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PELAGE 1er

Ijlï’l

Pour ca faire, il puisait abondamment au Constitulutn (appelé par lui Judicatum de la première indiction ) sur lequel il avait des droits évidents de paternité ; il empruntait plus d’un passage — ainsi qu’il l’avoue explicitement - aux livres de Facundus d’Hermiane ; enfin, pour compléter sa documentation, il consultait, à la dérobée, quelques écrits patristiques. Donnons une analyse de cette plaidoirie.

II. La défense des Thois-Chapitres.

C’est Mgr Duchesne qui reconnut le traité de Pelage dans la description du manuscrit 73 (70) de la bibliothèque d’Orléans par Léopold Delislc. Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. xxxi, 7 (1884), p. 363-364. Il le copia et se proposa de le publier, mais l’édition qu’il projetait ne parut point. Néanmoins, l’illustre historien conserva, jusqu’à la fin de ses jours, le texte qu’il avait transcrit ; à plus d’une reprise, il s’y référa et le dernier volume signé par lui en contient une analyse, L’Église au r/ c siècle, p. 221-222. Le ms. d’Orléans est dû à une main du ixe siècle ; cette même main définissait de la façon suivante, dès le début, la matière qui nous occupe (p. 78-189) : Pelagii diaconi Ecclesise romanse in defensione trium capitulorum libri VI. Le I er livre, le début du IIe, la fin du VIe ont disparu.

La « défense » commence, dans l’état où nous la possédons, par donner le texte, mutilé de son début, d’une lettre de moines arméniens qui s’en prennent à Cyrille de ses bonnes relations avec les Orientaux, lui reprochent de s’être laissé tromper par Jean d’Antioche et Paul d’Émèse. Aussitôt après, Pelage examine le témoignage d’Hésychius de Jérusalem sur Théodore de Mopsueste, conteste l’autorité de cet accusateur, réduit singulièrement ses invectives contre la vie privée de Théodore, son exégèse des psaumes et le symbole de foi qui lui a été attribué ; après quoi, il oppose à Hésychius le récit de Sozomène. Il rappelle l’usage ecclésiastique qui défend d’accuser les morts, cite l’exemple de Denys d’Alexandrie dans l’affaire de Népos, en rapproche l’attitude de Théophile dans le différend qui s’était élevé vis-à-vis du siège de Bostra. Le livre s’achève par trois citations de saint Jean Chrysostome (de non anathemalizandis vivis vel dejunctis).

Le livre III est tout entier consacré à l’apologie de Théodore de Mopsueste. Tout d’abord, Pelage s’étonne qu’un libelle d’accusation venu du palais ait fait mention d’une loi de Théodose le Jeune et de Valentinien contre Théodore ; il démontre que cette loi n’existe pas dans le Code Justinien. II cite ensuite des extraits de lettres de saint Léon et de Gélase dont le Constitulum avait déjà fait état. Les pages qui suivent disent l’émoi causé chez les Orientaux

— en 438, vraisemblablement — par l’attaque brusquée des moines arméniens contre Théodore ; à cet endroit, Pelage insère dans son texte les lettres adressées par Jean d’Antioche à Proclus, à Théodose, à Cyrille. De ces lettres, il ressort que les évêques de ce temps n’avaient pas de soupçons sur l’orthodoxie de Théodore et ne lui connaissaient pas ces doctrines perverses qu’on lui découvre aujourd’hui. Les hérétiques n’étaient-ils point plutôt à chercher parmi les moines arméniens ? Et puis, il ne faut pas oublier que le concile de Chalcédoine a reçu les lettres adressées par les Orientaux à Proclus et à Théodore. Pelage transcrit ensuite la réponse de Proclus à Jean d’Antioche, sa réprimande au diacre Maxime. Et l’on prétend savoir, aujourd’hui, s’écrie Pelage, que Théodore est le maître de Nestorius, alors que Proclus désignait ce dernier comme le seul maître d’impiété. Suit la réponse de Cyrille à Jean d’Antioche. Mais, objecte-t-on, Cyrille a changé d’avis au sujet de Théodore. A quoi Pelage répond qu’il ne manquait

pas d’évêques, au concile de Chalcédoine, pour savoir à quoi s’en tenir sur l’attitude de Cyrille ; quelle que fût leur opinion personnelle, ils n’ont pas voulu contredire à la sentence qu’avaient portée, en sa faveur, les vénérables devanciers, ni rallumer une controverse.

