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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/249

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l’KOB Alill.ISMi ;. PKOSPKIUTK, LES MORALISTES


pour la non-obligation ; et quand même le cloute con cerne l’application au cas présent (l’une loi d’ailleurs certaine, il estime seulement p) us probable l’obligation de choisir le plus sûr, ajoutant :.J’ai « lit plus probable, car le contraire ne manque pas de probabilité, soutenu par de nombreux et graves docteurs. » Ibid., dub. v, p. 137. Déjà Suarez parall sévère.

A son tour, un compatriote de Serra, -Iran Ildefonse Baplisla, 0. P. ( t 16 18), titulaire de la première chaire de théologie à l’université de Saragosse, el qui publia en 1646, fruit d’un enseignement de plus de trente années, ses Commeniaria et disputaliones in I ° /P, verse dans les théories du temps, au cours du long traité de la conscience inséré q. xix, a. 5-0, t. iii, Lyon, 1048, p. 377-005. Son probabilisme notoire devait plus tard lui attirer des reproches dans son ordre, encore qu’il eût publié son ouvrage, dont le mérite est par ailleurs certain, sur le commandement exprès du chapitre général tenu à Rome en 1044. Cf. Quétif-Echard, Scriptores ord. præd., t. ii, p. 558. Nous [jouirions renouveler ici les ré flexions faites ci-dessus au sujet de Jean de Saint Thomas, tant il est vrai que les « commentaires » ou « expositions » de ce temps-là sur la Somme de saint Thomas ne signifient pas une infaillible fidélité à sa doctrine.

Chez Jean de Ltigo, S. J. († 1000), qui enseigna principalement au Collège romain de la Compagnie de Jésus, on lit quelques textes qui, sans être une reprise du débat, le montreraient touché par l’esprit de son temps. De sacramento pœnil., disp. XXII, sect. ii, § 2, éd. Vives, t. v, p. 279 sq. ; De justilia et jure, disp. XXXVII, sect. x, éd. Vives, t. vii, p. 714 sq. Par ailleurs, texte remarquable, ce théologien a très bien dénoncé, quoique dans une dispute sur la foi et sans se référer aux problèmes moraux, l’équivoque où tombent certains confondant deux choses : croire que cette conclusion est probable, croire probablement cette conclusion. Dans le premier cas, on peut tenir en même temps le contraire pour probable. Mais, si l’on adhère à l’une, on ne peut en même temps adhérer à sa contraire, fût-ce d’adhésion probable. De virl. fidei divinæ disp. X, sect. i, éd. Vives, t. i, p. 340. Lugo en devait plus tard recevoir de l’honneur chez des adversaires du probabilisme (par ex., V. Baron, voir col. 503).

Il reste que les théologiens du temps sont unanimement gagnés à la nouvelle doctrine morale. Un examen plus étendu confirmerait notre enquête, limitée aux auteurs plus significatifs (listes dans Hurter, Nomenclator, t. iii, col. 588-590, 880-884 ; pour la Compagnie de Jésus, voir l’art. Jésuites, t. viii, col. 1088-1089). Rappelons seulement, pour conclure ce paragraphe, ne serait-ce que pour son air de parenté avec la théologie contemporaine, le passage du Discours de la méthode, où Descartes expose la deuxième maxime de sa morale par provision (IIIe part., éd. Gilson, Paris, 1925, p. 24-25, avec la lettre explicative de Descartes et les éclaircissements de son commentateur, ibid., p. 24221 : >).

II. LES MORALISTES.

Mais les théologiens du type précédent cessent, vers ce temps-là, d’être les principaux représentants des doctrines morales. Le soin de résoudre les cas de conscience et de guider les confesseurs n’est pas alors une nouveauté ; nous avons dit quelle importante littérature est née de ce dessein depuis le XIIIe siècle. Elle poursuit désormais sa carrière, mais dans des conditions encore inaperçues, OÙ elle devient la forme souveraine de. l’enseignement moral, en même temps qu’elle s’ouvre toute grande aux théo ries du jour. L’importance du sujet et les jugements qu’il appelle nous commandent cette fois de subdiiser l’exposé.

