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I* Il OBA B I L I SM E. I-’A F F A I K E G O N Z A L E Z
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en sens divers étant supposés se compenser exactement ; on demeure dans le doute, on agira au plus sûr. Il est vain de dire qu’on souffre alors d’une ignorance invincible de la loi : sans doute est-on excusé de ne pas savoir, mais pourquoi ne resterait-il pas le devoir d’agir ? Le vice de ce raisonnement, dit Gonzalez, consiste à tranférer à l’action l’excuse qui vaut seulement pour le défaut de science. Vain aussi d’invoquer le principe de possession : comment arguer ici de la possession delà liberté qui est justement l’objet en cause, exactement aussi douteuse que l’obligation sur laquelle on hésite ?
On voit l’inspiration de cette critique et le postulai qui la soutient, déclaré d’ailleurs dès la définition du probable : c’est à savoir que la vie morale est chose de sincérité. Elle est régie par l’intelligence dont l’objet est le vrai, auquel elle va selon les lois de sa nature. Sous [es conclusions que nous venons de représenter, il y a de la part de Gonzalez une sorte de retour à la nature, le sentiment profond et indesl nid Ible que l’action relève d’un jugement réglé en définitive par la Vérité seule. A ce titre, nous nous sentons avec sa critique en parfaite sympathie.
2. L’i partie constructrice. - A partir de la V 1 1 l « dissertation, Gonzalez établit sa propre doctrine. Elle lient dans cette proposition capitale :
Nemini licituiu est sequi sententiain taventem libellai i adversus legem, quin posl dillgentem verltatla Inquisitlo nem, cltra passionein et culpam, appareat Ipsl in actu primo vol iinlce verisimilis, vel claie et sensiblliter verislmillor opposite stanie pro lege adversus libertatem, et Idclrco ab illo judiceturvera judicio absolutonon fluctuante. Éd. cit.,
p. 12°).
Énoncé excellent eu ce qu’il restaure la vérité
comme règle d’action ; en ce qu’il admet qu’on adhère
au vrai SOUS les espèces du l’aisemhlahle ((plant a la
certitude exigée du jugement de véi-iié, nous l’appré cierons mieux en coins de développement). Moins irréprochable en cette antithèse de la loi et de la liberté, « pie Gonzalez reçoit de ses adversaires et où il prend part) spontanément en Faveur de la loi : la théo logie classique, nous le savons, pose le problème moral
en le -s de bien, S’épargna ni ainsi l’apparence de
rigueur attachée au parti d’un Gonzalez, quoiqu’elle tienne aussi tenue a l’exigence du devoir. ()n retrouverait une pointe d’outrance en l’Interprétation pro
posée plus bas, diss. I, du QuodUb. VIII, a. 13, de
saint Thomas (voir noire article Éclaircissements…). De même en l’interprétation de la : <, ’proposition con damnée par innocent XI, ou Gonzalez voit ébranle le fondement du probabil isme (éd. cit., p. 131) : nous pro noncions ci-dessus, col. "> : ( i. un jugement plus modéré.
Mais par ailleurs (ion/aie/ prend grand soin île dis
tinguer sa position de certaines autres, plus rlgou
reuses. Il déclare alors en huiles lettres que, pour se servir de la sentence moins sûre, il n’est pas requis que l’on se forme un jugement tout à l’ail certain de l’hon llêteté de l’objet ; niais il sulhl que l’on se persuade. d’un jugement d’opinion prudent et n’excluant pas de sm toute crainte de la malice, que L’objet est honnête OU du moins non défendu. Diss.. éd. cit.. p. 142.
