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ORDRE. AUTORITE DU DECRET


par la seule imposition des mains (voir col. 000). Il faut, de plus, citer les actes de Léon X, bref Accepimas nuper, 18 mai 1521 ; de Clément VIT, bref Provisionis, 26 mars 1526 ; de Paul V, bref Snlcl circumspecta, 10 décembre 1615 (n. 410). Bien plus, Clément VIII a rendu un décret, contredisant celui d’Eugène IV sur la matière du sacrement d’extrêmeonction. Il accepte, pour les Arméniens, que l’huile, matière du sacrement, soit bénite par un simple prêtre. Instruct. super ritus llalo-Grœcorum, 30 août 1595. Benoît XIV, tout en se défendant de porter un jugement, incline vers l’opinion que la seule matière essentielle de l’ordre est l’imposition des mains ; cf. Denz.-Bannw., n. 701, note. Enfin, Léon XIII a déclaré nulles les ordinations anglicanes, en raison du seul vice de forme de l’imposition îles mains, Aposlolicæ cura-, 30 septembre 1896 ; cf. Dicl. apol. de la foi cathol., t. iii, col. 1220-1221 (n. 411). Faut-il rappeler que le concile de Trente enseigne que le prêtre reçoit l’ordination par l’imposition des mains, sess. xiv, c. m ; que les vérités essentielles concernant la prêtrise et le diaconat sont enseignées par l'Écriture, sess. xxiii, c. ii, alors que l'Écriture se tait sur la tradition du calice et de la patène ainsi que du livre des évangiles ; qu’il démontre que le sacrement de l’ordre est un signe efficace de la grâce par le texte de II Tim., i, 6, où il n’est question que de l’imposition des mains, sess. xxiii, c. ni ? Ces assertions ne seraient pas concevables si les déclarations d’Eugène IV étaient un document ex cathedra (n. 412). De plus, le décret lui-même distingue « débilitions » et < traditions, préceptes, institutions, doctrines. ; ce qui suppose que les définitions ne concernent que les symboles et les définitions contenues dans la première partie du décret (n. 413). Enfin, il ne semble pas que le décret, rédigé pour les Arméniens, ait une portée qui atteigne l'Église universelle ; bien plus, il ne fut jamais porté officiellement à la connaissance de l'Église universelle. Le souvenir en était quelque peu oblitéré, quand Buard Tapper s’avisa d’en tirer argument, en 1559 (n. 419). Quand leur attention fut attirée sur ce document, les théologiens, loin d’y voir une définition de foi, le commentèrent en différents sens et s’en écartèrent (n. 420). D’après le P. d’Alès, Dict. apol. de la foi cathol., art. Ordination, t. iii, col. 1153, ces arguments se renforcent encore du fait qu’Eugène IV ne faisait que confirmer les décisions antérieures de Benoît XII (voir t. ii, col. 698), et que le concile de Trente, s’occupant de définir contre les protestants ce qui concernait le sacrement de l’ordre, ne crut pas devoir — ses Actes en font foi — prendre le décret d’Eugène IV comme base de ses travaux. Aussi, van Bossum, se rallie-t-il à la conclusion de saint Alphonse de Liguori ; Eugène IV traitant du sacrement de l’ordre n’a pas toujours voulu énoncer des dogmes ; sur plusieurs points il s’est conformé au langage courant qui donne aux objets employés dans la collation des sept ordres, à raison de leur valeur expressive, le nom de matière du sacrement. Theologia moralis, t. VI, n. 12, édit. Gaudé, t. iii, p. 12.

