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PAULIN DE VENISE — PAVIE DE FOURQUEVAUX

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PAYS-BA 84 « cortège silencieux » (Stille Omgang), en souvenir des solennités par lesquelles on célébrait au Moyen Age à Amsterdam un miracle du Très-Saint-Sacrement. Rien de plus caractéristique que ce grave cortège de (entailles, de milliers, déjà presque de dizaines de milliers de Hollandais (les femmes en sont exclues), accourus de tous les coins du pays, défilant par une froide nuit de mars dans les rues désertes de la capitale, sans bannières ni drapeaux, sans prières à haute voix, dans un silence général, gros d’esprit secret de sacrifice, spectacle qui laisse une impression indicible. Le défilé terminé, vers l’aube du jour, tous communient et ceux qui sont venus de la province quittent immédiatement la ville, évitant soigneusement toute ombre de protestation contre la défense des processions. C’est un pèlerinage où il n’y a rien qui puisse satisfaire la curiosité, un acte purement intérieur auquel toute idée de manifestation reste étrangère et qui témoigne toujours de la vie cachée de la foi, héritage des ancêtres martyrisés’; c’est une supplication intensive pour la conversion de la patrie.

III. Enseignement.

C’est par l’école que l’Église a prise sur les fidèles dès leur jeunesse. Pour la liberté de l’enseignement, les catholiques de Hollande ont dû soutenir une guerre de cent ans, d’abord jusqu’à 1848, pour procurer à leurs écoles le droit à l’existence, puis jusqu’à 1889, afin d’obtenir quelque subvention, enfin jusqu’à 1920, pour les faire jouir des mêmes droits que les écoles de l’État.

C’est une page d’histoire héroïque que celle-là. Le premier acte, joué par le Hollandais C. Van Bommel, évêque de Liège, ne fut pas sans exercer une influence considérable sur la patrie de Montalembert et sur d’autres pays encore, sans que, hélas I aucun pays ne soit arrivé à la victoire complète remportée par les catholiques hollandais. Ceux-ci ont dépensé des millions de florins pour leurs écoles, tandis que leurs instituteurs se sont contentés, pendant de longues années, d’appointements misérables et de matériel scolaire médiocre ; mais de semblables sacrifices ont été récompensés par des résultats au récit desquels les étrangers n’en croient pas leurs oreilles.

En 1920, se produisit un fait vraiment unique dans l’histoire politique : tous les partis, libéraux et socialistes compris, votèrent l’égalité des droits de l’enseignement libre et de l’enseignement public. Cette paix, conclue à des conditions qui font honneur à tous les combattants, favorise l’unité de la nation, puisque désormais la différence d’éducation scolaire n’amène plus une différence de citoyens. En engageant la lutte scolaire, les catholiques n’ont fait autre chose que de tirer des principes libéraux les conséquences logiques. Aujourd’hui, la situation est telle que l’État reconnaît et soutient les écoles catholiques comme les écoles neutres. Il fait seulement dépendre le droit de subvention de certaines conditions : nombre minimum d’élèves, 22 heures de classes, non compris les heures d’enseignement religieux, locaux appropriés, instituteurs diplômés, surveillance d’inspecteurs quant au côté technique de l’enseignement. L’autorité civile ne s’occupe ni de l’enseignement religieux, ni de l’esprit de l’école, ni de la formation et de la nomination du personnel enseignant, ni du choix des livres ou de l’ameublement scolaire, de sorte que l’enseignement est réellement libre de droit et de fait. L’État pourvoit aux frais de toutes les écoles sur la même base ; la rétribution scolaire imposée aux parents est versée dans les caisses du fisc. Cette juste distribution n’est pas un gaspillage d’argent, car les subventions accordées aux écoles sont plus ou moins fortes d’après les conditions économiques du pays. Les écoles catholiques relèvent ordinairement d’une paroisse ; parfois cependant d’une société, d’un ordre ou d’une congrégation. Des

commissions, composées, partie d’insl tuteurs, partie de la direction de l’école, empêchent qu’un membre du personnel soit renvoyé sans raison valable. Les traitements sont fixés par la loi. Généralement parlant, la question scolaire a été résolue d’une manière très satisfaisante ; aussi, l’archevêque a-t-il félicité immédiatement le gouvernement d’avoir su donner à la Hollande une loi scolaire, libérale dans toute la force du terme et sans pareille en Europe.

