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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/514

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    1. PASCAL##


PASCAL. SA PHILOSOPHIE, CARACTÈRES GÉNÉRAUX

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gissant par l’amour de Dieu peut faire des œuvres exemptes de péché et qu’ainsi, il peut observer les o’inmandements, s’il agit par charité ». Ibid., p. 159.

Au chapitre xiii et dans les canons 16 et 22, qui en sont formés, le concile combat la doctrine moliniste, car, puisque « par le canon 22, il défend, sous peine d’anathème, de dire que tous les justes ont le pouvoir de persévérer dans la justice, cela n’emporte-t-il pas que tous les justes n’ont pas le pouvoir prochain d’ob%erver les commandements à l’instant suivant », ou, ce qui revient au même. » le pouvoir prochain de prier dans l’instant suivant » ? Ibid., p. 164-165. « D’où, encore qu’il soit vrai en un sens que Dieu ne laisse jamais un juste si le juste ne le laisse le premier, il est pourtant vrai, en un autre sens, que Dieu laisse quelquefois les justes avant qu’ils l’aient laissé, c’est-à-dire que Dieu ne donne pas toujours aux justes le pouvoir prochain de persévérer dans la prière. » Ibid., p. 166. Dieu ne veut point que les justes aient cette assurance de persévérer qui nuirait à la crainte nécessaire et même détruirait l’espérance. Ibid., p. 225. Cette doctrine du concile est d’ailleurs celle de saint Augustin et de toute la Tradition, et tous l’accorderont : « Il n’y a pas une relation nécessaire entre la possibilité et le pouvoir. » Ibid., p. 243.

Cf. Laporte, loc. cit., c. n. Économie de la grâce : La prédestination, i, La distribution de la grâce vue « a parte hominis », p. 196 sq. ; et Jansénisme, col. 392.

Conclusion. — Pascal a donc bien la théologie de Port-Royal. Où il semble préférer les molinistes aux jansénistes, il a en vue non les idées, mais leur présentation. « Feu M. Pascal, écrira Nicole, Traité de la grâce générale, I re partie, Discours…, p. 1, 3, cité Œuvres de Pascal, t. xi, p. 101, disait que, s’il avait eu à traiter cette matière (de la grâce efficace), il espérait de réussir à rendre cette doctrine si plausible et de la dépouiller tellement d’un certain air farouche qu’on lui donne, qu’elle serait proportionnée au goût de toutes sortes d’esprits. » C’est même à cette fin qu’il ébauche des Écrits sur la grâce et qu’il emploie cette méthode de montrer dans la doctrine de saint Augustin la conciliation des doctrines contraires des protestants et des molinistes. « S’il y a jamais eu un temps où l’on doive faire profession des deux contraires, c’est quand on reproche qu’on en omet un. Donc les jésuites et les jansénistes ont tort en les celant, mais les jansénistes plus, car les jésuites ont mieux fait profession des deux. » Fr. 865. Et cette infériorité du jansénisme dans l’exposé de ses doctrines, il la déplore d’autant plus que, par leur fond même, les opinions des jésuites sur les questions de la grâce, de l’homme et du salut « flattent le sens commun, en rendant l’homme maître de son salut ou de sa perte… » Premier écrit, t. xi, p. 134 ; cf. Laporte, Pascal et la doctrine de Port-Royal, loc. cit., p. 292, et Baudin, Y a-t-il des traces positives d’antijansénisme dans les Pensées, dans Revue des sciences religieuses, octobre 1924, p. 598. Il y a telle façon d’exposer un dogme qui peut troubler les cœurs : « Quand on dit, par exemple, que Jésus-Christ n’est pas mort pour tous, vous abusez d’un vice des hommes qui s’appliquent incontinent cette exception, ce qui est favoriser le désespoir » et même le libertinage, fr. 781 ; au lieu que, exposé avec toutes ses nuances, en fonction des erreurs moliniste et luthérienne, le dogme laisse les âmes dans la crainte, c’est vrai, mais aussi dans l’espérance ; cf. Premier écrit, p. 137.