L'éminent auteur range le décret d’Eugène IV parmi les documents émanant du magistère ordinaire de l'Église, qui ne sont pas nécessairement garantis par l’infaillibilité. A ces documents, il faut appliquer la règle promulguée par Pie IX au sujet des enseignements doctrinaux non infaillibles des congrégations romaines : on leur doit une soumission non seulement extérieure, mais intérieure. Toutefois, il n’est pas interdit de s'écarter d’un enseignement de. ce genre, quand de graves raisons nous y invitent (n. 418-428). Or, dans le cas présent, ces graves rai sons existent. « Sa doctrine (nous citons) contredit évidemment la tradition des saints Pères, des Conciles, des Églises d’Occident et d’Orient. » (n. 429430). Bien ne sert d’affirmer que l'Église d’Orient, en omettant la tradition des instruments, est dans l’erreur : ce serait condamner tous les papes qui ont approuvé les rites orientaux d’ordination (n. 432). Bien n’autorise à dire, comme Capréolus et Hurtado, que les Églises orientales jouissent d’une dispense spéciale de Dieu : qui peut le prouver ? (n. 433). C’est également une « ingénieuse trouvaille », mais rien de plus, que d’assimiler, comme l’ont fait les Salmanticenses, Gravina et quelques autres, le geste oriental du baisement de l’autel (voir col. 1258 sq.), à la porrection des instruments (n. 437), ou de trouver (Arcudius, Sylv. Maurus) dans la porrection des instruments une sorte d’imposition des mains (n. 438).

Reste la solution qui concède à l'Église le pouvoir de déterminer spécifiquement la matière et la forme des sacrements, lorsque le Christ ne les a institués dans leurs éléments que d’une façon générale et sans détermination expresse. Voir plus loin. Van Bossum rejette cette affirmation « erronée », tout au moins historiquement, puisqu’il est constant que l'Église occidentale, pendant dix siècles, a conservé le rite de l’imposition des mains et n’a fait ensuite que lui donner plus de solennité en y ajoutant des cérémonies accessoires. Quant à savoir si l'Église a le pouvoir qu’on lui prête, on examinera cette question ailleurs.

Et précisément, reste encore à expliquer le changement qui se serait produit dans l'Église occidentale : c mment, pendant dix siècles, l'Église a uniquement employé l’imposition des mains, et seulement ensuite a adopté la porrection des instruments. Bien ne sert d’affirmer contre l'évidence, comme l’ont fait Dominique Soto, Grégoire de Valencia, Estius, etc., que la porrection des instruments remonte aux temps apostoliques, ou tout au moins qu’on en trouvait alors l'équivalent ; rien ne sert, avec Vasquez, Hurtado, Nuiiez, Fagnano, etc., d’imaginer une dispense du Christ, laquelle n’exista jamais ; ou d’affirmer, comme Gamacheet Jean Cabassut.que si l’imposition des mains est le rite institué par le Christ, il faut néanmoins concéder à l'Église le droit d’apposer, à la validité du sacrement (comme elle l’a fait pour le mariage), des conditions sine quibus non, dont serait la tradition des instruments. Le mariage, en effet, est un contrat en même temps qu’un sacrement, et le contrat est régi par des lois qui en règlent la légitimité. Dans l’ordre, rien de semblable (n. 444460).

La conclusion s’impose : trop de raisons militent contre la vérité de l’enseignement du décret : il faut s’en écarter. L’erreur s’est glissée dans l’enseignement d’Eugene IV, parce que le décret a été rédigé pour ainsi dire sans discussion préalable. Bien n'était prévu : le pape a dû se contenter de î éprendre renseignement courant des théologiens de l'époque.

4. Quelques essais de conciliation.

D’autres théologiens s’efforcent d'éviter une conclusion aussi radicale.

Dans trois articles du Bulletin de littérature ecclésiastique, 1919, p. 81-95 ; 150-162 ; 195-215, le P. de Guibert, tout en suivant une marche différente, a abouti à la même conclusion que le cardinal van Bossum, en ce qui concerne le caractère doctrinal et vraiment conciliaire du décret. Ce n’est pas un acte purement pontifical, émanant de la seule initiative du pape ; c’est un acte promulgué en session solennelle du concile œcuménique de Florence* sous la présidence d’Eugène IV. Ce n’est pas un simple exposé historique des rites de l'Église latine : les