Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
231
232
PÉCHÉ MORTEL ET PÉCHÉ VÉNIEL. DIFFÉRENCE


cause comme cause de cet effet mauvais, et non pas seulement en elle-même. Et l’en signifie dans cet énoncé que, pour qu’un acte, quand il est réellement posé, soit formellement péché, il n’est pas nécessaire qu’il y ait alors connaissance formelle de sa malice ; mais il suffit d’av>ir posé sa cause en se rendant compte de quelque façon que d’une telle cause suivrait ou devrait suivre un péché. Avec cela, on laisse entière la question de la légitimité, dans certaines conditions, de poser une cause d’où l’on sait que peut sortir un mal. Nos auteurs mentionnent, comme adversaire de cette seconde partie, Vasquez : voir leur disp. V, dut », vi. La troisième partie, à savoir que n’est pas requise une connaissance certaine ou probable, etc., est, au dire des carmes de Salamanque, assez commune entre théologiens et ils en avancent cette raison : Quiconque sait pouvoir faillir en son opération est tenu de faire ce qui est en lui pour éviter cette chute, faute de quoi on la lui imputera justement ; or, celui qui agit avec doute, scrupule ou soupçon de la malice de l’objet, sait pouvoir défaillir, adhérant à cette malice si elle se vérifie, comme le doute, le soupçon ou le scrupule l’insinuent ; donc, puisqu’il ne fait pas ce qu’il peut, savoir rechercher la connaissance qui le persuade prudemment qu’il n’y a point une telle malice, il agit témérairement et imprudemment, s’exposant à ce péril : et, pour autant qu’il dépend de sa disposition et de sa manière d’agir, il l’embrasse de fait : n. 164. Sur l’issue légitime de ces états d’incertitude, voir ci-dessous la discussion du Probabilisme. Par scrupule, entendons ici une très faible sollicitation de l’esprit en faveur d’un jugement, et que ne combat point même une probabilité contraire : ce qui n’est point le cas de ceux qu’on appelle les scrupuleux.

b) Qualité du consentement. — Tout ce qu’on vient de dire de l’advertance de l’intelligence est dans l’hypothèse d’un objet de sa nature mortel. Ce qu’on dira du consentement de la volonté est dans l’hypothèse d’une pleine advertance en matière grave. Dans cette hypothèse, ou bien l’on consent, et il est clair que l’on commet un péché mortel, ou bien l’on refuse le consentement, et il est clair que l’on ne commet aucun péché ; ou bien la volonté permet le mouvement déréglé dont il s’agit et ne pourvoit pas efficacement à l'évincer. Ce dernier cas a lieu soit que la volonté suspende tout acte, soit (à supposer même que cette totale suspension soit impossible) qu’elle n’en exerce aucun à l’endroit de ce mouvement déréglé, soit que, exerçant à son endroit un acte, il ne soit ni un consentement ni un dissentiment efficace, mais ou bien la décision de le permettre ou un simple déplaisir.

a. — « Tout péril écarté, soit de consentement, soit de dommage grave, la volonté n’est pas tenue sub mortali de résister positivement aux mouvements de l’appétit sensible, quelque mauvais et désordonné qu’en soit l’objet : aussi, pourvu qu’on ne consente pas, ne pas résister mais se comporter négativement ou de manière permissive n’est pas un péché mortel. » N. 180.

La raison en est celle-ci. L’obligation de résister aux mouvements de l’appétit sensible, tout autre péril écarté, ne peut être de soi (car elle peut l'être en vertu d’une considération étrangère) plus grande que le désordre de ces mouvements ; or, ce désordre est véniel. Il est bien entendu que la permission dont il s’agit ici diffère du tout au tout du consentement ; elle est plutôt l’absence d’une opposition, et ne comporte aucune complaisance envers le désordre toléré. Il est entendu aussi qu’on ne peut dire que le consentement soit véniel qui porte sur un désordre formellement véniel en sa nature, car le consentement reçoit sa malice de l’objet même qui le termine, tandis que la permission reçoit la sienne de la malice formelle de ce qu’on permet. Les mouvements gravement déréglés

