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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/94

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ORDRE. AUTORITE DU DECRET


Arméniens les connaissaient déjà. Voir ei-dessus, col. 1259. Ce n’est pas davantage, sauf le passage sur la matière de l’eucharistie, où le décret porte expressément le mot decernimus. à propos de l’obligation faite aux prêtres arméniens de mélanger eux aussi un peu d’eau au vin du calice, un document disciplinaire, prescrivant simplement aux Arméniens ce qu’ils doivent faire… Le texte entier, les circonstances de son élaboration et les documents contemporains disent le contraire. Le concile a donc voulu expliquer la vraie doctrine catholique sur les sacrements ; sans doute, cette doctrine a de nombreuses conséquences pratiques, mais l’exposé qui en est fait là constitue un document d’ordre essentiellement doctrinal. L’expression « qui paraît le mieux caractériser la nature de ce document est donc celle de déclaration ou exposé doctrinal du concile de Florence sur les sacrements », p. 214. Un seul point reste obscur : si le décret est un acte du magistère extraordinaire, comme semble le suggérer l’auteur, comment a-t-il pour objet une matière qui n’est pas de foi ?

Cette difficulté a suggéré à un rédacteur de L’Ami du Clergé, les réflexions suivantes : « Ne serait-il pas tout à la fois plus sage et plus simple de revenir à une position cohérente, en restituant le document tout entier, dans sa forme et dans sa matière, au magistère ordinaire ? On obtiendrait ainsi une unité singulièrement engageante. Tout le décret, en ce qu’il a de doctrinal, présenterait ainsi, en effet, un mode de composition uniforme. N !.. le part le concile ne définit : alors nous voyons ! erreur de la plena auctoriias. Nulle part le concile n’intervient avec l’autorité solennelle du magistère extraordinaire : sur les deux natures et sur les deux volontés du Christ, il apporte des conciles antérieurs, il ne fait rien de lui-même ; sur les sacrements, il est bien obligé de rédiger une formule, puisque cette matière n’a pas encore été fixée ; mais cette formule, à vrai dire, il ne la fait pas à proprement parler : c’est la formule même de l’enseignement courant, de l’enseignement reçu dans l'Église ; et la preuve en est qu’il va la chercher dans l’opuscule de saint Thomas ; de même qu’il consultait tout à l’heure Chalcédoine et Constantinople, il consulte maintenant le prince de la théologie, en qui il est sûr de retrouver la voix fidèle de toute l'Église. Que suit-il de là ? Il suit de là, si cette déduction est exacte, qu’aucun des' documents du décret pro Armenis n’a de valeur par le concile ; ce n’est pas le concile qui fait la valeur des documents ; le concile les prend ailleurs et il les enregistre ; mais justement, il les enregistre ; et si cet enregistrement n’ajoute rien à leur valeur propre, il la consacre pourtant d’une façon publique et officielle. Là est le véritable, là est l’immense intérêt du décret pro Armenis dans la matière sacramentaire. Quand on a alîaire à un enseignement défini, on s’y retrouve en général aisément ; des signes à peu près certains permettent presque toujours de s’y retrouver ; mais quand il s’agit de l’enseignement ordinaire de l'Église, de cet enseignement qui circule sans être toujours fixé dans des formules officielles, on est souvent bien plus embarrassé. A partir du concile de Florence et grâce au concile de Florence, on ne doit plus connaître un tel embarras. Le concile a dit : tel est l’enseignement ordinaire de l'Église ; nous n’avons plus à le chercher. C’est l'Église elle-même qui a déclaré que tel était l’enseignement de l'Église ; en sorte que le document est assez bien appelé une déclaration officielle de la doctrine catholique sur les sacrements, exemple rare, sinon unique, dans toute l’histoire des conciles, et qui fait que le décret est d’une essence bien plus fine que ne l’ont supposé

jusqu’ici bien des théologiens. » (1925, p. 175-176.) Il s’agirait donc d’un enseignement doctrinal : reste à en préciser la portée exacte. C’est ce qu’ont tenté, avec plus ou moins de discrétion et de bonheur, les théologiens postérieurs au concile de Florence.

