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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/279

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    1. PROBABILISME##


PROBABILISME. L’AFFAl RE GONZALEZ

ramènent au probabilisme le plus opiniâtre, et, dirons-nous, le plus naïf. Biles procèdent en effel de cette conviction absolue que combattre le probabilisme, c’est promouvoir une sévérité Intolérable, si la sen tence bénigne favorise la présomption, la rigide con (luit au désespoir, qui est un plus grave pécbé. Pour moi, dit l’auteur, je confesse la vérité, h c’est que je samais difficilement comment me sauver si je devais à tout coup suivre la plus probable. Éd. de Cologne, 1732, p. 17. En quel affreux dilemme nous voilà donc enfermés ! La première lettre traite « lu probable en général. La seconde réfute, ligne par ligne, un écrit composé en faveur de Gonzalez, entendons l’écrit de Gonzalez lui-même ; sous le style infiniment contourné, OH sent cette fois la plus radicale hostilité. L’auteur va jusqu’à dire qu’en prescrivant de suivre la vérité jugée telle, Gonzalez enseigne la défiance envers les docteurs et favorise la désobéissance. Ce qui nous apparaissait en cet ouvrage comme un retour à la sincérité et une restauration du naturel, Segneri le dénonce comme un dangereux subjectivisme, où chacun s’érige en juge de la vérité : si les docteurs ont jugé quelque chose comme probable, qui êtesvous, nous dit-il, pour oser le révoquer en doute ? Et il ne donne pas d’autre motif de la réprobation des censeurs que « le principe faux de ce livre, constituant pour règle des mœurs la vérité, réelle ou imaginaire, on ne sait, et d’où suivent des bévues énormes ». P. 177. Le cas de Segneri est certainement désespéré. A l’argument qu’on n’use du moins probable nulle part ailleurs, ni en affaires, ni en santé, etc., que répond-il ? Qu’il ne le fait pas non plus en morale puisque la sentence moins probable est celle des adversaires, qui obligent au plus probable. La troisième lettre fut écrite l’ouvrage paru. Elle est cette fois ouvertement tournée contre Gonzalez et s’intitule « dans laquelle sont abattus les fondements d’un nouveau système qui, chassant en fin de compte la probabilité de la règle des opinions probables, voudrait y substituer la vérité assurée ». Jamais probabiliste n’a joué plus franc jeu. Segneri estime que la vérité est trop incertaine et trop difficile ; il y faut substituer en morale la probabilité. C’est la distinction poussée à bout du spéculatif et du pratique ; Segneri y est fidèle, on dirait jusqu’au cynisme s’il n’était si saint homme. Il est un des plus frappants exemples de la séduction que peut exercer l’esprit de système sur une pensée ; depuis quarante ans qu’on attaque de partout le probabilisme, il est clair que cet homme n’a rien appris ; il nous aide partiellement à comprendre pourquoi, devant des démonstrations comme celle d’un Gonzalez, le probabilisme cependant a tenu et s’est perpétué.

Ces écrits partirent à l’insu de Gonzalez. Il fut au contraire averti des protestations du jésuite allemand Christophe R ; ssler, professeur à Dillingen, de qui on lira les mésaventures et l’obstination dans Dôllinger-Reusch, op. cit., t. i, p. 235 sq. ; pour finir, les censeurs du général refusèrent l’approbation à son ouvrage. Plus habile, le jésuite espagnol Bernard Sartolo, professeur à Valladolid, fit paraître une réfutation (car il semble bien en être l’auteur) sous le nom emprunté d’un jeune docteur de Salamanque, intitulée Lapis lydius recenlis antiprobabilismi sen disserlalio théologien contra nuperos ejus propugnatores, Salamanque, 1(197. Cet ouvrage, qui attaquait directement Gonzalez, suscita deux répliques, l’une sous le nom d’Anlonius Florentius, à Toulouse en 1702, dédiée à Bossuel : l’autre du jésuite Ehrentreich, professeur à l’université d’Inspruck, l’auteur d’un des résumes du Fundamentum dont nous parlions ci-dessus, parue à Rome en 1719. Étranger à la Compagnie semble être l’écrit publié à Gênes en 1694, Crisis de probabilitate…, attribué au bénédictin Bernard Bissi, mis à l’index en 1697

