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    1. PÉCHÉ PHILOSOPHIQUE##


PÉCHÉ PHILOSOPHIQUE. CONDAMNATION

suscitaient L’intervention d’un anonyme, qui fait paraître, en avril 1690, la Lettre d’un docteur de Sorbonne à un seigneur de la cour /jour servir île réponse aux deux lettres des jésuites touchant leur sentiment sur le péché philosophique. L’objet est de montrer dans le péché philosophique, tenu non point pour une hypothèse métaphysique, mais pour un péché effectivement commis, renseignement constant de la Compagnie ; et l’on y procède par manière de textes cités et commentés. A la suite de la réimpression à Louvain des trois premières lettres des jésuites de Paris, et par les soins d’Arnauld qui la fit précéder d’un avertissement et y introduisit quelques corrections, cette lettre parut en 2e édition à Cologne sous ce titre : Les véritables sentiments des jésuites louchant le péché philosophique. Le. P. Serry, dominicain, l’historien fameux des congrégations De auxiliis, passait pour être l’auteur de cette lettre. Échard avouait n’en être pas certain, Scriptores ord. præd., t. ii, p. 804 : sed an suum agnoverit mihi incomperlum ; mais le P. Coulon a pu signaler que Serry lui-même s’est reconnu comme l’auteur de l’opuscule, dans l’index qu’il a mis à la fin de son écrit : Vindiciæ vindiciarum Ambrosii Calharini ; aussi bien l’a-t-on imprimé dans le t. vi des œuvres complètes de Serry, éditées à Venise en 1670. Voir Scriplores ord. prsed., t. iii, 1910, p. 633. Nous pouvons ajouter que Serry se fait la même attribution dans un autre endroit : Historia congregalionum De auxiliis divime graliœ…, t. III, c. xlviii, fin (ce chapitre et le précédent ont été ajoutés dans la deuxième édition de l’ouvrage, Anvers, 1709), où on lit ces mots : …ut alias sileam longe multas in libello ante annos duodecim a nobis edito « De vera jesuitarum sententia circa peccatum philosophicum » recensitas.

Une troisième lettre des jésuites parut sans retard. Elle prétendait cette fois que le dénonciateur faisait dériver le péché philosophique de la doctrine de la grâce suffisante ; et comme cette doctrine, disait-on, est commune à tous les théologiens catholiques, on voit dans quelle position singulière se met ce vengeur de la foi ; s’il y a quelque part une hérésie, n’est-ce pas de son côté qu’il la faut chercher ? En même temps, et reprenant la défense déjà adoptée, la lettre distinguait et l’hypothèse spéculative du péché philosophique et son impossibilité réelle. Contre cet écrit, qui étendait le débat et en faisait une affaire de jansénisme, il fut répondu d’une part par un opuscule intitulé : Récrimination des jésuites, contenue dans leur rétractation de la nouvelle hérésie du péché philosophique, convaincue de calomnie par la nouvelle déclaration des disciples de saint Augustin, Cologne, 1690. L’auteur en était le P. Quesnel, qui l’avait composé de concert avec Arnauld. Il y montrait que ce théologien n’avait point fait dériver le péché philosophique du dogme de la grâce suffisante. Arnauld, de son côté, dans une Quatrième dénonciation, reprenait le principe où il affirme qu’il a toujours vu l’origine du péché philosophique, savoir qu’une méchante action n’est point un péché, si on la commet ignorant qu’elle est un péché. Et il montre en outre que, selon les principes des jésuites, le péché philosophique, loin d’être une hypothèse, est un événement assez commun : ce pour quoi il renvoie à la Lettre du docteur de Sorbonne dont nous avons parlé, adjoignant, aux auteurs qu’elle relève, le P. Térille, jésuite anglais, professeur à Liège, qui, dans un gros livre intitulé Régula morum, avançait une doctrine de l’ignorance involontaire où Arnauld voit un principe d’où sort inévitablement le péché philosophique.

