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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/774

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PRÉDESTINATION. LE CONGRUISME DE BKLLAIIMIN

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17 sous Paul Y. Sous Clément VIII, c’est surtout la doctrine nioliniste qui fut examinée sur le pouvoir naturel de la volonté libre, la science moyenne, la prédestination et le bon usage des secours divins. On compara surtout la doctrine de Molina à celle de saint Augustin. Les principaux défenseurs du thomisme étaient Didace Alvarez. Thomas de Lemos et Michel a Ripa : les principaux théologiens de la Compagnie de Jésus étaient Michel Vasquez, Grégoire de Valentia, Pierre Arrubal et de Bastida, qui reconnurent généralement que le congruisme proposé par Bellarmin et par Suarez était plus conforme que le molinisme à la doctrine de saint Augustin et à celle de saint Thomas. Dans l’ensemble, sous Clément VIII, les avis furent défavorables à l’auteur de la Concordia. Cependant aucune condamnation ne fut portée par Clément VIII, qui mourut en 1605. Dès la fin de la même année, Paul V fit reprendre les travaux et autorisa même un examen de la prédétermination physique ; mais les censeurs se déclarèrent pour la plupart favorables à la doctrine thomiste. La commission maintint ses censures contre 42 propositions de Molina. Ni Molina († 1600), ni Banez († 1604) ne virent la fin de cette lutte. Le 28 août 1607, Pau ! V consulta une dernière fois les cardinaux présents, dont les avis furent très partagés ; le pape suspendit alors la Congrégation et ordonna aux deux partis de ne pas se censurer mutuellement.

Il importe surtout ici de citer la conclusion du pape Paul Y. donnée le 28 août 1607. après examen de l’opinion de divers cardinaux ; elle est rapportée dans l’ouvrage du P. G. Schneemann, S. J., Controversiarum de divins graliw liberique arbilrii concordia initia et progressus, Fribourg-ui-B., 1881, p. 291 :

In gratia Domini definitum in concilio necessarium esse quod liberum arbitrium moveatur a Deo ; dillicultatem in hoc verti. an moveatur physice vel moraliter. et quaniquam optabile esset. ne in Ecclesia effet ejusmodicontentio, adiscordiis enim sape prorumpi ad errores ideoque bonum esse illus dirimi ac decidj : nihilominus non videre Nos nunc adesse istam necessitatom, eo quod sententia Patrum Pra-dicatorum plurimum differt a C.alvino ; dicunt enim Prædicatores gratiam non destruere, sed perfleere liberum arbitrium. et eam vim habere. ut homo operetur juxla modum Simm, id est libère ; Jesuitse autem discrepant a pelap.ianis, qui initium salutis posuerunt fieri a nobis. illi vero lenent omnino contrarium. Xecessitate igitur nulla urgente ut ad definitionem veniamus. posse negotium diffeni, dum melius consilium tempus ipsum alTerat.

Cette décision fut confirmée ensuite par un décret de Benoît XIY. du 13 juillet 1748. Voir les articles Molinisme. col. 2154-2166, et Prémotion.

IL Le congruisme de saint Robert Bellarmin et de Suarez. — Ces théologiens admettent, avec le molinisme, la science moyenne et nient comme lui l’efficacité intrinsèque des décrets divins et de la grâce, mais ils s’accordent avec l’enseignement des thomistes, des augustiniens et des scotistes en ce sens qu’ils reconnaissent la gratuite absolue de la prédestination à la gloire, qu’ils déclarent antérieure à la prévision des mérites non seulement comme futurs, mais même comme futuribles. Selon ce congruisme, Dieu ne fait usage de la science moyenne qu’après la prédestination à la gloire, pour distribuer la grâce dite congrue et s’assurer qu’elle sera efficace en telles circonstances déterminées. Par là est maintenu le principe : Dieu veut la fin avant les moyens, et l’on s’efforce aussi de reconnaître, plus que Molina, la valeur et l’universalité du principe de prédilection.

Exposé de celle doctrine.

Voyons ce qu’enseigne

exactement le congruisme : 1. sur la gratuité absolue de la prédestination à la gloire ; 2. sur la grâce congrue ; 3. sur la science moyenne.

