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PÉCHÉ PHILOSOPHIQUE. CONDAMNATION


cause. En tête de la dénonciation, on trouve reproduit, d’après la copie qu’Arnauld en avait reçue, le texte de la thèse de Dijon ; il coïncide exactement avec la proposition dont nous avons ci-dessus emprunté la lettre au décret d’Alexandre VIII. Le dénonciateur ne doute pas un seul instant qu’il attaque une nouveauté, et il avouait plus tard (3e dénonciation) qu’il n’avait jusqu’alors jamais entendu parler du péché philosophique distingué du péché théologique ; la dispute de Dijon fut vraiment l’occasion qui fit sortir cette thèse des livres et des écoles des théologiens pour la livrer à un débat public où l’opinion devait se passionner, comme au temps des Provinciales. Les lettres d’Arnauld révèlent qu’il ne comptait guère, en publiant son écrit, sur une condamnation en cour de Rome ; mais il ne laisse pas de stimuler le zèle de son correspondant romain, M. de Vaucel, théologal d’Alet.

Un grand émoi parmi les jésuites et un grand bruit dans le monde furent l’effet de cette première publication : il n’était plus question alors, dit-on, jusque dans les conversations des femmes, à la cour comme à la ville, que du péché philosophique. Une riposte à l’adresse d’Arnauld parut bientôt sous ce titre : Le janséniste dénonciateur de nouvelles hérésies convaincu de calomnie et de falsification (imprimé dans les Œuvres d’Arnauld, t. xxxi, p. 160-171). Pour ne parler point de la partie polémique de cet écrit, du ton le plus violent, l’auteur y réduit l’importance de l’affaire de Dijon, « une petite thèse, soutenue aux extrémités de la France, avec laquelle la guerre a rompu tout commerce », et renvoie à des thèses défendues à Louvain par le P. de Reux (lequel, au demeurant, est l’auteur du présent écrit) au mois de décembre 1688 et au mois d’août 1689. Il est vrai que ces thèses réduisent à des cas limités la possibilité du péché philosophique : pour le temps très court où quelqu’un peut ignorer, sans qu’il y ait de sa faute, l’existence de Dieu. Elles marquent un affaiblissement par rapport à la proposition de Dijon (dont le P. de Reux ne dit pas qu’elle diffère du texte qu’en a livré Arnauld), mais elles maintiennent le principe du péché philosophique et sa possibilité absolue. D’après Arnauld (lettres du 22 septembre 1689, Œuvres, t. iii, p. 246 ; du 6 octobre 1689, ibid., p. 251), le P. de Reux partit aussitôt pour Rome.

Pour se défendre des accusations dont il venait d’être ainsi l’objet, Arnauld compose la Seconde dénonciation de la nouvelle hérésie du péché philosophique, enseignée par les jésuites de Dijon, défendue avec quelque changement par ceux de Louvain dans leur écrit contre la première dénonciation et soutenue auparavant en quinze de leurs thèses de différentes années depuis 1668. Daté du 29 octobre 1689, cet écrit, par suite de retards divers, parut en février 1690. Comme le titre l’annonce, Arnauld, qui a reçu des informations nouvelles sur l’opinion qu’il combat, donne le relevé précis de quinze thèses relatives au péché philosophique, qu’avaient défendues, a Anvers et à Louvain, dans l’espace des vingt dernières années, divers théologiens de la Compagnie de Jésus. Les Payi Bas furent certainement en ce temps l’un des foyers de cette opinion. Outre ces thèses, Arnauld dénonce un ouvrage du I’. Plat elle, théologien jésuite de Douai, où est sont » nue la même doctrine : /, ’. P. Jacobi Plalclii c Societate Jr.<u, sarrir théologies in universitale Duacena professoris, Synopsis cursus theologici diligenlcr recognita cl variis in loris locuplelala, Douai, 1679 : le passage incriminé se trouve : Il part., c. iii, §.’i, n. 189. p. 116. La critique doctrinale insl t< cetti rois sur ce que les partisans du péché philosophique semblent traiter l’offense de Dieu comprise dans le péché mortel comme un objet de conversion « : ils exigeraient, pour qu’il y ail péché mortel, que l’on voulût direcht offenser Dieu ; mais non, proteste Arn