V. La philosophie des Pensées.

1° Il y a une philosophie pascalienne. Ses caractère chrétien et pragmatique. — Pascal n’a pas exposé, à la façon de Descartes, un système de philosophie ; il a proclamé la vanité d’une telle construction, fr. 79 ; mais, principalement des Pensées, du Traité du vide, de L’esprit

géométrique, du Traité sur les passions de l’amour, l’on peut dégager « tout un ensemble de vues sur la nature, la science et l’homme », Rauh, La philosophie de Pascal, dans Revue de métaphysique et de morale, avriljuin 1923, p. 307 sq., qui, très cohérentes, constituent une philosophie.

Cette philosophie est religieuse ; elle a pour point de départ les données de la foi ; elle doit les justifier. Mais « la philosophie que Pascal relie à la religion n’est pas, comme chez un Bossuet, la philosophie cartésienne plus ou moins mélangée d’éléments scolastiques ou de saint Augustin », Rauh, loc. cit., p. 308 ; elle naît tout entière de la foi. Elle n’est pas cependant une suite de la scolastique, cette servante de la théologie, qui s’interdit de determinare contra fidem. Pascal, comme tout bon disciple de Jansénius, n’aime pas la scolastique et son rationalisme, même dans saint Thomas, fr. 61. : cf. J. Caillât, La méthode scientifique selon Pascal, iv, Premier engagement avec la scolastique, viii, Pascal contre la scolastique, dans Revue d’histoire littéraire, 1923, p. 129 sq., 273 sq. Sa philosophie est personnelle ; elle est le fruit de sa réflexion sur les données chrétiennes, mais, parce que sa théologie est celle de Port-Royal, sa philosophie rejoint l’augustinisme. Cf. Entretien avec M. de Saci, t. iv, p. 31. Saci estimait beaucoup « M. Pascal, en ce que, n’ayant pas lu les Pères, il avait de lui-même, par la pénétration de son esprit, trouvé les mêmes vérités qu’ils avaient trouvées, et de ce qu’il se rencontrait en toutes choses avec saint Augustin ». Cette puissance de pensée propre à Pascal se remarque jusque dans sa terminologie ; il donne, en effet, à certains mots, un sens très personnel.

Comme en théologie, des questions philosophiques, celles-là seules l’intéressent qui adaptent un homme à sa fin surnaturelle. Le point de vue de vérité n’est pas précisément le premier dans l’esprit de Pascal, mais le point de vue moral et pratique. En cela il est bien encore de Port-Royal, dont la préoccupation première était celle du salut : « Toutes nos actions et toutes nos pensées doivent prendre des routes si différentes selon qu’il y aura des biens éternels à espérer ou non, qu’il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement qu’en la réglant par la vue de ce point qui doit être notre dernier objet. » Fr. 194. C’est là le pragmatisme de Pascal. Il faut le remarquer, « l’utilité n’est pas pour lui le critérium logique de la vérité, mais simplement le critérium moral de la sélection des vérités ». Baudin, Rev. des sciences rel., 1925, p. 67. Ces postulats sont donc à la base de l’Apologie : nous ne sommes faits que pour être heureux, et nous ne pouvons trouver le bonheur qu’en Dieu, notre vrai bien

Ce pragmatisme explique comment Pascal a résumé toute la philosophie en Épictète et Montaigne, en dogmatistes et pyrrhoniens, c’est-à-dire en se plaçant au point de vue de la connaissance que les philosophes donnent à l’homme de lui-même et de la manière dont ils le conduisent à Dieu. Cf. Entrelien avec M. de Saci, t. iv, p. 31 : « Épictète est un des philosophes du monde qui ont le mieux connu les devoirs de l’homme. Il veut, avant toutes choses, qu’il regarde Dieu comme son principal objet. Il montre aussi en mille manières ce que doit faire l’homme. Ce grand esprit, qui a si bien connu les devoirs de l’homme, mériterait d’être adoré, s’il avait aussi bien connu son impuissance », mais « il se perd dans la présomption de ce que l’on peut ». Montaigne, lui, considère l’homme « destitué de toute révélation », met toutes choses dans un doute universel ; il fait descendre la raison de l’excellence qu’elle s’est attribuée et la met par grâce en parallèle avec les bêtes, sans lui permettre de sortir de cet ordre, jusqu’à ce qu’elle soit instruite par son Créateur même de son rang qu’elle ignore. Ce pragmatisme explique aussi à que ! point de vue Pascal a