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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/513

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PASCAL SA THÉOLOlilK
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jamais à la foi ; les autres qui y viennent et qui ne persévérant pas meurent dans le péché mortel, et les derniers qui viennent à la foi et y persévèrent dans la charité jusqu’à la mort. Jésus-Christ n’a point eu de volonté absolue que les premiers reçussent aucune grâce par sa mort. Il a voulu racheter les seconds ; il leur a donné des grâces qui les eussent conduits au salut s’ils en eussent bien usé, mais il ne leur a point voulu donner cette grâce singulière de la persévérance sans laquelle on n’en use jamais bien. Mais, pour les derniers, il a voulu absolument leur salut et il les y conduit par des moyens infaillibles. » Si donc l’on peut dire que Jésus-Christ a racheté tous les hommes, en ce sens qu’il a détruit les eiïets universels de la faute originelle, et encore que sa volonté rédemptrice s’étendit à tous les hommes parmi lesquels la miséricorde divine a choisi ses élus, on ne sort pas de la vérité catholique, en entendant par là qu’il est mort pour les seuls chrétiens, méritant aux uns une grâce de salut efficace, aux autres une grâce de salut simplement suffisante, ou encore qu’il est mort pour les seuls élus, « les élus de Dieu faisant une universalité qui est tantôt appelée monde parce qu’ils sont répandus dans tout le monde, tantôt tous parce qu’ils sont une totalité, tantôt peu parce qu’ils sont peu à proportion de la totalité des délaissés ». Deuxième écrit sur la grâce, loc. cit., p. 148149. Cf. dans les Pensées les fragments qui opposent Jésus-Christ à Adam. fr. 430 et 523 ; qui expliquent le mot : Jésus-Christ rédempteur de tous, fr. 781 et 775, qui marquent en Dieu et en Jésus-Christ le dessein d’éclairer les autres, tandis qu’ils laissent les autres dans leur aveuglement. Fr. 556, 756, 771. Cf. sur la conformité de cette doctrine avec celle de Port-Royal, Laporte, op. cit., c. n. Économie de la grâce : La prédestination, et avec celle de l’Augiistinus, Jansénisme, t. viii, col. 431 sq.

3. Comment la volonté de l’homme coopère il la prédestination : la grâce efficace. — « Pour faire d’un homme un saint, il faut bien que ce soit la grâce, et qui en doute ne sait ce que c’est que saint et homme. » Fr. 508. « C’est la grâce (ou l’inspiration) et non le raisonnement qui fait suivre la religion. » Fr. 564.

Les protestants se trompent quand ils déclarent la volonté humaine corrompue à ce point que Dieu lui-même ne saurait la plier au bien, car « le libre arbitre est demeuré flexible au bien comme au mal ». Deuxième écrit, t. xi, p. 148. Les molinistes commettent une autre erreur en supposant que l’homme déchu n’a besoin, pour faire le bien, que d’une grâce suffisante qu’il voudra efficace, s’il le juge à propos. Il en était ainsi avant la chute, quand « sa volonté était indifférente pour le bien et le mal, et qu’il suivait, sans aucun appétit prévenant de sa part, ce qu’il connaissait de plus convenable à sa félicité ». Ibid., p. 147. II n’en est plus de même après la faute, où « la concupiscence élevée dans ses membres a chatouillé et délecté sa volonté dans le mal et rempli son esprit de ténèbres », si bien qu’il est impérieusement détourné de Dieu et attiré vers la créature.

Seule donc une grâce efficace par elle-même, c’est-à-dire qui ne se propose pas, mais s’impose, peut redresser teite volonté dépravée et la retourner vers le souverain bien qui est Dieu. Et cette grâce ne peut être efficace qu’en opposant délectation à délectation. Il n’est plus question de libre choix ; l’homme est « esclave de la délectation… ce qui le délecte davantage l’attire infailliblement ». Fragments d’une lettre de Pascal sur la possibilité des commandements, les contradictions apparentes de saint A ugustin, la théorie du double délaissement des justes et le pouvoir prochain, t. xi, p. 226. « La grâce de rédemption, la grâce médicinale, la grâce de Jésus-Christ ». est Vauxilium quo. tandis que la grâce du Créateur était Vauxilium sine quo non.

