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PAUL (SAINT). L’ANTÉCHRIST


vertus. Il ne causera la perte que de ceux qui sont dans les ténèbres et qui dorment, c’est-à-dire vivent sans se préoccuper de leurs devoirs de chrétiens.

L’image de la sentinelle en armes, et qui veille la nuit, vient à l’esprit de l’Apôtre ; il dit alors avec quelles armes le chrétien doit veiller ; et il indique en même temps la nature spirituelle et morale, et non physique, de cette veille : « Pour nous qui sommes du jour, soyons sobres, prenant pour cuirasse la foi et la charité, et pour casque l’espérance du salut » ; cf. Eph., vi, 14 sq. L’Apôtre conclut : « Afin que, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions tous ensemble avec lui. » Il revient ainsi au sens premier du mot xocŒôSw : « vivants ou morts », nous serons ensemble avec le Christ, au.a oùv ocùtÔ), cf. iv, 17 ; Théodoret, S. Ephrem. C'était là, en effet, le point essentiel qui avait motivé la lettre.

2° L’anléchrist. - — La première lettre n’avait pas produit l’effet que l’Apôtre en attendait. Si elle avait rassuré les fidèles au sujet de leurs frères morts avant l’apparition du Christ, elle avait probablement surexcité les esprits dans l’attente de cet événement. L’Apôtre avait écrit, en effet : Y](jieïç ol Ç&vTeç ol 71ept.Xe17T6fi.svoi etç tyjv Ttocpoucuav tou Kuplou…, « nous, les vivants, laissés pour l’avènement du Seigneur », I Thess., iv, 15, et Yjfxeïç oî Ç&vteç ot tzzçtiXe(.7t6jjl£voi arj.oc oùv ocûtoïç « p7rayï]a6u.sGa…, « nous les vivants (qui serons) demeurés, nous serons enlevés avec eux », ibid., ꝟ. 17. Certains, prétendant avoir des révélations, et d’autres s 'appuyant sur l’autorité de l’Apôtre, annonçaient la fin des choses à brève échéance. Peut-être même invoquaient-ils les passages de la première lettre que nous venons de citer. Ces paroles, en effet, pouvaient faire croire à la venue prochaine du Christ, comme le fait justement remarquer saint Thomas : Et dicit : neque per epislolam tamquam per nos missam, quia in prima epistola, nisi bene intelligatur, videtur dicere, instare Domini adventum, ut illud cap. iv, 16 : « Deinde nos qui vivimus, qui relinquimur, simul rapiemur cum illis in nubibusobviam Christo »… In II Thess., iii, 2, éd. Vives, t. xxi, p. 441.

Cet état psychologique chez les Thessaloniciens était l'écho du sentiment populaire, entretenu par les traditions apocalyptiques du judaïsme, et surexcité par les événements politiques ou les persécutions. Certains prodiges, observés à la mort de Claude, étaient regardés comme de funestes présages. Cf. Tacite, Ann., xii, 6.4 ; Suétone, Claude, 46 ; Dion Cassius, lx, 34-35. La croyance à la fin prochaine des temps troublait les fidèles, comme elle devait le faire plus tard à diverses époques. Il y avait là un danger pour la foi et la vie chrétienne. Saint Thomas le définit en se référant à saint Augustin : Augustinus autem ponit aliam ralionem, quia imminerel periculum fidei ; unde diceret aliquis : Tarde veniet Dominus, et tune prœparabo me ad eum. Alius diceret : veniet cilo, et ideo nunc me præparabo. Alius diceret : Nescio. El hic melius dicit, quia concordat Christo. Sed ille plus errât, qui dicit : cito, quia elapso termino homines desperarent, et crederent falsa esse quæ scripla sunt . Ibid., p. 441.

Saint Paul, apprenant qu’on voulait le rendre responsable d’une telle situation, écrit la seconde lettre aux Thessaloniciens pour les mettre en garde contre pareille doctrine : le « jour du Seigneur » n’est pas imminent, les fidèles le savent bien, puisque auparavant doit venir 1' » impie », écvofxoç, pour lutter contre le Christ' et être anéanti : « Que personne ne vous égare en aucune manière, car auparavant viendra l’apostasie, et se manifestera l’homme d’iniquité, ô avÔpcoTToç TTJç àvo[iia< ;, cf. ꝟ. 8, ô àvo^xoç, le fils de la perdition (voué à la perdition », l’adversaire

qui s'élève au-dessus de tout ce qui s’appelle Dieu (c’est-à-dire au-dessus de Dieu, et de tout ce qui est divinité, dans l’opinion des hommes ; S. Irénée : super omne idolum, Cont. hær., V, xxv, 1, P. G., t. vii, col. 1189) ou est objet de culte, jusqu'à s’asseoir lui-même dans le sanctuaire, vaôv, de Dieu, et se présenter comme étant Dieu. » II Thess., ii, 1-4.

