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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/473

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PLATONISME DES PÈRES. LA VISION D — DIEU


pour qui « l’esprit », dont parle saint Paul, I Thess. ; v, 23, en même temps que de l'âme et du corps, est la substance même du Saint-Esprit. Saint Jérôme. ('.uniment, in Amos, t. II, c. v. A un correspondant embarrassé, qui lui demandait si le souille de Dieu dont parle la Genèse est l'âme même, Breviter respondeo, écrit saint Augustin, nul ipse est, uul ipso anima fada est, .serf si ipse est, factus est. En tout cas, l'âme est créée, c’est certain : In hac enim quæstione minime cavendwn est ne anima non a Deo farta naturel sed ipsins Dei substantia… uni aliqua ejus particula esse credatur. Epist., cev, 19, P. L.. t. xxxiii, col. 948 ; cf. De cip. Dei, VII, v, t. xi.i, col. 199. Donc, même la faculté la plus haute de l'âme n’est pas une portion de Dieu, mais seulement une image. Il fallait aussi maintenir la distinction des ordres : ce n’est pas en vertu d’une puissance purement naturelle, si élevée soit-elle, que l'âme créée peut s’unir à Dieu, mais en vertu d’un don surnaturel gratuit.

A ces conditions, un théologien pouvait parler de la parenté avec Dieu. Je suis le fils de Dieu, s'écrie Grégoire de Nazianze avec une audace dont il s’excuse, je suis Dieu même, grâce au mystère de l’union qui nous l’ait un dans le Christ. Oral., vil, 23, P. G., t. xxxv, col. 785 B ; cf. Oral., xxx, .6, t. xxxvi, col. 112 H. Certains ne mentionnent pas explicitement l'élévation de la nature, mais ils croient que l'âme humaine, comme les intelligences angéliques, reçoit en même temps, par le même acte créateur, et la nature et la grâce. C’est une condition de la vision de Dieu, supposée même quand elle n’est pas formulée.

L’influence du Timée, 51 e, est encore sensible au Moyen Age. C’est lui qui est en cause si Clarembaud d’Arras ne s’exprime pas avec toute la précision désirable au sujet de Vintellectibilitas, cette faculté d’arriver, sans le secours d’aucun organe, à la connaissance de la forme divine, faculté divine elle-même, privilège d’un petit nombre d’hommes, qui méritent seuls le nom de théologiens : estque intellectibilitas solius diuini generis et secundum Platonem admodum paucorum liominum, id est, ut credo, prophetarum et eorum qui invisibilia Dei Spirilu Dei cognoverunt. Cf. W. Jansen, Der Kommentar des Clarenbaldus von Arras zu Boetliius De Trinitate, p. 5(5. Clarembaud dit, il est vrai : spirilu Dei cognoverunt. Les victorins affirment plus explicitement que, sans l’aide de Dieu, c’est en vain que l’homme tenterait de se hausser à cette contemplation : frustra humo ad lios theoreticos excessus nititur, nisi divinis revelutionibus adjuvetur. Richard de Saint-Victor, Benjamin major, iv, 7, P. L., t. exevi, col. 1 10 I). Cf. Hugues de Saint-Victor, Exp. in Hier. cœl. S. Dion., ni, /'. L., t. clxxv, col. 976 AB.

IV. LA VISION DE l>l Kl'. — 1° La « vision » chez les néoplatoniciens. — D’après les descriptions de Plotin qui, disait-on, l’avait expérimentée quatre fois, c’est un état d’union enrichissante et bienheureuse avec le premier Principe, un état auquel ne convient absolument ni le nom de contact, ni celui de pensée, ni celui de vision, qu’on peut appeler pourtant une vision ou un contact, car elle est la rencontre de l’Intelligence et de l’Un par de la le monde du changement et de la multiplicité.

État très difficile à concevoir comme celui d’une connaissance sans dualité, d’une vie sans mouvement, d’une durée sans succession, d’une immutabilité qui n’est pas l’inertie de la mort. Cette union, se consommant au-dessus de la région éclairée par la conscience est ineffable, et même incompréhensible. On ne peut donc la faire connaître : il faut l’expérimenter. On juge, dit Plotin, qu’on y est arrivé, quand on voit la pure lumière en elle-même, par elle-même, V, iii, 17, en elle-même et non pas dans ses images, par elle même, c’est-à-dire sans intermédiaire. L'âme intelligente la connaît parce qu’elle lui est unie : ii, 6vov 6p<ôo~a tô auveïvou. VI, ix, 3. Transportée en son objet, elle peut croire qu’avec lui elle ne fait plus qu’un. Cette union, est dans la mesure du possible une unité.