2° Application de l’enseignement du décret au rite de l’ordination. — Cette application présuppose l’exposé des doctrines théologiques concernant ce rite. Tout en signalant les travaux d’ensemble aujourd’hui périmés de Gravina, O. P., Pro sacrosancto ordinis sacramento vindicim orthodoxie, Naples, 1634 ; et de J. Pons, S. J., Dissertatio hislorico-dogmatica de maleria et forma sacræ ordinationis, Bologne, 1775, nous suivrons, tout au moins dans ses lignes générales, pour cet exposé, le travail plus récent et tout à fait au point du cardinal van Rossum.

1. Exposé des divers systèmes relatifs à l’essence du rite de l’ordination. — Premier système : le rite essentiel consiste uniquement dans la tradition des instruments : la matière, pour le sacerdoce, réside dans la porrection du calice contenant le vin et de la patène supportant l’hostie ; la forme, dans les paroles du pontifical qui l’accompagnent. Pour le diaconat, la matière est la tradition du livre des évangiles, et la forme les paroles qui l’accompagnent. Cette opinion a pris racine dans l’introduction de la tradition des instruments dans le pontifical. Cette tradition, mieux que l’imposition des mains, paraît symboliser le pouvoir et la grâce de l’ordre et réaliser la conception hylémorphique du sacrement. Rien d'étonnant qu’elle ait été accueillie par des théologiens nombreux à partir du xme siècle.

Cette solution a été proposée dès le xme siècle, par le franciscain Gilbert de Tournai († 1270), Tractatus de officio episcopi, c. xxxiii, et Richard de Médiavilla († 1300), In lVum Sent., dist. XXIV, a. 4, q. ni ; par Albert le Grand, id., ibid., a. 38, qui néanmoins reconnaît le rite de l’imposition des mains comme le rite de la primitive Église, Comment, in tib. de eccles. hierarch., c. v. C’est incontestablement la solution de saint Thomas, à qui Eugène IV l’a empruntée. On notera cependant que saint Thomas n’ignore pas le rôle capital de l’imposition des mains, In IVum Sent., loc. cit., q. ii, a. 3 ; mais il n’assigne à l’imposition des mains qu’un rôle préparatoire et réserve à la tradition des instruments le rôle essentiel. Parmi les auteurs plus connus du xive siècle, citons : Fr. de Mayronis, O. M. († 1327), In IVum Sent., dist. XXV, q. n ; Durand de Saint-Pourçain, O. P. († 1334), id., dist. XXIV, a. m. Le xve siècle nous donne les noms de Capréolus, id., q. i, a. 3 ; d’Alphonse Tostat († 1455), In tib. Ruth, c. iv, q. lxx ; de saint Antonin, O. P. († 1459), Summa, part. III, tit. 14, c. xvi, § 4 ; de Gabriel Biel († 1495), Suppl., In IVum Sent., dist. XXIV, q. i, a. 1. Les premiers défenseurs de l’opinion, au xiii p siècle, se bornent à poser en principe que le sacrement est conféré par le rite le plus expressif du pouvoir qu’il communique. Plus tard, on s’appuie sur le concile de Florence, et l’autorité du décret d’Eugène IV lui donne, au xvie siècle, une grande vogue. Citons les principaux noms : Sylvestre Prierias, O. P. († 1523), Summa au mot Ordinis, ii, n. 4 ; Cajétan († 1534), Opusc, t. i, Lyon, 1575, tract, xxvi ; Jean Major († 1540), In IV am Sent., dist. XXIV, q. i ; François de Vitoria, O. P. († 1546), Summa sacramentorum, de sacr. ordinis, n. 229 ; Ruard Tapper († 1559), qui a le plus contribué à mettre en relief l’autorité du concile de Florence, De sacramento ordinis, a. 17, § De materia ; Dominique Soto, O. P. († 1560), In IVum Sent., dist. XXIV, q. i, a. 4 ; Martin Ledesma, O. P. († 1574), In IVum Sent., dist. XXIV, a. 4 ; Jo-