(le seul condamné des écrits relatifs au livre de Gonzalez ) et réfuté plus tard par le jésuite Muniessa. i. Succès relatif de Gonzalez. - La XIVe congri tion générale se réunit en novembre 1690. En dépit des oppositions qui s’étaient annoncées. Gonzalez lut écouté. (l’n mot d" Bossuet sur le sujet, dans mulettre du 1 septembre 1696, dans la Correspondance, éd. cit.. t. viii, p. < ; i-112 : »… Je crois qu’à la lin. de bon ou de mauvais jeu. ils deviendront orthodoxes. | Il obtint notamment un décret relatif aux questions toujours litigieuses de renseignement dans la Compagnie, où la morale est aussi en cause :

Decretum ~>. Probato a congregatione postulato plurimn provinciarum de conficiendo quamprimum elencho opinionuiii <|uas nostri docere non debeant, tuin in philosophia tum in theologia speculativa et morali, Ii. I’. generalis rozavit congregationem, placeretne, inlwrendo vestigiis superiorum congregationum, prsesertim XI et XII, declarare quantum Societas univers :) abliorre.it et semper abhorruerit al) omni opinium tam novitate in omnibus quant pi tim laxitate in moralibus ; gratum habuit congregatio tam s inctum Patris nostri zelum et quamvis compertum illi sit, nostris prolessoribus et scriptoribus tam religiose sancita cordi esse, commendavit tamen impense eidem prseposito général] ut eorum exécution] invigilet, curetque conlici pradietum elenelium communicandum provinciis priusquam ultiini ei minus apponatur, Institutum Soc..L, t. i, Prague, 17.">7, p. (Si)’.).

Le catalogue prévu ne fut jamais exécuté ou du moins promulgué. On peut lire dans l’ouvrage cité de R. de Scorraille, François Suarez, t. I, p. 193-194. une lettre adressée à ce sujet à Gonzalez par un jésuite espagnol, le. Il septembre 11397, et qui témoigne les résistances que dut rencontrer le général en cette entreprise, en dépit de la commission de la congrégation générale et du surcroît d’autorité qu’il en retira. Luimême écrivit en 1699 et 1700 un nouvel opuscule demeuré inédit, malgré les instances qu’il fit plus tard auprès de son vicaire et des assistants pour qu’on le publiât. Le titre seul en devait inquiéter plusieurs : Opusculum hislorieo-theologicum de ortu et origine probabilismi, cjusque progressu et fallaciis ac œquivocationibus falsisque suppositionibus, absque ullo solido principio in quo nitatur et de ejus décrémenta alque imminente interitu ex decretis romanorum pontificum et episcoporum conspiratione (dque quamplurium theologorum recentium valida impuynatione. Le manuscrit est à la bibliothèque Casanate, à Rome. Cf. Astrain, op. cit., t. vi, p. xii, n. 17.

Les publications relatives à l’ouvrage principal de Gonzalez ne cessent pas cependant de paraître. Favorables aux thèses du général sont les livres des jésuites français Antoine Bonnet (sous le nom de Xoel Breton), Toulouse, 1696 ; Jean-François Malatra. Lyon, 1698 ; Jean Gisbert, Paris, 1703, de qui le livre porte en vedette le titre d’Antiprobabilismus, et du jésuite espagnol Thomas Muniessa. Saragosse. 1696. Mais le plus important des ouvrages antiprobabilistes d’origine jésuite parus sous le généralat de Gonzalez est la Régula honestatis moralis seu tractatus theologicus tripartitus de régula moraliter agendi… de l’Espagnol Ignace de Camargo. professeur à Salamanque, et publié a Xaples en 1702, avec l’approbation de Gonzalez. L’ouvrage est dédié à Clément XI. L’auteur déclare avoir été probabiliste, mais l’étude et l’expérience l’ont détaché de ce système ; il témoigne que d’autres à Salamanque sont dans le même cas. Mais, tandis que le probabilisme lui semble être en baisse partout ailleurs, il signale combien la vogue en demeure grande en Espagne, où l’on suscite des ennuis à ses adversaires. Cf. Dôllinger-Reusch, <</>. cit., t. i. p. 256-259. On rapprochera de ces informations celles que fournit le même Camargo dans une supplique adressée de Salamanque le 22 octobre 1706 au pape Clément XI : il y