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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/31

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PRÉMOTION PHYSIQUE. CE QU’ELLE EST


i|u<— les principaux textes : l q. xix, a. i : Efleclus determinati ab inflnita ipsius (Dei) perfectione procediint secundum determinationem voluniatis et intellectus ipsius. Voilà le décret éternel prédéterminant. Com ment sauvegarde-t-il notre liberté ? Saint Thomas l’explique dans le texte fondamental auquel il faut toujours revenir : I’. q. xix, a. X : Cum Vûllinlas divina sil effleacissima, non solum sequitur quod fiant ea qu.se Drus vult fteri, sed quod eo modo fiant quo Deus ea fieri vnlt ; l’uii autem quædam fteri necessario, quædam contingenter. Saint Thomas, ibtd., se fait cette objection, <|iii sera toujours renouvelée par les molinistes : Omnis causa quæ non potest impediri, ex necessitale suum effectuai producit… Sed voluntas Dei non potest impediri, dicit enim Apostolus (Rom., ix, 19) : « Voluntati enim ejus quis resistit ? « Ergo voluntas Dei imponit rébus t’olilis necessitatem. Au lieu de répondre par la prévision divine de notre détermination libre, comme le feront les partisans de la science moyenne, saint Thomas répond ibid., ad 2’» ’" : Ex hoc ipso quod nihil voluntati divinse resislit, sequitur quod non solum fiant ea quæ Deus vull fieri, sed quod fiant contingenter vcl necessario, quæ sic fieri vult. C’est ce que nous avons déjà lu dans le Contra génies, t. III, c. xciv, § 11. Ce texte exprime, aussi clairement que possible, que l’efficacité intrinsèque et infaillible des décrets et de la motion de Dieu, bien loin de détruire la liberté de nos actes, la fait, car cette efficacité s’étend jusqu’au mode libre de ces actes, qui est encore de l’être.

Saint Thomas dit de même : I a, q. lxxxiii, a. 1, ad 3um : Deus est prima causa movens et naturales causas et voluntarias. El sicut naturalibus causis, movendo eas, non aufert quin actus earum sint naturales, ita movendo causas voluntarias, non aufert quin actiones earum sint voluntariæ, sed potius hoc in eis facit : operatur enim in unoquoque secundum ejus proprielatem.

Ailleurs, I », q. xxiii, a. 1, ad l" iii, saint Thomas explique, comme il l’a fait dans le Contra gentes, t. III, c. xc, fin, les paroles du Damascène : Præcognoscit Deus ea quæ in nobis sunt, non autem prédéterminât ea. Brièvement saint Thomas répond : Damascenus nominal prœdeterminalionem impositionem necessitatis, sicut est in rébus naturalibus, qu ; v sunt prædeterminatæ ad unum. Quod patet ex eo, quod subdit : « Non enim vult maliliam, neque compellit virtutem. » Unde prædestinalio non excluditur. Ce texte montre que saint Thomas, en excluant la prédétermination nécessitante, admet la prédétermination non nécessitante qu’implique à ses yeux la prédestination. Voir encore I a, q. xxiii, a. 6 : Prœdestinatio ccrlissime et infallibiliter consequitur suum effeclum, nec lamen imponit necessitatem.

A la lumière de tous ces textes, on peut voir facilement le sens de ceux qui se lisent I a —II’, q. x, a. 4, corp. : Quia voluntas est activum principium non delerminatum ad unum, sed indifjerenler se habens ad milita, sic Deus ipsam movet, quod non ex necessitale ad unum déterminai. Dans toute cette question x. a. 1, 2, 3, saint Thomas a employé l’expression non ex necessitalc movere en ce sens : mouvoir sans nécessiter : c’est dans le même sens qu’il dit ici non ex necessitate ad unum déterminai, comme il l’a dit dans les textes du Commentaire de saint Jean, cités plus haut. Partout il est question d’une prédétermination non nécessitante, qui s’étend jusqu’au mode libre de nos actes.