de l’appétit sensible constituent un objet gravement mauvais, mais d’eux-mêmes ils ne sont formellement mauvais que de malice vénielle : y consentir est un péché mortel, les permettre ne l’est pas. On ne confondra pas cette permission avec le consentement interprétatif : elle ne le serait que s’il y avait obligation de repousser positivement ces mouvements (làdessus, n. 199-210, avec la réfutation de Vasquez et de Suarez). Pour bien se rendre compte de l'état d'âme ici allégué, lire cette description qu’en donne Cajétan, Summa de peccalis, à delectatio morosa, n. 4 ; rapporté par Salm., n. 180 : « Si la négligence provient non d’une complaisance mais de ce qu’on n’attache point d’importance à la pensée et au plaisir excités (parce que l’on sait, par exemple, que l’on a une volonté ferme et que l’on ne redoute point de verser dans un consentement mauvais à cause de ces commotions de l’imagination ou de la concupiscence), on pèche, car on peut et on doit s’efforcer de repousser ces guerres intestines et ces très grands périls et, autant qu’il est en soi, accomplir cette parole : « Je poursuivrai « mes ennemis et n’aurai de cesse qu’ils ne succombent », mais on ne pèche pas mortellement, etc. » Qu’on ne se méprenne donc point sur cette première conclusion comme si elle consacrait un art subtil de séparer la jouissance mauvaise d’avec la culpabilité du péché ; et qu’on ne manque pas au surplus de la joindre aux suivantes.

b. — « A chaque fois qu’il y a danger imminent de consentement du fait que dure un mouvement illicite, la volonté est tenue sub mortali d’y résister efficacement », n. 192. Quand y a-t-il péril imminent de consentement ? cette circonstance est variable selon la volonté de chacun, et selon que le mouvement coupable est propre à plaire ou à déplaire. En général, il faut avouer que c’est ici chose périlleuse, et que personne ne doit croire facilement être en sécurité si, le sachant et le pouvant, on ne résiste pas. Nos auteurs concluent comme il suit une série de sages réflexions : A tous convient ce conseil (il est au moins cela) très salutaire : qu’ils s’efforcent, dès qu’ils auront remarqué la naissance d’un mouvement désordonné dans leur appétit, de l'écarter sans retard, qu’ils soient fermes ou non dans la vertu. Ces derniers à cause du péril de consentement, ceux-là parce que l'état de parfaite vertu le demande.

c. — « Même écarté le péril du consentement, il y aura quelquefois obligation sub mortali de résister au mouvement de l’appétit sensible : à savoir quand, du fait de la non-résistance, il y a imminence d’un grave dommage ; par exemple quand, voyant s'élever en soi un mouvement de colère, on constate qu’il peut à ce point grandir qu’il ôte, si l’on n’y résiste, le jugement de la raison, lequel étant ôté on commettra un homicide ; en ce cas, on sera tenu sub mortali de résister à un tel mouvement de peur qu’en s 'accroissant il ne conduise jusqu'à un tel dommage, et cela même s’il n’y a pas danger de consentir soit à ce mouvement soit à ce dommage. De même lorsqu’on se rend compte qu’une délectation vénérienne entraîne le péril de pollution, même s’il n’y a pas imminence de consentir ni à cette délectation ni à la pollution, on est tenu de résister sub mortali, pour écarter ce péril ». N. 195. La raison de cette conclusion est claire : comme on est tenu, sous peine de péché mortel, de ne nuire à personne en matière grave, on est tenu, sous la même obligation, de réprimer en soi ces mouvements d’où l’on voit qu’il proviendra à quelqu’un un grave dommage. Il est bien vrai que le mouvement déréglé de la sensibilité a en lui-même une malice formelle que n’a point l’acte extérieur, par exemple la pollution ou l’homicide ; cependant, on est tenu plus strictement d'éviter cet acte que le mouvement intérieur : car