Le livre IV est consacré à Théodoret. On s’en prend, dans le libelle venu du palais, à quatre réponses de l’évêque de Cyr aux anathématismes de saint Cyrille. Remarquons, note Pelage, qu’on remue une histoire vieille de cent vingt ans et liquidée par les deux adversaires : Cyrille accepta la riposte de Théodoret, répliqua, mais ne condamna pas. Et, si nous nous reportons aux séances de Chalcédoine, que lisons-nous ? Ceci seulement, que les Pères demandèrent à Théodoret d’anathématiser Nestorius et Eutychès, mais non point sa réfutation de Cyrille. C’est bien en vain qu’on prétend venger Cyrille : on ne cherche que des prétextes pour dénigrer Chalcédoine. Si l’on veut venger Cyrille, pourquoi ne pas s’en prendre à ceux qui l’attaquèrent sans ménagement, à Acace de Bérée qui lui reprochait de favoriser l’apollinarisme, à André de Samosate, à Isidore de Péluse, à Gennade ? La raison en est fort simple : c’est que le nom de ces quatre Pères n’a pas été prononcé à Chalcédoine. Qu’on n’aille pas répliquer que Gennade est excusable parce qu’il n’avait pas assez bien saisi la pensée de Cyrille, ou qu’on peut, sans risquer de provoquer de scandale, remettre ses paroles en question ; car, alors, on devrait accorder le même traitement à Théodoret, lequel, au surplus, reçut de Chalcédoine un témoignage d’orthodoxie. Qu’on imite donc Cyrille, qui ne demanda rien d’autre aux évêques orientaux qu’une confession de foi et la condamnation de Nestorius. A coup sûr, entre les Orientaux d’une part, les apollinaristes et eutychiens de l’autre, Cyrille n’eût pas hésité ; il savait, de même que saint Augustin, distinguer entre l’interprétation du dogme et la fausseté des doctrines. C’est cela également que reconnut le concile de Chalcédoine, quand il entendit la lecture de la lettre d’Ibas : il lui parut qu’Ibas avait pu se tromper sur les sentiments personnels de Cyrille, mais il jugea que sa lettre était orthodoxe.

Le livre V est réservé à la lettre d’Ibas. Pelage commence par donner le texte de la lettre ; après quoi, il note que tout le bruit qui se fait à son sujet provient du dessein qu’ont formé les hérétiques d’amoindrir, par tous les moyens, l’autorité de Chalcédoine, dessein que n’ont pas médiocrement encouragé l’inconstance et la vénalité de Vigile. On veut qu’il y ait, dans la lettre, des propositions anticatholiques. Ibas, dit-on, rapporte qu’on se demandait si Nestorius ne renouvelait pas l’hérésie de Paul de Samosate, par contre il affirme que Cyrillle était tombé dans l’apollinarisme. A cette objection, Pelage réplique qu’il a déjà été répondu, dans la mesure du possible, par le « Judicatum de la première indiction » ; on devrait bien davantage s’étonner, ajoute-t-il, en voyant Ibas charger Nestorius d’un soupçon aussi lourd que celui d’une comparaison avec Paul de Samosate ; qu’on voie, en effet, quelle différence essentielle l’Église a marquée entre partisans de Paul et partisans de Nestorius, puisque, pour les premiers, elle avait imposé un second baptême. D’autre part, pourquoi ergoter ainsi sur des mots ? Ibas n’a pas douté de l’hérésie de Nestorius ; il a seulement raconté que certains doutaient de sa parenté avec celle de Paul de Samosate. Le second reproche fait à Ibas concerne ce qu’il dit du texte Minuisti eum paulo minus ab angelis. Pelage répond qu’Ibas était persuadé que Cyrille avait enseigné, dans ses capitula, l’unique nature de la divinité et de l’humanité. La manière de