Elle s’insinue dans la volonté et lui fait éprouver « une plus grande délectation dans le bien que la concupiscence ne lui en offre dans le mal ». Deuxième écrit, t. xi, p. 149.

La liberté ne disparaît pas cependant. « Le libre arbitre étant demeuré flexible au bien comme au mal », l’homme qui cède à une délectation garde le pouvoir virtuel de n’y point céder et cela suffit pour assurer sa liberté et partant sa responsabilité. « Ceux donc à qui il plaît à Dieu de donner cette grâce », d’être « charmés par les douceurs et par les plaisirs » du bien « plus que par les attraits du péché, se portent d’eux-mêmes par leur libre choix à préférer infailliblement Dieu à la créature. C’est pourquoi on dit indifféremment ou que le libre arbitre s’y porte de soi-même ou que cette grâce y porte le libre arbitre. » Quant à ceux « à qui cette grâce n’est pas donnée, ils sont tellement chatouillés et charmés par la concupiscence, qu’ils aiment mieux infailliblement pécher que de ne pécher pas. Et ainsi, ils ont choisi le mal par leur propre et libre volonté. » Ibid., p. 149-150, cꝟ. 18* Provinciale : « Dieu nous fait vouloir ce que nous pourrions ne vouloir pas. » T. vii, p. 32.

Grâce efficace ne signifie pas cependant des effets égaux en tous, comme la grâce nécessitante des protestants. Elle aboutit toujours à l’effet voulu par Dieu encore que chez ceux qui ne persévèrent pas elle puisse paraître tenue en échec par la mauvaise volonté. Cf. Premier écrit, t. xi, p. 137. « La manière dont nous cherchons Dieu faiblement », au début d’une conversion, « est bien différente de la manière dont nous le cherchons » après, « quand nous marchons vers lui en courant dans la voie de ses préceptes ». Fragments, ibid., p. 168.

Cf. Laporte, loc. cit., c. iii, La puissance de la grâce : La grâce efficace par elle-même, et Jansénisme, col. 378 sq.

4. Comment Pascal interprète la possibilité des commandements définie par le concile de Trente, sess. vi, c. xi (cf. la l ro des Cinq propositions). — A cette question, Pascal avait répondu dans la 3° Provinciale en soutenant la proposition d’Arnauld, Seconde lettre… à un duc et pair, « que la grâce a manqué à saint Pierre dans sa chute » et que, par conséquent, les commandements ne sont pas toujours possibles aux justes. Dans les Fragments sur la grâce il reprend la question et la discute, mais pour soutenir la même thèse.

Dans sa session vi, au c. xi, le concile de Trente a défini : Les commandements ne sont pas impossibles aux justes et, par conséquent, Les commandements sont possibles aux justes. « Cette proposition, dit Pascal, t. xi, p. 156, a deux sens. » Le premier, que soutient « le reste des pélagiens » est « que le juste considéré en un instant de sa justice a toujours le pouvoir dans l’instant suivant d’accomplir les commandements », parce qu’à tout le moins il peut toujours user de la prière qui lui méritera toujours la grâce prochainement suffisante, ou encore « que les commandements sont toujours possibles à tous les justes, de ce plein et dernier pouvoir auquel il ne manque rien de la part de Dieu pour agir », ibid., p. 262 ; qu’ainsi « jamais Dieu ne laisse le juste, si le juste ne le laisse », ibid., p. 166, et enfin que le juste « a toujours le pouvoir prochain de persévérer sans un secours spécial », ibid., p. 159. Le second, « qui ne s’offre pas. avec tant de promptitude, est que le juste peut accomplir les commandements, agissant comme juste et par un mouvement de charité », ibid., p. 157, par où est condams née cette proposition des luthériens « que les actiondes justes, même faites par la charité, sont nécessairement toujours des péchés ». Ibid.

Les molinistes voudraient persuader que le concile a défini leur doctrine ; en réalité, le concile a condamné la doctrine des luthériens et défini « que le juste