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975 PÉNITENCE. SAINT THOMAS, LA VERTU ET LE SACREMENT 91%

et àttritionem, Paris, L653, tit. i, observ. 4. Voir, dans un sens analogue, Gôttler, Der M. Thomas von Aquin und die vortridentinischen Thomislen ïiber die Wirkungen des Busssakrcunentes, Fribourg-en-B., 1904, § 1

et 2 ; H. Schultes, (). P., Reue und Busssakrament, Paderborn, 1907, p. 80-82, tout au moins en ce qui concerne la pensée de saint Thomas dans le Commentaire sur les Sentences, cette pensée ayant évolué postérieurement. Le P. Galtier estime que le dissentiment de saint Thomas et de saint Bonaventure existe dans les formules et non dans la doctrine. Op. cit., n. 187. Pour justifier ces assertions, on s’appuie principalement sur In IV am Sent., dist. XVIII, q. i, a. 3, sol. 1, et ad lum ; ad 2um. Nous verrons plus loin, col. 990, que ces textes indiquent tout au plus un mode d’explication de la causalité instrumentale du sacrement. D’ailleurs, on observera dès maintenant qu’il est question, en cet article, non de l’action du sacrement de pénitence, mais de l’effet des clefs. Quand il s’agit du sacrement de pénitence, considéré dans la complexité de tous ses éléments réunis, saint Thomas est, même dans le Commentaire sur les Sentences, très explicite : « C’est dans la confession, que la pénitence, en tant que sacrement, trouve son principal achèvement, parce que c’est par elle que l’homme se soumet aux ministres de l’Église, dispensateurs des sacrements. La contrition inclut le désir de la confession et la satisfaction est déterminée par le jugement du prêtre auquel se fait la confession. Enfin, la grâce par laquelle se fait la rémission des péchés étant donnée dans le sacrement de pénitence, tout comme dans le baptême, la confession, par la vertu de l’absolution, remet la faute, comme le baptême… Les péchés seraient remis, si le pénitent, sans mettre obstacle à la grâce, n’avait pas eu jusque-là une douleur suffisante de ses péchés… » Dist. XVII, q- iii, a. 5, sol. 1 (Suppl., q. x, a. 1). De toute évidence, il ne s’agit pas ici d’une rémission du péché ex opère operantis. Toutefois, dans les écrits postérieurs, saint Thomas parle plus explicitement, indiquant même qu’il combat la position que nous avons trouvée chez Alexandre et Bonaventure. " Quelques-uns disent que Dieu remet la faute et que le prêtre absout seulement de la peine et déclare le pécheur absous de la tache de la faute. Mais cela n’est pas vrai. Le sacrement de pénitence est un sacrement de la Loi nouvelle ; il confère donc la grâce aussi bien que le baptême. Dans le baptême, le prêtre baptise à titre d’instrument et confère cependant la grâce ; de même, dans le sacrement de pénitence, il absout sacramentellement, et à titre de ministre, de la peine et de la coulpe. » In Joan., c. xx, leç. 4, n. 5 ; cf. c. xi, leç. 6, n. 6. Dans le De forma absolutionis, saint Thomas examine un écrit affirmant la valeur purement déclarative de l’absolution : il traite de présomptueuse et de téméraire cette thèse, qui va contre la parole du Christ : « Tout ce que vous délierez. » G. i-m. Enfin, dans la Somme, il écrit : « Dieu seul absout du péché et remet le péché auctoritativement : les prêtres font l’un et l’autre ministériellement. » III a, q. lxxxiv, a. 3, ad 3um. En disant « Je t’absous », le prêtre manifeste que non seulement il signifie, mais qu’il cause la libération du pécheur : oslendit hominem absolutum, non solum significative, sed etiam effective. Id., ad 5um. Cf. a. 5, 7. D’où le Docteur angélique en arrive à conclure que dans le sacrement de pénitence « la rémission de la faute est principalement causée par la vertu du pouvoir des clefs qu’ont les ministres. Ce sont eux qui posent le principe formel du sacrement… Secondaire est la causalité des actes du pénitent qui relèvent de la vertu de pénitence. Il est donc évident que la rémission de la faute, tout en étant l’effet de la pénitence-vertu, l’est principalement plus encore de la pénitence-sacrement. > III a, q. i.xxxvi, a. (>.