Beaucoup plus que sur la nature de cette vision, les Ennéades parlent de ses condilions.il faut que l’homme ait un <eil pour voir, un trait de ressemblance qui lui permette de s’approcher de Dieu et de s’unir à lui. C’est l’intelligence. Il faut que cette intelligence soit proche de Dieu, en sorte que par simple conversion elle puisse se hausser jusqu'à lui et ne faire qu’un avec lui. Il faut qu’elle soit nôtre aussi, unie à notre âme et par l'âme au corps ; niais le lien, même en cette vie, indoit pas être indissoluble, car le sommet de l’intelligence doit pouvoir se libérer, comme d’un lest incommode, de la matière pesante qui retiendrait son envol. Le contemplatif doit s'élever même au-dessus de l'âme insuffisamment unifiée et, par suite, trop peu perspicace, et n'être plus qu’intelligence, car, s’il peut voir, c’est par cette partie de l'âme qui n’est pas l'âme, bien plus, par ce qui, dans l’intelligence, n’est pas intelligence. Au prix de ces renoncements, l’accès lui est ouvert aux profondeurs de l’Un : pour y pénétrer, il n’a donc qu'à se détacher.

En somme, Plotin donne comme possible, dès cette vie, par le jeu des seules forces naturelles, une vision de Dieu sans intermédiaires. Il dit sans doute que l’on prend alors de Dieu ce qu’on peut, mais il dit aussi que l'âme ne fait plus qu’un avec Dieu, VI, ix, 10 ; VI, ix, 3, et que c’est le parfait bonheur, qu’on a touché le but. VI, ix, 8.

2° Chez les Pères, diverses significations. — Les Pères de l'Église furent amenés par les exemples de la sainte Écriture, surtout ceux de Moïse et de saint Paul, peut-être par leur propre expérience, à admettre la possibilité, dès cette vie, d’une connaissance de Dieu très supérieure à la connaissance ordinaire. Se conformant aux usages de leur temps, ils l’appelaient volontiers une « vision ». On « voit » Dieu alors : qu’est-ce à dire ? Il serait utile de dresser une liste des significations très diverses qu’a reçues chez eux cette expression.

On y relèverait que chez Clément d’Alexandrie, c’esl un acte de l’intelligence, voyjoiç, qui atteint « non ce qu’est Dieu, mais ce qu’il n’est pas », contemplation à laquelle on parvient par la voie de « l’analyse », c’està-dire en divisant et en retranchant, selon la méthode de la théologie négative. Strom., V, xi, P. G., t. ix. col. 108 B.

Origène pense qu’on peut connaître Dieu, mais non le voir ; car il appartient aux seuls êtres corporels de voir et d'être vus. L'Évangile dit, il est vrai, que les cœurs purs voient Dieu : mais quid aliud est corde Deuni videre, nisi eum intetligere alque cognoscere ? De princ, I, i, 9, P. G., t. xi, col. 129 B.

Saint Grégoire de Nysse, à propos de la même béatitude, se demande comment on peut « voir « l’invisible », et il répond : de plusieurs manières ; d’abord, comme dans l'œuvre on voit, ôpÏTxi. l’ouvrier ; « c’est de la même manière que nous disons que nous voyons Dieu, lorsque nous sommes arrivés à concevoir non sa nature, mais sa bonté. » Mais cela ne suffit pas, de même qu’il ne suffit pas de savoir ce qu’est la santé ; c’est pourquoi le Seigneur déclare bienheureux non pas celui qui connaît quelque chose de Dieu, mais celui qui possède Dieu, c’est-à-dire celui qui. ayant purifié son cœur, voit en lui-même, dans sa propre beauté, l’image de la nature divine : sv t<7> î.Siw xâXXe'. t7)ç Osixç epuascoç xxOjpï -zqt slxôva.

Pour saint Grégoire de Nysse, voir Dieu, c’est donc le percevoir tel qu’il se reflète, comme dans un miroir,