Pour son compte, le même docteur de Sorbonne qui avait déjà répondu aux deux premières lettre^ des jésuites, ne se retint pas de réfuter aussi la troisième et il publia une Seconde lettre du même docteur de

Sorbonne au même seigneur de la cour, datée du 2’. avril 1690. il y disculpe le dénonciateur du grief qu’on lui impute de nier les grâces suffisantes : il a seulement refusé qu’elles fussent accordées à tous les hommes indistinctement. « Je dis bien plus, monsieur : ] dénonciateur n’a pas même prétendu que l’erreur du péché philosophique fût une suite nécessaire du sentiment de ceux qui admettent que la grâce suffisante est indifféremment accordée à tous les hommes. Il aurait en cette cause bien des théologiens qui sont en ce point de même avis que les jésuites, mais il a seulement prétendu qu’elle lût une suite nécessaire de ce sentiment dans le sens particulier dans lequel les jésuites le soutiennent. Sur quoi je vous prie de remarquer qu’il y a cette différence entre eux et les autres théologiens, que ces autres théologiens soutiennent que la grâce suflisante n’est refusée a qui que ce soit parce qu’il plaît ainsi à Dieu de ne la refuser à personne, quelque crime qu’il ait commis, à cause qu’il est toujours beaucoup plus miséricordieux que juste. Au lieu que les jésuites soutiennent qu’elle n’est refusée à personne paice que celui qui en serait privé ne serait aucunement coupable des péchés qu’il commettrait dans cet état, quand même il se serait attiré cette privation par ses péchés précédents. Voilà, monsieur, le principe d’où suit naturellement le péché philosophique, selon la pensée du dénonciateur, et qui le rend propre et singulier aux jésuites. Car dès lors, dit-il, qu’on vient à prouver aux jésuites qu’effectivement plusieurs sont privés de ces grâces (ainsi que l’expérience le montre assez), il s’ensuit nécessairement que plusieurs ne sont pas coupables en péchant ou que leurs péchés ne sont que philosophiques. » L’auteur de la lettre se réfère ici à des passages de la Deuxième dénonciation : Arnauld y marquait que le péché philosophique signifiait, de la part des jésuites, une limitation reconnue à l’universalité des grâces suffisantes ; Serry signale quelle conception des grâces suffisantes, celles-ci étant limitées, entraîne la conséquence du péché philosophique..Mais Arnauld a préféré ne point engager la lutte sur ce terrain, et il attribue le péché philosophique aux doctrines de l’advertance nécessaire au péché.

Une Cinquième dénonciation a pour matière la thèse soutenue par le jésuite Pugean à Clermont d’Auvergne, en 1688 ; mais surtout la thèse soutenue à Anvers par un théologien jésuite au commencement d’août 1690. La thèse d’Anvers, à l’instar des Lettres de Paris, présente le péché philosophique comme une notion métaphysique, mais où rien n’est avancé de sa vérification pratique. Arnauld ruine, par des arguments historiques, cette allégation. Il proteste qu’il a dénoncé, à l’origine du péché philosophique, non la doctrine des jésuites sur l’ignorance invincible mais cette maxime de leurs auteurs : que l’on ne pèche point d’un péché proprement dit et imputable par soimême si l’on n’a point la pensée que l’on fasse mal. On voit avec quelle insistance Arnauld revient sur cette explication. Une liste nouvelle des partisans du « philosophisme » (le mot est avancé ici pour la première fois et l’Avertissement nous en a prévenus) figure en cet écrit. La Cinquième dénonciation était composée quand parvint à Arnauld la nouvelle de la condamnation, à Rome, de la thèse de Dijon ; il résolut néanmoins de livrer son travail à l’impression. On compte plus de quarante auteurs jésuites cités dans les écrits dont nous venons de parler, et qui enseignent soit expressément, soit dans ce qui est considéré comme son principe, le péché philosophique. Les textes de ces auteurs et de plusieurs autres de la même Compagnie ont été réunis dans une publication faiteen 1691 par les théologiens de Louvain : Philosophistæ, sive excerpla pauca ex multis libris. Ihesibus, dictatis Iheologicis, m quibus scandalosa et erronea philosophismi doctrina