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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/150

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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. LE RÉCIT DE LA GENÈSE

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« progrès » ; loin d’y voir une ascension, le jahwiste y

voit une chute qui fait descendre l’homme de l’état heureux où il se trouvait à un état misérable. Si l’homm ? est poussé, après la faute, à se vêtir, ce n’est pas par souci de progrès, mais pour cacher sa nudité. Encore le fait-il avec l’aide de Dieu.

3. Le « fruit défendu » n’est pas « l’œuvre de chair ». — « C’est l’exégèse de I’Opéra-Gomique, écrit Lagrange, mais l’auteur qui a exalté le mariage peut il considérer l’union des époux comme un crime, et surtout la présenter comme une science prohibée ? » Art. cité, p. 359, noie. Rien n’est dit d’une faute de la chair : ce que le texte affirme, c’est que le sentiment de la pudeur naît avec le péché : l’exégèse catholique en conclut que i’innocence était le fruit de l’amitié de Dieu, une résultante de la grâce divine : c’est le sens obvie. On ne peut non plus rien conclure de la punition de la femme en faveur de l’idée d’un péché des sexes. Cette punition, pas plus que celle de l’homme et celle du serpent, n’éclaire sur la nature de la faute commise. L’auteur veut tout simplement montrer dans la malédiction de Dieu l’explication des faits malheureux qu’il a sous les veux.

4. La faute d’Adam est, d’après le sens obvie, un péché de l’esprit,

par lequel, sous l’instigation d’une puissance mauvaise, le premier couple humain a recherché et poursuivi contre la volonté divine un bien spirituel : la ressemblance avec Dieu.

C’est par l’appât d’un bien spirituel que le serpent exerce sa séduction : « Vos yeux s’ouvriront. » ; c’est par là que se laisse entraîner la femme : « elle vit que le fruit était désirable pour acquérir l’intelligence. » Et le résultat du péché est une connaissance : « Ils virent qu’ils étaient nus. » Jahweh leur reproche ironiquement d’avoir poursuivi cette connaissance. Mais par quel moyen l’ont-ils atteinte ? Est-ce par une manducation réelle d’un fruit qui aurait produit automatiquement la connaissance du bien et du mal, ou par le fait de la désobéissance ? Nous sommes ici en face d’un de ces détails où l’exégèse doit tenir compte spécialement du caractère général du récit. Il est évident que le péché du premier homme ne fut pas un péché de gourmandise : la vue du fruit n’entre pour rien dans ce qui est l’acte du péché originel commis avant la manducation, et qui fut un péché d’orgueil. L’arbre de la science est un symbole très convenable du bien spirituel qui a tenté l’homme : mais la déchéance ne dépend pas de la vertu intrinsèque du fruit. « I)ès lors, l’arbre de la science peut avoir été réel : il peut n’être qu’un symbole : cela dépendra du caractère général du récit. Lag’ange. art. cité, p. 364,

Le péché fut commis sous l’instigation d’une puis sance mauvaise : était-ce une puissance spirituelle ! La chose n’est qu’insinuée dans le texte : i ! est parlé ici clairement du serpent, d’un animal rusé : mais cet animal est enveloppé « le mystère ; s<>us les appari d’une bâte des champs, il se révèle supérieur ; ’» l’homme. Le texte, ainsi, en mettant en relief l’astuce du serpent et sa puissance séductrice sur la femme, nous mel en quelque sorte sur le chemin de l’interprétation authentique’[n’en donnera la révélation postérieure.

Voir Sap., n.’i.’i 2 !  : Ion., vin. Il : Apne, . 9 ; xx. 2. i i.a dogmatique juive et chrétienne a seulement e rnclu que ce personnage mystérieux ne pouvait être que le diable. Lagrange, « ri. cité, p. 350.

5.La faute originelle, loin d’être l’occasion d’une ascension, est une déchéance

en ce qu’elle entraîne, à côté de la concupiscence, pour l’homme et pour la femme, une vie pénible et surtout la mort. L’homme. d’après l’exégèse radicale, n’aurai ! tait, par le péché, que prend i onscience’te aa destinée mort elle, comme il avait pris conscience du bien et du mil En lui rappe i ni qu’il es( pou i i Fahweh ne ferai ! que rappeler à l’homme, qui voulait lui ressembler, sa vraie nature : il est mortel ; Dieu ne le destinait point à l’immortalité.