Au ꝟ. 5, l’Apôtre, laissant sa première phrase inachevée, poursuit sur un ton où perce quelque impatience : « Ne vous souvenez-vous pas qu'étant encore avec vous, je vous disais ces choses ? Et maintenant vous savez ce qui le retient, ib y.a.iéyoi (ce qui arrête l’antéchrist) pour qu’il se manifeste en son temps (pas avant le temps marqué) ; car le mystère d’iniquité est déjà à l'œuvre, ivepYEÏTai (ou, au passif : s’opère, s’accomplit déjà) ; mais, que celui qui [le] retient, ô xotTéx<ov, jusqu'à présent soit écarté, alors se manifestera l’impie que le Seigneur Jésus détruira du souffle de sa bouche et anéantira par son apparition. » « L’arrivée de cet impie, par la puissance de Satan, sera accompagnée de toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges trompeurs, de toutes les séductions de l’iniquité pour ceux qui se perdent, parce qu’ils n’ont pas accepté l’amour de la vérité pour leur salut. C’est pourquoi Dieu leur envoie une force de séduction pour les faire croire au mensonge ; afin que soient jugés tous ceux qui n’ont pas cru à la vérité, mais ont pris plaisir à l’injustice. » II Thess., ii, 5-12.

Les fidèles ne doivent donc pas regarder la parousie du Christ comme imminente, puisqu’elle doit être précédée de celle de l’antéchrist. Or, celle-ci est encore empêchée par une force mystérieuse, que les fidèles connaissent, et sur laquelle l’Apôtre ne s’explique point. De plus, elle sera précédée de l’apostasie. Saint Paul entend par là une révolte d’ordre religieux, non politique ; car, dans l’ensemble du passage, sa pensée se développe en dehors de toute conception politique et reste sur le terrain religieux. D’ailleurs, dans l’Ancien Testament, le mot est employé dans ce sens, Jos., xxii, 22 ; III Reg., xx, 13 ; II Par., xxix, 19 ; xxxiii, 19 ; Jer., ii, 19 ; I Macch., ii, 15 ; cf. Act., xxi, 21. Dans I Macch., l’apostasie consiste à passer du judaïsme à l’hellénisme. Mais comment saint Paul l’entend-il ? Il est difficile de le dire. D’abord, il ne vise point l’abandon du judaïsme ou défection des Juifs, car il traite du salut chrétien. Par ailleurs, il ne veut point dire que les croyants abandonneront le Seigneur et se révolteront contre lui, car il compte sur le salut des fidèles dans leur ensemble. I Cor., iii, 15. Il semble donc qu’il ait plutôt en vue la révolte générale de tous les « non chrétiens », les « fils de la désobéissance », en qui opère « le prince de la puissance de l’air », cf. Eph., ii, 2. Avec eux, il faut compter aussi les mauvais chrétiens qui auront abandonné la foi. Cette révolte générale, dans les traditions apocalyptiques, est un signe de la « fin », cf. Hénoch, xci, 7 ; Jubilés, xxiii, 14 sq. ; IV Esdr., v ; mais l’Apôtre lui donne un sens chrétien et uniquement religieux ; cf. Matth., xxiv, 10 sq.

Quant à l’antéchrist, le texte laisse entendre qu’il s’agit d’un personnage en qui s’incarne le péché ou le mal, ô &v0pcù7roç TTJç à(xapTÎaç, ô oîôç t% àTuoXeîocç, 6 àvTixetfjLevoç, ?.2, 3 ; ô avofioç, f.8. Il pousse l’orgueil sacrilège jusqu'à prétendre « siéger dans le sanctuaire même de Dieu ». Il s’agit plus probablement du temple de Jérusalem, cf. Act., xxi, 26, et non d’un sanctuaire céleste, comme dans Ps. x, 4-5. Le Temple était regardé par saint Paul comme un lieu légitime de culte, mais non comme le lieu unique. Théodore de Mopsueste, saint Jean Chrysostome, Théodoret, saint Jérôme ont vu dans « le temple de Dieu », 1' * Église ». En effet, ils comprenaient qu’après l’an 70 l’antéchrist