Entre tous ses devanciers, plutôt que Mercorus et Fa gnanus, c’est Gonet chez, qui Gonzalez retrouve le mieux cette sage conclusion qui est la sienne. Il a le droit d’invoquer comme il le fait des témoignages traditionnels eu ce sens. Sur le point sensible de la crainte permise dans le jugement (oh nous trouvions Fagna nus mal assure et penchant vers l’excès), il a cette heureuse définition : « Elle n’est pas autre chose que la connaissance selon laquelle l’esprit connaît que la chose opinée. dont il juge et énonce délerniinenieiil. par l’opinion, qu’elle est ainsi, peut être autrement qu’il ne la juge. P. 165. Crainte qui est défaut de celle fermeté
attachée a la foi et a la science, mais non hésitation et doute. Elle s’accorde a’ec une certitude morale. Gonzalez rejoint iciCajétan, bien qu’il dise un peu plus bas se séparer de lui (p. 168), mais sur un point assez menu. Le problème difficile de l’ignorance du droit naturel est traité avec une modération pareille, pour aboutir a cette conclusion qu’il peut y avoir ignorance invincible quant aux conclusions très éloignées des premiers principes de ce droit, et sur lesquelles il y a des opinions divergentes chez les doc leurs catholiques. L’ouvrage finit sur les preuves positives de la doctrine soutenue, suivies de la réfutation des objections a vannes
par les partisans de la sentence bénigne.
Gonzalez a lui même attache le nom de probabiliorisme a la position qu’il adopte (p. 13), ou est requise une plus grande probabilité pour que soit admise l’opinion moins sûre. Dans sa pensée, cette position tient
le milieu entre les auteurs trop faciles et les auteurs
trop exigeants. De fait, il suffirait de légi n s retouches
pour que ses règles fussent irréprochables Au i
de la théologie classique, la principale insufflsano de l’ouvrage est L’omission de la prudence, avec la perfection doctrinale et le redressement inoral que cette vertu comporte. Tel qu’il est. il avait certainement de quoi persuader 1 1 gagner les esprits. En fait, quel son sucées ? Le livre lui t..i ei largement répandu. En 1694, on en signale trois éditions a Rome et neul en di lièrent es villes d’Europe, il fait l’objet d’une analyse
attentive, au début de 1695, dans les A, lu mulil Tiim. publication protestante de Leipzig De nombreuses lettres parvinrent a Gonzalez de la part d’hommes
qualifiés, jésuites et a II Iles, le félicitant de si m OUVI avec les lettres émanées de diverses provinces de la
Compagnie en 1693, qui demandaient la publication de l’ouvrage, elles forment un recueil Inédit, conservé dans la Compagnie ; voir Astraln, Historié de // l paUa de Jesûs en lu asistencia </< Espaiia, t. m. p.. blbliogr. n. 3. Bientôt on ht de l’ouvrage, dans la Compagnie même, des résumés >i synopses, eux mêmes rassemblés en recueils, par exemple Sun triplex tractatus theologia <t< * pinionum pro babilium luce publica donati u//> initium anni / li. P. Thyrso Gongalex, prrnp. gen. S intra annum recusi, Lyon, 1698 l ïn ce dernier volume
abondent même les puces de mis latins nu est céll
en ineiies et en strophes classiques, le mente de G zalez, ou même est exprimée, el non sans précision, la technique de la probabilité. Le principal auteur de ce genre inattendu est i, - P, Jean Blanchet, jésuite di Poitiers : les vrais poètes ont raison des plus ingrats
sujets ! l’eut être faut il voir des Imitations de l’on
vrage de Gonzalez en des publications comme li conscientia humana, du minime François Palam o, paru a Salamanque en 1694, ou la Dispulatio théologien de opinionum delectu m rébus moralibus, d’Antoine Charlas, parue a Rome en ic.mi tsilingei Reus< ii, />. cit., t. i. p. 258,
..’Attaques contre Gonzalez. Il ne se pouvait toutefois qu’un livre de cette nature, et publié dans les circonstances que nous avons dites, fil l’unanimité des suffrages. Des avant son apparition, nous avons vu Segneri écrire deux lettres contre les doctrines de Gonzalez, publiées avec la troisième dont nous allons parler, à Cologne, en 1732, sous le titre : Lttterc del Padre P</, , /, , Segneri sulla materia del probabile. La premièrt
des trois avait paru déjà, sous le pseudonyme de l issimo degli Afflittl. a Cologne, en 1703, puis a
Xaples en 1726, etc. ; cf. Dollinger Reusch, op. cit., 1. 1,
p. 182. Concilia, au temps de qui ces Ici fies eurent un
regain d’actualité, feignit de supposer qu’elles uYtaint point de Segneri, dont la sagesse et la piété étaient en si grande réputation. Storia del probabi lismo…, t. i. p. 311, isi ik.-, . ;, („ ; 568 Elles nous