Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/415

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
815
816
PROPRIÉTÉ. OBSERVATION DES FAITS


particulièrement puissantes et importantes : postes, transports, banques, assurances, mines, constructions mécaniques, fabrication d’armes, voirie, distribution d’eau, de gaz, d’électricité, assistance, hospitalisation, dans le cadre régional ou communal ; organisa lion drs loisirs, des retraites, de l’apprentissage dans le cadre professionnel, etc. Bien entendu, on n’approuve

|ias pour aillant la philosophie du socialisme.

3° La propriété et le sociologisme ». — La théorie « sociologique » de la propriété appartient à un système

doctrinal, qui se distingue nettement du socialisme. Pourtant, au point de vue philosophique, il n’y a qu’avantage à rapprocher les deux exposés puisque le préjugé évolutionniste leur est commun et que, par des voies différentes, ils mènent à des conclusions assez voisines. Si l’école sociologique repousse le matérialisme historique, c’est pour remplacer l’évolution dialectique du fait matériel par celle du fait social, considéré lui-même comme objectif, transcendant, progressant d’une marche qui lui est propre et entraînant l’évolution nécessaire des idées, des mœurs, des esprits.

En ce qui concerne la propriété, l’école sociologique souligne avec raison son caractère social. La notion même de valeur est un fait social ; on considère cette dernière comme un produit de la collectivité, variant dans sa constitution et dans son fonctionnement selon les sociétés. On ne nie pas l’influence des circonstances économiques, mais on tient pour trop étroite une explication qui ne se fonderait que sur elles et qui négligerait le rôle d’autres faits sociaux, comme les croyances, les mœurs, les lois, la contrainte sociale. Et l’on construit la courbe évolutive de la propriété en fonction de l’évolution propre et autonome de l’être collectif. La propriété fut d’abord collective parce qu’à l’origine le groupe seul existait, les individus ne s’étant pas encore élevés à une personnalité différenciée. La différenciation des propriétés s’est opérée en même temps que s’opérait la division du travail social et que l’unité amorphe du clan primitif se distribuait en petits groupes plus ou moins étendus ; l’avènement de la personnalité individuelle, par un progrès de la conscience dont l’évolution même de l’être collectif peut rendre raison, dut coïncider avec l’avènement de la propriété individuelle. « C’est le développement de l’individualisme et de l’égalité civile, l’affaiblissement de l’ancienne structure familiale, les progrès d’une classe bourgeoise portée au pouvoir en raison de son rôle économique, et enfin la suppression du système féodal qui ont amené la constitution de la propriété individuelle et libre. Là où est affirmée la valeur de la personne humaine, est également reconnu son droit à disposer librement des choses qui constituent son patrimoine, et, comme le travail est de plus en plus considéré comme le facteur essentiel de la personnalité, c’est également par le travail qu’on tend à justifier le plus souvent cette extension de la personnalité sur les choses, de même qu’en plaçant dans la liberté l’essence de la personnalité, on est conduit à respecter la propriété comme la suprême garantie de la liberté. Mais il faut bien se pénétrer de cette idée qu’il n’y a aucun lien logique entre le travail ou la liberté et la propriété. Ce sont là des représentations collectives, dont il est possible d’expliquer la genèse et qui restent fonction de tout notre système de valeurs morales. » René Hubert, Manuel élémentaire de sociologie, Paris, p. 407.

Ces formules sont remarquables à tous égards. Elles nous aiguillent, à la suite d’une métaphysique inconsciente, vers une représentation moniste de l’univers. La source primordiale, la cause première de toutes les valeurs, est le groupe au sens le plus large, l’être social. l’être collectif. Rien n’existe ni ne vaut que s’il participe aux valeurs collectives. L’individu n’existe pas, comme être conscient, comme personne, tant que le

groupe m— l’a pas engendré a la vie autonome, libre,

du moi personnel. A mesure que s’opère cette différenciation, prend valeur aussi, par participation, tout ce qui se rattache aux groupements mineurs, puis aux individus, en qui s’incarne progressivement la valent collective. Synthèse puissante et ingénieuse à coup sur. où se trahit une exigence intellectuelle très respectable ; mais synthèse hypothétique, fondée sur cedeus ex machina qu’est le social, réalité transcendante, existant par soi. valable par soi, matrice féconde de tout l’ordre humain, qu’il s’agisse d’économie, de religion, de mœurs individuelles ou familiales, aussi bien que île politique et d’esthétique. La loi évolutive du « social progresse, sur le plan idéal, avec la même implacable nécessité que la loi dialectique du fait matériel selon Alarx. Est-ce que, plus heureuse que cette dernière, l’évolution du social a laissé dans l’histoire quelques traces perceptibles, dans lesquelles l’hypothèse sociologique trouverait une opportune confirmation ? C’est ce que Durkheim et ses successeurs ont cru pouvoir établir en accumulant des volumes précieux d’observations ethnographiques, d’où il résulterait que l’évolution de la propriété reproduit effectivement la courbe voulue par leur système. Ces tentatives offrent trop d’importance pour que nous les négligions, lin effet, socialistes et sociologues se rencontraient et s’épaulaient ici, dans la critique d’une conception traditionnelle, où la propriété faisait figure d’institution immuable, « évidemment nécessaire », fondée sur la nature même de l’homme. Il faut écarter cette objection préalable que, sous prétexte de science objective, on oppose à la doctrine chrétienne de la propriété. Le terrain une fois déblayé, il ne nous restera qu’à critiquer philosophiquement cette doctrine et à l’exposer sous une forme aussi cohérente et démonstrative que possible.

Vf. Observation des faits en matière de propriété. — Indépendamment des services qu’elle est appelée à nous rendre dans la critique de l’évolutionnisme socialiste ou sociologisant, la description objective de quelques faits de propriété vaut par elle-même, à titre d’enseignement positif. Elle est de nature à enrichir notre notion de la propriété, en lui donnant plus de souplesse et de relativité analogiques. Seule une telle notion, ainsi affinée et plus strictement détinie, pourra satisfaire aux exigences d’une critique rationnelle.

Les éléments de la présente description sont pour une bonne part empruntés aux travaux des évolutionnistes eux-mêmes, qui eurent le mérite d’accumuler de précieuses observations ethnographiques ; pour le reste, on utilise l’histoire, notamment l’histoire économique et sociale. Quant au cadre, nous acceptons celui qui nous paraît le plus commode et en même temps le moins sujet à caution : d’abord les observations d’ordre ethnologique, groupées selon la méthode viennoise des cycles ou cercles culturels ; puis l’analyse sommaire de quelques civilisations, historiquement accessibles, que leur influence sur la culture occidentale rend particulièrement dignes de nous retenir.

Données ethnologiques.

1. La propriété ehe : les

peuples de civilisation plus ancienne ou primiline. — On groupe sous l’étiquette assez conventionnelle de primitives » trois et peut-être quatre civilisations humaines, les plus simples qu’il nous soit permis d’atteindre : 1e système culturel central (Pygmées, Pygmoïdes, habitant les régions centrales du globe, les îles du Su 1 et du Sud-Est asiatiques et l’Afrique centrale — » ; le système austral (Tasmaniens, Australiens du Sud-Est. Fuégiens, habitant la partie méridionale du globe) : le système septentrional (primitifs du Nord-Est asiatique, du Nord-Est américain, de la Californie, que l’on trouve plus au Nord). Il faut vraisemblablement