Saint Thomas redit ici même, D-IT 1’, q. x, a. I, ad 1° » > : Voluntas divina non solum se ex tendit, ut aliquid fiât per rem, quam movet ; sed ut etiam eo modo fiât, quo congruit naturæ ipsius. Et ideo magis repugnaret divinse motioni, si voluntas ex necessitate moveretur, quod sus naturæ non compelit, quam si moveretur liberc, liront compelit suée naturæ. C’est-à-dire que Dieu ne peut par sa motion nécessiter la volonté à vouloir un bien particulier qui lui est présenté comme bon sous

un aspect, et non bon sous un autre. 1’-I I’, q. x, a. 2. I H tel objet, absolument inadéquat à l’amplitude universelle de la volonté, spécifie l’acte libre, en vertu du principe : les actes sont spécifiés par leur objet, et donc l’acte de volonté, qni se porte sur un bien particulier

ainsi proposé par l’intelligence Stlb indifferentia judicii, ne peut être que libre. C’est, pour saint Thomas, la définition même de l’acte libre. I —II’, q. x, a. 2 ; tandis que la définition moliniste de la liberté fait abstraction de l’objet spécificateur, en disant : Libertwi est facilitas quæ, positis omnibus ad agendum prærequisilis, potest agere vel non agere. Les thomistes, considérant que l’acte libre, comme tout acte, est spécifié par son objet, disent comme le concile de Trente :.sous la motion divine efficace, la volonté conserve la puissance de résister : elle peut résister si elle le veut, mais sous la grâce efficace elle ne le veut jamais, comme Socrate assis peut se lever, mais n’est jamais en même temps assis et debout. » Ils enseignent même communément : Implicat voluntatem, stunte judicio indifferenti, necessitari a molione divina ex se efficaci (cf. Fîilluart, Cursus Iheol., De actibus humanis, diss. II, a. 5). Comme la volonté ne peut vouloir un bien inconnu, qui ne lui est pas proposé par l’intelligence, de même, elle ne peut vouloir un bien autrement qu’il ne lui est proposé ; elle ne peut vouloir nécessairement ce qui lui est proposé comme non nécessairement désirable. L’acte spécifié par cet objet ne peut être que libre, et la motion divine efficace ne peut changer sa nature ; elle n’est donc pas nécessitante.

Cependant, lorsqu’elle est efficace, elle porte infailliblement la volonté à vouloir librement ce bien particulier plutôt que cet autre : en ce sens, elle est prédéterminante. Telle est bien la pensée de saint Thomas. aucun doute ne peut rester à ce sujet, si on lit au même endroit, I « -II ; l —, q. x, a. 4, la réponse ad 3 U ». L’objection que se fait ici saint Thomas, ibid., est celle qui sera toujours faite par les molinistes : Possibile est, quo posito non sequitur impossibile : sequitur autem impossibile, si ponatur, quod voluntas non velit hoc, ad quod Deus eam movet, quia secundum hoc operatio Dei esset inefficax. Non ergo est possibile voluntatem non velle hoc, ad quod Deus eam movet. Ergo necesse est eam hoc velle. Saint Thomas, loin de répondre par la prévision divine de notre consentement, répond, ibid., ad 3 un : Si Deus movet voluntatem ad aliquid, incompossibile est huic posilioni, quod voluntas ad illud non moveatiir. Non tamen est impossibile simpliciler. Unde non sequitur, quod voluntas a Deo ex necessitate moveatur. Il reste en effet dans la volonté la puissance réelle de poser l’acte contraire, mais cet acte contraire, réellement possible, n’est jamais réellement existant sous la grâce efficace : celle-ci ne serait plus efficace. C’est pourquoi l’on dit que la résistance actuelle n’est pas compossible avec la grâce efficace. lia Socrates sedens potest stare, sed non potest simul stare et sedere ; ne est eum sedere. dum sedel.

Le sens de ce texte est des plus clairs, il affirme manifestement une prédétermination infaillible, mais non nécessitante. C’est une nouvelle manière d’exprimer ce que nous avons lu plus haut. I 1. q. xix. a. S. ad 2 nm : Ex hoc ipso quod nihil voluntati divina’resistit, sequitur quod non solum fiant ea quiv Deus vult fieri, sed quoi fiant contingenter vcl necessario. que sic fieri vult. Cf. Contra génies, 1. 111. c. xc. § 11 : Providit Deus illud esse futurum contingenter, sequitur ergo infallibiliter quod erit contingenter et non necessario.

La distinction du possible et du compossible revient à celle du sens divisé et du sens composé, comme le dit saint Thomas, 1’. q. xxiii. a. ti. ad 3° ra. Deum velle aliquid creatum est necessarium ex suppositione, propler immutabilitatem divinse voluniatis, non tamen absolutc (en d’autres termes : il y a nécessité de conséquence,