Sans doute l’immortalité n’est point affirmée aussi directement et aussi nettement que l’innocence du premier homme dans le récit de la Genèse ; mais l’exégèse la conclut très légitimement de ce récit : le contexte nous montre que l’auteur veut ici expliquer l’état malheureux non d’Adam seulement, mais de ses descendants. A s’en tenir à la menace : « Le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement », ii, 17, on pourrait hésiter et penser qu’il s’agit ici d’une menace individuelle de mort prématurée. Mais tel n’est pas le point de vue de l’auteur inspiré ; il sait bien qu’Adam n’est point mort le jour où il a mangé du fruit défendu. Il veut dire que, le jour où il désobéirait, pèserait sur lui et sur sa race une condamnation à cette mort qu’il aurait pu éviter. Il s’agit d’expliquer le sort non seulement du premier couple, mais celui de l’humanité tout entière. L’expulsion du paradis a une portée durable : elle explique l’état malheureux et mortel de l’homme. Au paradis, le premier couple aurait trouvé, près de l’arbre de vie, le moyen de durer éternellement : loin de lui, il est sur le chemin de la mort. Le jahwiste annonce saint Paul : pour lui comme pour l’Apôtre, le péché, qui a définitivement écartél’homme de l’arbre de vie, a introduit la mort dans le monde.

Le postulat d’une interprétation cohérente de (lenèse, ii, 17 ; iii, 2-4, et 22-24, est dans l’affirmation de l’immortalité conditionnelle d’Adam et d’Eve au paradis terrestre, et dans la condamnation de l’humanité à la mort en la personne de nos premiers parents.

Cette condamnation ne laisse point l’homme sans espérance : il vient d’être défait par le serpent, mais Dieu ne l’abandonne point : dans la lutte incessante qu’il lui annonce entre le serpent et sa race, il lui fait entrevoir la victoire. Cf. J. Freundorfer, Erbsùnde und Hrbtod beim Aposlel Paulus, Munster-en-V., 1927. p. 20-38.

Conclusion.

On l’a dit justement. « la Genèse est un genre d’histoire si spécial qu’il restera longtemps des doutes sur la signification précise de certains des détails qu’elle nous conserve. Mais un certain flottement des limites n’empêche pas le noyau révélé de se dessiner avec certitude ; on peut affirmer sans hésitation de plusieurs vérités qu’elles nous sont garanties par la Bible. » P. Teilhard de Chardin, art. Homme, dans Dictionn. apol., t. ii, col. 504. Or, dans ce nombre, on peut dégager les suivantes :

1. Le récit de la Genèse n’est point un chant de jubilation au progrès : c’est l’explication de l’origine du mal par la chute de nos premiers parents.

2. Le premier couple avait été créé pour vivre dans l’innocence, la familiarité divine, le bonheur et l’immortalité du corps.

3. l’instigation d’un être mauvais mystérieux, en qui la révélation postérieure nous montrera clairement le démon, il a voulu, par une faute de l’esprit, atteindre jusqu’à la ressemblance divine.

4. Cette faute lui fera encourir, ainsi qu’à ses descendants, le Châtiment divin : perle de la familiarité divine, concupiscence, souffrance et mort. ">. Dieu n’abandonne point cependant l’homme complètement ; sa providence continue à le suivre : après la première faute, il l’encourage à de nouvelles luttes et lui fait entrevoir le triomphe sur le serpent postérité.

5. Ainsi ne s’agit il point encore dans ce récit, de la transmission de la culpabilité d’Adam a tous ses des cendants. Celui-ci n’j apparat) point comme source « le péché, mais comme source d’un étal malheureux, ’l’une ruine dans laquelle il entraîne toute sa famille. C’est que, avec le Jahwiste, nous avons seulement la première page de la réélavtion du plan divin, i