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    1. PRÉDESTINATION##


PRÉDESTINATION. S. AUGUSTIN, DIFFICULTÉS SCRII’TURAIRES 2890

divine du salut universel était une pièce maîtressedu système semi-pélagien par laquelle était mise en relief la bonté de Dieu : Bonitas (Dei) in eo apparet, si neminem repellat a vita, sed indifferenler velit universos salvos péri et in ugnilionem veritalis venire. EpisL, ccxxv, 4, t. xxxiii, col. 1004. Il ajoutait même que ce système prétendait, contre celui d’Augustin, laisser ù cette volonté toute sa force : Nec vacillure illud, quod Deus omnes homines velil salvos péri et in aynilionem veritalis venire. Ibid., 5. Hilairc faisait savoir au saint évêque que les semi-pélagiens n’entendaient pas comme lui le passage de l’épître à Timothée et n’admettaient pas, conséquemment, la détermination du nombre des élus et des réprouvés : Illud pariter non accipiunt, ut etigendorum rejicicndorumque esse depnilum numerum velinl, alque illius sententiæ expositionem, non eam quoe a le est deprompta suscipianl… EpisL, ccxxvi, 7,. col. 1010. Nous pouvons donc assurer qu’à partir de 428, au plus tard, l’état de la question concernant les rapports de la volonté salvifique et de la prédestination était connu d’Augustin. Si donc l’expression de sa pensée, après cette date, semble présenter quelque lacune, celle-ci ne peut être dite provenir d’une ignoratio elenchi. Mais il importe de oir jusqu’à quel point l’enseignement du saint docteur est déficient.

b) Il est bien vrai que, même à la fin de sa vie, lorsque le texte de I Tim., ii, 4, revient sous sa plume, Augustin n’en donne pas une explication rigoureusement identique. Cependant, doit-on parler d’hésitation ou de fluctuation ? Nous ne le croyons pas. Nous croyons plutôt que, ayant à faire non œuvre d’exégète, mais de théologien, le saint docteur était préoccupé de ne pas infirmer par telle interprétation, tel autre point, non moins acquis, de sa doctrine, en particulier, la gratuité absolue de la prédestination. Voilà pourquoi ses commentaires paraissent plus divergents qu’ils ne le sont réellement et pourquoi aussi il ne faut pas les séparer de l’ensemble de son enseignement.

Reprenant une interprétation donnée déjà dans VEnchiridion, ciii, 27, avant les avertissements de Prosper et d’Hilaire, il entend, dans le De correplione et gralia, le passage en question d’une volonté salvifique de Dieu, non pas sans doute formellement universelle, mais cependant indistincte, ce qui est déjà une façon d’universalité : lia dictum est : « Omnes homines vult salvos fieri », ut intelligantur omnes prædestinati quia omne genus hominum in eis est. De corr. et grat., xiv, 44, t. xliv, col. 943. Est-ce d’une si mauvaise exégèse ? A remettre le passage ainsi interprété dans son contexte, on ne peut s’empêcher d’admettre qu’il fait parallèle, en toute vraisemblance, avec la recommandation instante de saint Paul que l’on prie indistinctement pour tous les hommes, sans en excepter les rois et les grands de la terre. I Tim., ii, 1 et 4. De plus, l’Apôtre lui-même au c. iv, f 10, semble autoriser d’avance l’interprétation d’Augustin. Il dit en effet : Speramus in Deum vivum qui est salvator omnium hominum. maxime fidelium. Si Dieu est principalement le sauveur des fidèles, il faut admettre qu’il l’est aussi, quoique à un degré moindre, de ceux qui ne sont pas fidèles. Il y a donc, si l’on ne précise pas la manière différente dont ils le sont, des sauvés dans l’un et l’autre bords ; Augustin ne dit pas autre chose : omne genus liominum in eis est.

Dans le De prtedeslinalione sanctorum, partant du fait indéniable que tous ne sont pas sauvés, que tous ne viennent pas au Christ, le saint docteur (qui ne pose aucunement en principe qu’un petit nombre seulement y vienne) se fait implicitement à lui-même l’objection dont nous parlons : Multos venire Videmus ad Filium… cur ergo (Pater) non omnes docel ut venianl ad Christum ? De prsed. sanct., viii, 14, t. xliv, col. 971.

