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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/472

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PLATONISME DES PERES. LA CONNAISSANCE DE DIEU


l’homme tombé dans la bourbier du péché ne présente plus l’image du Dieu incorruptible. Ibid., c.xii, col, 372 15. Cf. l-'r. Diekamp, Die Gotieslehre des heil. Gregor von Xyssa, p. 85 sq.

Le réalisme platonicien marque aussi de son empreinte le mode de contemplation qu’expose Clément d’Alexandrie. Strom.. Y, XI, P. G., t. ix, col. 108 H : c’est par l’analyse, cxplique-t-il, qu’on avance vers la première intellection, en retranchant, àçsXôvTsç, les qualités physiques du corps, d’abord les trois dimensions, puis dans le point, résidu de cette première abstraction, sa position même. Ainsi la monade, une monade qui n’est plus localisée dans l’espace, est perçue par l’intelligence. Il est vrai qu’il ajoute, comme pour christianiser une philosophie d’emprunt : si après avoir séparé « tout ce qui s’ajoute aux corps », même ce qu’on appelle incorporel, « nous nous jetons dans la grandeur du Christ et si, de là, par la sainteté, nous pénétrons dans son immensité, nous arrivons à la connaissance, votjctei, du ToutPuissant ».

Saint Augustin est sous la dépendance d’une philosophie semblable, quand dans le De Trinitate, t. VIII, c. iii, n. 4, P. L., t. xlii. col. 949, après avoir énuméré une série de biens particuliers, il écrit : Bonum hoc et bonum illud : toile hoc et illud et vide ipsum bonum, si potes ; ita Deum videbis, non alio bono bonum, sed bonum omnis boni. Et plus loin : Si ergo potueris, illis detractis, per seipsum perspicere bonum, perspexeris Deum. Ibid., n. 5, col. 950. Ses formules suggèrent avec hésitation cependant (si potes, si potueris), une composition des êtres semblable à celle qu’enseignaient les réalistes platonisants. Il ne faudrait pas en conclure que, dans le problème de la purification, problème religieux, il suive aveuglément les platoniciens ; non, ce qu’il écoute alors, selon son habitude, c’est l'Écriture sainte et l’enseignement traditionnel de l'Église : La déchéance de l'âme ne consiste pas à être unie au corps, ni son relèvement à s’en détacher. Il s’oppose à ceux pour qui la matière est le mal, De natura ftoni, c. xv-xvin, t. xlii, col. 556, 557 ; De « y. De/, II, xxiii, 1, t. xli, col. 336, comme à ceux qui comptent sur leurs propres forces pour arriver à la pureté, qui se putant ad contemplandum Deum et inhærendum Deo virtute propria posse purgari. De Trinit., t. IV, c. xv, n. 20, t. xlii, col. 901. Aux âmes de bonne volonté il donne ce conseil : « Attachez-vous toujours plus au médiateur qui, seul, peut vous délivrer du mal, non en le séparant de vous comme on sépare une substance d’une autre substance, mais en vous guérissant comme on guérit d’une maladie. » In Joan., tr. xcviii, 7, t. xxxv, col. 1883, 1884. Cela n’est plus du tout platonicien.

/II. LA « PARESTÉ » DE h' SUE AVEC DIEU. Pour

voir la lumière, disaient les néoplatoniciens, il faut être lumière ; et dans l'Église, nous l’avons vii, volontiers on le répétait après eux. Mais ils poursuivaient : pour voir Dieu, il faut être Dieu. Même si l’on ajoute : en quelque manière, la formule ne laisse pas d'être embarrassante. « Dieu se rend présent tout à coup aux âmes bien nées, en vertu de la parenté qu’elles ont avec lui et du désir qu’elles ont de le voir. En quoi consiste cette parenté? L'âme est-elle donc divine, immortelle… une partie de l’Intelligence royale ? Et comme cette Intelligence souveraine voit Dieu, pouvons-nous aussi, avec notre intelligence, saisir le divin et, par suite, dès ici-bas, être heureux ? — Tout à fait. » S. Justin, DM., 4, P. G., t. vi, col. 484 AB ; cf. Apol., ii, 13, col. 465 C. C’est la théorie « platonicienne » que le vieillard refuse de partager ; l’homme est capable d’arriver à la vision de Dieu, parce que son intelligence est une « partie » de l’Intelligence