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l’offense de Dieu échappe à l’intention du pécheur et elle se tient du côté de 1’ « aversion » ; « il suffit que ; par un dérèglement volontaire, il fasse un Dieu de la créature en y mettant sa dernière fin », et il n’est pas malaisé à notre théologien d’invoquer, en faveur de cette analyse, l’autorité et des textes exprès de saint Thomas. Sum. theol., Ia-IIæ, q. lxxvii, a. 6, ad l 11 ™ ; IIa-IIæ, q. xxxix, a. 1, ad I"™. Répondant plus spécialement aux distinctions du P. de Reux, Arnauld expose longuement qu’un grand nombre d’hommes ont de fait ignoré Dieu et donc, selon les principes de l’adversaire, n’ont commis que des péchés philosophiques. Sous tous les raisonnements d’Arnauld, on sent, les animant, cette indignation conçue spontanément à la pensée que tant de crimes énormes des païens et des infidèles auraient pu n’être que des [léchés philosophiques.

Comme était publiée la Seconde dénonciation d’Arnauld, paraissait à Paris sur la Première dénonciation la réplique de la Compagnie de Jésus : Sentiment des jésuites touchant le péché philosophique, ou Lettre à l’auteur du libelle intitulé : Nouvelle hérésie dans la morale, etc. (L’approbation du provincial est du 15 février, le privilège du roi du 25 mars 1690. Rééditée avec les lettres suivantes de la même origine, en 1694, a Paris, chez Pierre Baillard.) On y condamne la thèse de Dijon telle qu’Arnauld l’a rapportée comme « une hérésie et une impiété exécrable dans tous ses principes et dans toutes ses conséquences » ; on se réserve seulement de vérifier si les écrits du professeur de Dijon sont, en effet, dans le sens de sa thèse. Cette lettre, qui est plus spirituellement écrite, contient moins de théologie que la riposte de Louvain ; on l’attribue, ainsi que les suivantes, au P. Bouhours. Le ton en est plutôt déconcertant, et l’auteur va jusqu’à prendre des engagements qui trahissent en effet un homme assez étranger à la théologie : « Mais afin que vous n’ayez plus rien à nous reprocher là-dessus, nous nous engageons solennellement à vous faire voir, dans un écrit plus ample que celui-ci : 1. qu’au moins avant la thèse de Dijon nul de nos écrivains n’a jamais enseigné cette doctrine ; et qu’au contraire ils l’on ! expressément rejetée s’ils ont eu à s’expliquer sur ce sujet ; 2. que nous n’admettons aucun principe d’où elle se puisse inférer par une légitime conséquence ; 3. que les principes reçus dans toute la Compagnie y sont directement opposés ; 4. qu’il n’y a que dans ces principes que vous reprochez aux jésuites qu’on puisse I rouver de quoi la réfuter solidement et sans erreur. » Sans doute a-t-on rarement poussé à ce point le paradoxe.

Une seconde lettre suivit bientôt, adressée cette fois « à un homme de la cour », où se confirme le parti adopté, qui est de distinguer entre la thèse incriminée, laquelle est condamnable, et les écrits du professeur de Dijon, qui n’ont point le sens absolu que l’on a dit : « On voit dans les écrits du professeur de Dijon que. selon lui, il ne se commet effectivement aucun pé< n< philosophique qui ne soit en même temps théologique et vraiment mortel, et que le contraire est une fausse supposition, une chose moralement impossible, qui n’est jamais arrivée et qui n’arrivera jamais. I i deux lettres fournirent à Arnauld la mal ici c de sa Troisième dénonciation, où il critique notamment la distinction dont ses adversaires tachent de se pi loir. Il insère à la fin de sa publication le texte d’un mandement de l’évêque de Lan grès, de qui relevait la Ville de Dijon, en date du 19 mars 1690 (loc. cit.,

il est pris a<ic de la rétractatio

par le professeur qui les avait soutenues et de la condamnation que les Jésuites en portaient.

i< lettres des jésuites cependant, et notamment les nts qu’ils avalent pris dans la première,

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