1° Le plus grand nombre des moralistes adoptent le probabilisme. Ils en reprennent et énoncent à leur

façon les t hèses caractéristiques, non sans introduire ici ou la quelque trait personnel et, l’on peut dire d’une façon générale, non sans renchérir sur les théologiens

mêmes,

Chez Jean Azor, jésuite espagnol († 1003), auteur d’Instiluliones morales parues à Rome en 1000, où l’étude de la conscience prend des proportions énormes et entre dans un détail infini, les règles essentielles du probabilisme sont admises, encore que le tutiorisme semble Être sauvegardé en conscience douteuse ; l’étude des cas particuliers l’emporte d’ailleurs dans l’ouvrage sur la discussion des principes.

-Mais déjà chez Thomas.Souciiez († 1610), Espagnol et jésuite également, nous assistons a un progrès des doctrines : en son Opua morale in præcepla Decalogi, ouvrage posthume paru en 1611, il admet, I. I, c. ix, n. 7, t. i, Lyon, 1001, p. 28, que l’autorité d’un seul docteur probe et savant rend une opinion probable et qu’on peut conseiller toute opinion probable, fût-elle contraire à celle qu’on tient, pourvu qu’elle soit probable. Sanchez a du reste un don d’exprimer ces témérités avec la plus grande énergie, jusqu’à ce trait où il l’emporte sur Becanus, cité plus haut : « Il suit de là contre certains novateurs (on notera l’empressement avec lequel les probabilistes indigent à leurs adversaires ce nom de neolerici) que, si quelqu’un estimait plus probable la non-licéité de l’opinion moins probable, il pourrait encore suivre cette dernière, pourvu qu’il croie probable le droit de la suivre. Il retient en effet, dans ce cas, un jugement dictant probablement hic et nunc que cette conduite est permise. > Ibid., n. 17, p. 30. Les sacrements n’échappent plus absolument aux mêmes facilités. Ibid., n. 33, p. 32. Sans être encore universelle, la non-obligation de la loi douteuse est étendue au cas où l’on doute si telle chose tombe sous la loi. Ibid., c. x, n. 32-34, p. 42-43. Il y a du reste ici ou là chez cet auteur des réserves et des précautions qui rappellent curieusement la gravité de l’âge précédent. Elles sont moins perceptibles, en dépit de ses formules complexes, chez l’Italien Martin Bonacina, S. J. († 1031), de qui l’on possède une collection d’écrits de morale parus en première édition en 1021. Voir De legibus, disp. I, q. i, punct. ult., § 2, t. ii, Lyon, 1078, p. 40 sq. ; De peccatis, disp. II, q. iv, punct. 7, p. 125 sq.

Chez Paul Laymann, jésuite autrichien († 1635) (voir son article), de qui la Theologia moralis remonte à 1626, nous trouvons un texte où l’altération de la notion de probabilité et, conséquemment, de l’action morale, telle que nous l’avons décrite plus haut, est exprimée dans les termes les moins équivoques. Il est licite, explique-t-il, de suivre dans l’action la sentence probable. Et qu’on puisse le faire, bien qu’elle apparaisse au sujet spéculativement moins probable et sa contraire plus probable, on le démontre ainsi : c’est que cette appréciation spéculative, du fait même qu’elle est incertaine et menacée d’erreur, ne peut être règle d’action ; dès lors, le sujet doit suivre une autre règle, et qui soit certaine, savoir que, dans les questions douteuses relatives aux mœurs, chacun peut agir selon la sentence que des hommes doctes défendent comme probable et sûre en pratique. Et il n’est pas vrai qu’on agisse alors contre sa propre conscience, puisque la conscience ne consiste pas dans quelque appréciation spéculative, mais dans un jugement pratique certain de l’action, lequel, dans le cas décrit, peut être formé par réflexion ». L. I. tr. I, c. v, § 2, Venise, 1710, p. 5. Il est difficile de parler plus net. On voit si les principes réflexes onl gagné la partie. En définitive, grâce à cette « réflexion, on agira plus certainement selon l’opinion moins probable que si l’on s’en était tenu à l’opinion plus probable. Il est impossible de dire avec plus de force que la vérité objective n’est plus la me-