1. La gratuité absolue de la prédestination à la gloire

est nettement enseignée par Bellarmin dans son ouvrage De gratia et libéra arbitrio, I. ii, c. ix-xv. II entend prouver, comme les thomistes et les augustiniens, par l’Écriture, la tradition et la raison théologique cette proposition : Pnvdeslinationis divinæ nulla ratio ex parle nostra assignari potest, c’est-à-dire que la prédestinai ion à la gloire est absolument gratuite, ou antérieure à toute prévision des mérites. Bellarmin, comme raison de la prédestination à gloire, exclut non seulement tout mérite proprement dit, mais aussi tout mérite de congruo, quelque usage que ce soit du libre arbitre ou de la grâce, et toute condition sine qua non. Ibid., c. ix.

Il prouve, c. xiii, cette doctrine par l’Écriture, qui enseigne que Dieu : 1. a élu certains hommes : Mat th., xx, 16 ; xxiv, 31 ; Luc, xii, 32 ; Rom., viii, 33 ; Eph., i, 4 ; — 2. qu’il les & élus efficacement, pour qu’ils parviennent infailliblement au ciel : Matth., xxiv, 24 ; Joa., vi, 39 : Hsec est voluntas… Patris, ut omne quod dédit mini, non perdam ; Joa., x, 28 : Nemo rapiet eas de manu mea… Nemo potest rapere de manu Patris mei : Ego et Pater unum sumus ; Rom., viii, 30 : Quos prwdestinavit, nos et vocavit… et justificavit… et glorificavil ; — 3. que Dieu a choisi ses élus d’une façon toute gratuite, avant toute prévision de leurs mérites : Luc, xii, 32 : Complacuil Patri veslro dure vobis regnum ; Joa., xv, 16 : Non vos me elegistis, sed ego elegi vos et posui vos, ut ealis et fructum afjeratis et fructus vester maneat ; Rom., xi, 5 : reliquia’, secundum cleclionem gratia’, satvæ faclse sunt. Si autem gratia, jam non ex operibus : alioquin gratia jam non est gratia.

Bellarmin entend aussi comme saint Thomas et les thomistes les textes de saint Paul aux Éphésiens, i, 4 : Sicut elegit nos… ut essemus sancti. Qui prsedestinavit nos… secundum proposilum voluntatis suse, et ibid., 1 1 : In quo eliam et nos sorte vocali sumus, prædestinati secundum proposilum ejus, qui operatur omnia secundum consilium voluntatis suæ. Enfin il ajoute, ibid., que les élus ont été choisis, non pas seulement d’une façon gratuite, mais sans aucune prévision de leurs œuvres, selon la doctrine de saint Paul, Rom., ix, 1 1 : Cum nondum nati fuissent, aut aliquid boni egissent aut mali, ut secundum electionem propositum Dei manerel, et ibid., xi, 5 : reliquiiv secundum cleclionem gratiie suivie facto 3 sunt. Bellarmin montre, ibid., que ces principes de saint Paul s’appliquent non seulement à l’élection des peuples, mais à celle des personnes en vue de leur salut éternel.

A ceux qui objectent que, dans l’épître aux Romains, vin, 29, la prescience précède la prédestination : Quos prwscivit, et prsedestinavit, il répond : il ne s’agit pas ici de la prescience des mérites, ce qui n’aurait aucun fondement chez saint Paul et s’opposerait à plusieurs de ses textes, mais le sens est : quos prwscivit scientia approbationis, quos dilexit, quos voluit, illos et prsedestinavit… Sam scire et prsescire in Scripturisnon raro pro scientia approbationis accipitur, ut palet ex itlo ad Romanos, xi, 2 : « Non repulit Deus plebem suam, quam pnrscivit. » Cf. Matth., vii, 23 ; Gal., iv, 9 ; I Cor., viii, 3 ; xiii, 12 ; II Tim., ii, 19 ; Ps. i, 6. C’est l’exégèse de saint Augustin et de saint Thomas, conservée aujourd’hui par le P. Lagrange, le P. AIlo, Zahn, Julicher, etc.

Enfin Bellarmin, De gratia et libéra arbitrio, t. II, c. xi, prouve que, selon saint Augustin, saint Prosper et saint Fuîgence, on ne peut assigner à la prédestination à la gloire aucune raison prise de notre côté. II écrit : Prsedestinationis divinæ (ad gloriam) nulla ratio ex parte nostra assignari potest… Neque soliun sancti isti Paires (Augustinus, Prosper, Fulgentius) hoc affirmant, sed’antiquiores et doctiores ex ipsis, quos cœteri postea sequuli sunt. ad fidetn catholiram liane sententiam pertinere trad.nt et contrarium ad pelitgianos