« // est cons tant qu’il y a plusieurs des hommes damnés et plusieurs sauvés. » Comment cela se fait-il ? Par la volonté de Dieu et par la volonté de l’homme. « Mais, laquelle de ces deux volontés est la maîtresse, la dominante, la source, le principe et la causede l’autre… ? L’action sera rapportée à cette volonté première et non à l’autre. » « La volonté suivante est telle qu’on peut dire en un sens que l’action provient d’elle puisqu’elle y concourt, et en un sens qu’elle n’en provient pas parce qu’elle n’en est pas l’origine », tandis que, « de la volonté primitive, on ne peut dire en aucune sorte que l’action n’en provient pas », Premier écrit, loc. cit., p. 120.

Or, les calvinistes émettent cette opinion « épouvantable, injurieuse à Dieu et insupportable aux hommes que Dieu, en créant les hommes, en a créé, les uns pour les damner, les autres pour les sauver, par une volonté absolue », que, pour cela, « il a fait pécher Adam… et tous les hommes en lui » et, qu’ayant envoyé Jésus-Christ racheter ses élus, « il leur donne la charité et le salut indubitablement », privant en même temps, « durant tout le cours de la vie, de la charité ceux qu’il a voulu damner en les créant ». Ibid. « En haine de cette opinion abominable, les molinistes ont pris ce sentiment non seulement opposé, mais absolument contraire, que Dieu a une volonté conditionnelle de sauver généralement tous les hommes, que Jésus-Christ s’est incarné pour les racheter tous, et que, ses grâces étant données à tous, il dépend de leur volonté et non de celle de Dieu d’en bien ou d’en mal user. » Ibid., p. 134.

Les disciples de saint Augustin, entre ces deux erreurs contraires, soutiennent la vérité catholique : Autre était l’économie du salut dans l’état d’innocence, où « Dieu avait une volonté générale et conditionnelle de sauver tous les hommes, pourvu qu’ils le voulussent par le libre arbitre aidés des grâces suffisantes qu’il leur donnait » ; autre est cette même économie du salut « dans l’état de corruption : de la masse coupable et digne de damnation, il a voulu sauver une partie par une volonté absolue fondée sur sa miséricorde toute pure et gratuite et laissant l’autre dans la damnation où elle était et où il pouvait, avec justice, laisser la masse entière ; il a prévu ou les péchés particuliers que chacun commettrait ou, au moins, le péché originel dont ils sont coupables et, ensuite de cette prévision, il les a voulu condamner. » Ibid., p. 136. Et c’est dans ce sens que s’est faite la rédemption.

Les élus sont « le petit nombre ». Ibid., p. 137.

Si Dieu les connaît, ils ne se connaissent pas. Dès lors, tous les chrétiens » sont obligés de croire, mais d’une créance mêlée de crainte et qui n’est pas accompagnée de certitude… qu’ils sont de ce petit nombre… et de ne juger jamais d’aucun des hommes, quelque méchants et impies qu’ils soient, qu’ils ne sont pas du nombre des prédestinés. Ce qui oblige de faire pour eux ce qui peut contribuer à leur salut. » Ibid.

On peut voir maintenant le sens catholique de cette proposition dont Nicolas Cornet a prétendu trouver la négation dans VAugustinus (cf. la 5e des Cinq propositions ) : Jésus-Christ est mort pour tous. S’il est faux de dire avec les calvinistes que Jésus-Christ est mort uniquement pour les élus, c’est une autre erreur de dire, avec les molinistes, qu’il est mort indifféremment pour tous, élus et réprouvés, el avec le même fruit. Il est mort pour tous, cf. fr. 774, mais conformément aux desseins de son Père. Fr. 781. D’où « il n’y a que les élus à qui il ait voulu absolument mériter le salut. Néanmoins, quelques-uns qui ne sont pas prédestinés ne laissent pas d’être appelés pour le bien des élus et ainsi de participer à la rédemption. » En face de la rédemption — et par conséquent du salut, — il y a donc trois sortes d’hommes : les uns qui ne viennent