La même année 1920 vit s’établir à La Haye un Bureau central d’enseignement et d’éducation catholiques, qui collabore régulièrement et amicalement avec le ministère de l’enseignement et publie un annuaire contenant statistiques et renseignements complets. La grande majorité des enfants, catholiques, protestants, Israélites, etc., fréquentent les écoles libres, et cette majorité s’accroît de jour en jour. L’État subventionne 2 24 9 écoles primaires catholiques, fréquentées par 382 140 élèves, avec 11 025 instituteurs, dont 3 610 religieux ; puis, 41 écoles secondaires, fréquentées par 6 310 élèves, à qui l’enseignement est donné par 746 professeurs, parmi lesquels on compte 220 prêtres et 45 religieuses. Les collèges formant la jeunesse qui entrera en religion et les séminaires ne sont pas compris dans ces chiffres. Jaarboek van net Onderwys en de Opvoeding der R. K. jeugd in Kederland en koloniën, 1929, p. 329-362 ; pour le côté politique et juridique de la question, cf. Cassianus Hentzen, O. F. M., Die Losung des Schulproblems in Holland. Dusseldorꝟ. 1928. La fréquentation des écoles catholiques favorise l’usage de faire les cours de catéchisme à l’école même, l’assistance commune à la sainte messe et la communion fréquente.

IV. Politique.

Si l’on a fini par reconnaître ses droits, la Hollande catholique en est redevable au parti qui doit son développement à la lutte religieuse, dont la lutte scolaire fut l’enjeu. Comme dans la foi, les catholiques sont en fait solidaires en politique ; ce sont les mêmes qui prient et qui, au moment donné, lutteront en public pour leur cause, les rangs serrés, comme ils se trouvaient dans les églises. Les périls des époques successives les ont forcés à se solidariser : leur union électorale, née en 1897, a été définitivement constituée en 1905.

Comme ils n’étaient qu’une minorité, ils ont dû se faire des alliés, d’abord des libéraux : cette alliance a rendu possible, en 1853, le rétablissement de la hiérarchie ecclésiastique. Puis ils se sont liés aux calvinistes, divisés politiquement en deux groupes : " antirévolutionnaires » et « chrétiens-historiques ; c’est avec leurs concours qu’ils ont engagé la lutte scolaire. Mais l’extension progressive du droit de vote leur a fourni les armes qui devaient leur assurer l’indépendance. Sans avoir demandé ni le suffrage universel, ni le suffrage féminin, ils ont employé avec profit ces moyens contre les libéraux, qui prétendaient représenter seuls la partie intellectuelle de la nation. Le parti catholique est un véritable parti national, qui embrasse toutes les classes de la société et qui représente aujourd’hui, par suite de son unité inviolée, telle que jamais aucun parti ne l’atteindra, le groupe le plus nombreux du parlement (trente députés sur cent).

Dès 1883, l’abbé Schæpman (qui ne fut reconnu par tous comme fondateur du parti qu’après sa mort en 1903) a formulé le programme : il ne serait pas ecclésiastique, mais rien de plus que l’action publique des catholiques constitués en personnalité politique, rien de moins que l’expression des principes qui, pour cette personnalité, sont de rigueur. Cf. Paul Verschave, La Hollande politique. Un parti catholique en pays protestant, Paris, 1910. On a vu plusieurs fois dans ce siècle un président du conseil catholique et un président catholique de la Chambre des députés. Le parti a fait