divine, dont c’est le propre de voir Dieu. Saint Jérôme reproche à Origène de parler incorrectement de cette participation des créatures à la nature divine, EpisL, cxxiv, ad Avitum, iv, 14, P. L., t. XXII, col. 1072, et il justifie sa sévérité en citant ce texte (De princ, IV, xxxvi, P. G., t. xi, col. 4Il C. La version de Rufin diffère sensiblement) : Intellectualem rationabilemque naturam sentit Deus et Unigenitus Filius ejus et Spiritus sanctus ; sentiunt angeli et potestates ceterœque virtutes ; sentit interior homo, qui ad imaginem et similitudinem Dei conditus est. Ex quo concluditur Deum et h^ec quodammodo unius esse susetantpe ; puisque l’homme intérieur est capable, comme les anges et comme Dieu, de comprendre la nature intellectuelle (c’est-à-dire les essences immuables des choses, les intelligibles), on peut conclure que sa substance est. la même que la leur ; proportionnés au même objet, ils sont tous en quelque manière de même nature. En d’autres termes nous ne voyons Dieu que si nous avons des yeux pour le voir ; or rien n’est capable de voir Dieu, qui ne soit divin. L’intelligence, voûç, est cet œil divin. Est-elle en nous et quelle est sa nature ? — Il y avait plusieurs réponses :

1° Selon les uns, l’intelligence n’est pas donnée à tous les hommes, mais seulement à un certain nombre de privilégiés qui sont de la race des dieux. Un petit texte de Platon, dont il a été déjà question, a joué ici un rôle considérable, sans doute parce qu’il favorisait les orgueilleuses prétentions des « gnostiques » de tous les temps, peut-être aussi parce que son imprécision lui permettait de recevoir des interprétations diverses, c’est le passage du Timée, 51e : « Il faut dire que tout homme participe à l’opinion ; à l’intellection, au contraire, les dieux ont part et, parmi les hommes, un petit nombre seulement. » Ce petit nombre est de la famille des dieux.

2° Une seconde interprétation est que tous tes hommes possèdent cet œil intérieur, mais que, chez la plupart, il reste toujours fermé, faute d’une purification sans laquelle l'âme est aveugle pour les réalités divines. C’est la thèse plotinienne, Enn., i, vi, 8. Ce que la première théorie disait d’une caste élue, elle le dit de tous les hommes, tous étant, par nature, proportionnés à la vision de Dieu. De part et d’autre, la formule porte un germe de panthéisme qui peut ne pas se développer, parce qu’il est tenu en échec par d’autres principes, mais qui reste latent.

3° Pour d’autres, l'œil de l'ùme fait partie de la nature humaine et il est impuissant à voir Dieu. — Il n’en devient capable que lorsqu’il est, non seulement purifié, mais illuminé, élevé, déifié. Cf. la théorie de Justin sur le Logos spermatique, participation du Logos divin, originede la parenté qui permet à l’homme de connaître Dieu, Apol., i, 46 ; ii, 8, 10 ; Clément d’Alexandrie, Pxdag, i, 6 ; Cohort. ad gentes, P. G., t. viii, col. 216 A. Ce principe supérieur de connaissance, les Grecs l’appellent volontiers le voùç, voûç xa60cpoç ; lepseudoDenys, -rô évostSrc, tô (koeiSèç r)|j.wv, l’unité déiforme. De hier, eccl., iii, 7 ; iv, 3. Les écrivains du Moyen Age, surtout les mystiques, en ont beaucoup parlé. C’est Voculus interior et intelligibilis ou Vintelligentia de Boèce, de Guillaume de Conches, de Jean de Salisbury, d’Isaac de l'Étoile, Vintelleclualilas d’Alain de Lille, Vintellectibilitas de Clarembaud, la pointe ou la cime de l'âme, apex mentis, acumen mentis (Hugues de Saint-Victor), vertex mentis, intimum et summum mentis (Richard de Saint-Victor), scintilla animée (saint Thomas), archa in mente increabilis (maître Eckhart).

L’essentiel était de signifier nettement que ce sommet de' l'âme, en tant qu’il appartient à l'âme, n’est pas quelque chose d’incréé, comme le prétendaient certains hérétiques connus de saint Jérôme,