Il répond par une vérité de fait : Quia omnes quos docel, misericordiu docel ; quos autem non docel, judicio non docel, appuyée par un témoignage de l’Écriture : Quoniam cujus vult miseretur et quem vult obdurat. (Test de la plus stricte orthodoxie, car, en fait, Dieu ne veut pas efficacement le salut de tous les hommes qui, autrement, seraient tous infailliblement sauvés.

Mais saint Augustin est le premier à s’apercevoir qu’il faut concilier ce salut, en fin de compte partiel, avec la volonté salvifique universelle affirmée dans I Tim., ii, 4. Il ajoute : Et tamen secundum quemdam modum, omnes Pater docel venire ad suum Filium (ibid.). Quelle est cette manière ? Le saint évêque, reprenant son enseignement du Contra Jul., iv, 44, t. xliv, col. 760, l’explique par un exemple, avouonsle, inattendu. De même, dit-il, que nous parlons loyalement lorsque, d’un maître qui est seul dans une ville, nous affirmons qu’il en instruit tous les habitants, non que tous se mettent à son école, mais parce que personne ne s’instruit qu’à son école, de même nous disons justement que tous les hommes reçoivent de Dieu l’enseignement qui les conduit au Christ, parce que si tous ne viennent pas au Christ, personne n’y vient par une voie différente : lia recte dicimus : « omnes Deus docel venire ad Christum », non quia omnes veniunt, sed quia nemo aliter venit. Ibid. Il y a là, estime Augustin, une manière d’universalité : Hos omnes docel venire ad Christum Deus ; hos enim omnes vult salvos fieri et in agnitionem veritalis venire. Ibid. La question de la volonté salvifique universelle n’est donc pas absente des perspectives d’Augustin.

On objectera que cette interprétation, pour nous qui avons les notions de la volonté divine antécédente et conséquente, n’a qu’une valeur d’expédient, car l’universalité de la volonté salvifique ainsi comprise est en réalité une limitation. Nous répondrons que des deux volontés divines antécédente et conséquente, seule la première est universelle quant au salut des hommes. Or, saint Augustin parle, à raison même du caractère concret de son enseignement, d’une volonté de Dieu qui équivaut à la volonté conséquente. Il ignorait le terme de « conséquente », nous voulons bien. Ignorait-il la chose ? C’est beaucoup moins sûr. Ne complètc-t-il pas la réponse à sa propre objection en disant : Serf (Deus) miseretur bona tribuens ; obdurat digna retribuens ? Or, nous voyons saint Thomas expliquer la volonté divine conséquente par l’exemple du juge, vengeur de la justice sociale : Juslus judex… consequenter vult homicidam suspendi. Simililer Deus consequenter vult quosdam damnari secundum exigentiam suæ justitiæ. Sum. theol., I a, q. xix, a. 6, ad lum.

De plus, il ne faut pas perdre de vue que les adversaires d’Augustin ne défendaient pas contre lui une volonté salvifique universelle antécédente, mais une volonté susceptible d’être rendue universellement salvifique, par la volonté humaine de laquelle dépendaient, selon eux, Vinitium fidei et la persévérance finale. C’est ainsi que les semi-pélagiens démarquaient le passage I Tim., ii, 4.

Le but du saint docteur était avant tout d’empêcher les hérétiques de chercher des fondements de leur erreur dans l’Ecriture. Pour ce faire, théologien prudent plutôt qu’exégète, il interprétait ce même passage de façon à ruiner l’interprétation semi-pélagienne et la doctrine qui prétendait s’y fonder, et à ne point ébranler tels autres de ses enseignements : Omnes homines eam (gratiam) fuisse accepturos, disaient les semi-pélagiens, si non illi quibus non donatur eam sua voluntate respucrenl, quoniam « Deus. vult omnes homines salvos fieri ». Episl., ccxvii, 19, t. xxxiii, col. 985. Le salut ne dépend que de l’homme, qui n’a qu’à accepter la grâce que Dieu lui offre, dans sa volonté du salut universel. Mais saint Augustin ne