2° Vertu de pénitence et sacrement de pénitence. 1. La vertu de pénitence. -La pénitence, simple tristesse ou douleur, peut n’être qu’une passion de la sensibilité ressentie à l’occasion du péché ; ce n’est pas alors une vertu. Elle est vertu, quand elle comporte un acte de la volonté, élection faite avec rectitude, par lequel le pécheur se décide ; i regretter l’offense, comme telle, faite à Dieu, avec l’intention de la réparer et ainsi de l’écarter désormais de soi. III a, q. i.xxxv, a. 2 ; cf. In IV™ Sent., dist. XIV, q. i, a. 1, qu. 2. Le regret de l’offense divine peut sans doute, mais à titre simplement subsidiaire, comporter le regret du dommage que nous cause le péché. Prise exclusivement, la crainte d’un châtiment n’a aucune valeur vertueuse ; elle atteste non la bonté de la volonté, mais la bonté de la nature qui répugne à tout ce qui s’oppose à son bien. I a, q. lxiv, a. 3, ad 3um ; Ia-IIæ, q. xxxv, a. 1, ad 3um ; De malo, q. i, a. 5, ad 2um. La vraie pénitence suppose donc une haine et une douleur des péchés commis, parce qu’ils ont porté atteinte au droit de Dieu d’être aimé par-dessus toutes choses. In /yum Sent., dist. XIV, q. ii, a. 1, qu. 1, ad 2um, ad 3um : dist. XX, q. un., a. 1, qu. 1, ad lum ; Sum. theol., III a, q. lxxxv, a. 3 ; q. lxxxvi, a. 2 et 3 ; In Hxb., c.xii, leç. 3, ꝟ. 17. Elle doit les regretter tous sans exception ; à ce titre, elle est universelle. III a, q. lxxxvi, a. 3. Souveraine, elle doit les détester par-dessus tout mal. Suppl., q. ni, a. 1.

Mais le seul regret du péché ne constitue pas l’élément spécifique de la vertu de pénitence. La charité, en effet, suffit à provoquer dans l’âme la douleur et la haine du péché. III a, q. lxxxv, a. 2, ad lum ; a. 3. Cf. J. Périnelle, O. P., L’attrilion d’après le concile de Trente et d’après saint Thomas d’Aquin, Le Saulchoir, 1927, p. 91. Car l’amour de Dieu et la haine du péché, en tant que mal s’opposant à Dieu, sont les manifestations, à l’égard d’objets opposés, du même mouvement de l’âme vers le bien divin. Mais il y a, dans la vertu de pénitence, « un acte louable d’espèce particulière, l’acte destructeur du péché passé, en tant que ce péché est l’offense de Dieu, ce qu’on ne trouve dans la raison spécifique d’aucune autre vertu ». III a, q. lxxxv, a. 2. La pénitence est donc une vertu spéciale, soumise sans doute, parce que vertu surnaturelle, au commandement de la charité (sans laquelle il ne saurait y avoir de vertus morales surnaturelles), mais se rapportant élicitement à la justice, en ce qu’elle cherche une compensation, pour Dieu, au mal du péché. Id., a. 3 : cf. In jyum Sent., dist. XIV, q. i, a. 1, qu. 4, ad 2 un> ; q. v. Et précisément, parce qu’elle cherche pour ainsi dire à rendre à Dieu ce qui lui est dû, elle se sert des vertus théologales, qui ont Dieu pour objet : « De là vient que la pénitence inclut la foi en la passion du Christ, par laquelle nous sommes justifiés du péché, l’espérance du pardon et enfin la haine des vices, qui relève de la charité. » III a, q. lxxxv, a. 3. Comme vertu morale, elle se sert de la vertu de prudence pour fixer les moyens appropriés à la fin qu’on veut atteindre. Lorsqu’il s’agit, en effet, de déterminer de quelle manière il convient de réparer le péché passé et de se préserver du péché à venir, la prudence met en œuvre, au service de la pénitence, les autres vertus morales, justice, tempérance, force : le pénitent doit restituer le bien mal acquis, s’abstenir de certains plaisirs, supporter des choses dures, en accomplir de difficiles. Id., a. 3, ad 4um. Cf. Périnelle, op. cit., p. 94-95.

La vertu de pénitence est infuse avec les autres vertus surnaturelles par le baptême : ainsi, même les enfants innocents la possèdent, en tant que disposition habituelle, puisqu’en eux déjà il y a la possibilité de pécher. Suppl.. q. xvi, a. 1.

2. Liaison de la vertu et du sacrement. Ce que les