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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/421

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    1. PROPRIÉTÉ##


PROPRIÉTÉ. DONNÉES HISTORIQ1 KS

Dans les campagnes, ce fui sur la base économique du domaine agricole ou de la villa que s’établit le socialisme d’État. Le grand propriétaire rural lui chargé d’un bon nombre de Fonctions publiques, fiscales notamment, considéré comme débiteur solidaire de l’impôt foncier et de la capitation personnelle à l’égard < ! < ions les contribuables (cultivateurs, com merçants, artisans) établis sur le domaine. Le proprié taire se trouva naturellement revêtu d’une certaine autorité de tait, qui finit par s’imposera l’Étal lui même. Pour assurer les rentrées d’impôts, on « lui al lâcher à la glèbe les tenanciers toujours disposés a déguerpir : < familles sen il es fixées sur la tenure par la

volonté du maître et inscrites au cens parmi les iuslru ments d’exploitation, affranchis retenus par Vobse quium envers le patron et l’obligation aux opéras, lin bares concédés par l’administration aux possessores dans l’intérêt de la culture et assujettis à ceux-ci dans celui de l’ordre social, familles libres établies sur leurs tenures par convention ou acceptation tacite des règlements domaniaux, mais peu disposées à s’arracher à une vie sûre pour des fortunes douteuses. » Declareuil, Rome et l’organisation du droit, p. 356. Le lien de l’homme à la terre, à partir du iv siècle, gagne définitivement toutes les provinces. Ces éléments, fondus ensuite dans le colonal passèrent sous l’autorité immédiate du grand propriétaire, qui obtenait ou qui prenait sur eux certains pouvoirs d’ordre disciplinaire, réglementaire et même juridictionnel. Pour passer du socialisme d’État au régime seigneurial, il suffira qu’à celle autorité régulière se mêlent des pratiques illégales : le grand propriétaire, le potens, capable de fronder les représentants d’un pouvoir lointain el affaibli, de résister aux exigences fiscales toujours accrues, de repousser même les incursions de l’armée, exercera sur ses gens et sur les petits propriétaires qui accepteront sa protection, d’abord en fait, puis en droit. une autorité souveraine.

3. La propriété dans la civilisation occidentale.

La Caule, comme les autres provinces de l’empire, connut le régime de la propriété romaine. Les invasions des barbares, au v° siècle, ne laissèrent pas de porter quelques atteintes à ce régime, mais elles ne semblent pas l’avoir bouleversé de fond en comble. C’est que la pression exercée par les barbares sur les frontières de l’empire n’était pas un l’ait nouveau. Avec une ténacité et une ingéniosité remarquables, les empereurs avaient réussi à contenir le flot des envahisseurs ; mais depuis longtemps des infiltrations s’étaient produites. Beaucoup de barbares étaient admis et s’installaient dans les campagnes, qu’ils cultivaient à titre de colons ou d’esclaves ; parfois, ils recevaient aux frontières, en qualité de lètes, des concessions de terres, aveccharge de les défendre. D’autres contractaient un engagement militaire, entraient comme auxiliaires dans les armées romaines, et c’était une des charges imposées aux propriétaires provinciaux que d’accueillir ces hôtes et de les héberger ; leur temps fini, les lètes demeuraient souvent sur place et se confondaient avec le menu peuple des colons.

Cependant, au début du Ve siècle, il ne s’agissait plus d’infiltrations ; l’on avait affaire à une invasion massive, non pas violente d’ordinaire, mais irrésistible. Les nouveaux venus furent d’abord, selon l’usage, traités en hôtes, à la charge des propriétaires ; bientôt, on fut contraint, par la force des choses et pour permettre aux barbares de vivre en travaillant, de procéder à un partage des terres aux dépens du fisc et des grands propriétaires fonciers. La loi des Iiurgondes nous apprend ipie l’on accordait à l’hospes barbare un tiers des esclaves (considérés comme matériel d’exploitation indispensable) et deux tiers des terres arables. Selon la loi wisigothique, la part du barbare (sortes barbariese)

comprenait les deux tiers des terres ci îles bois ; te dernier tiers, la tertio Romani, restait a l’habitant. Li barbares ne se nullement de ruiner l’empire ;

désireux de s j incorporer, ils reconnaissaient l’autorité des empereurs, concouraient souvent a leur élec t ion. comptaient les années par les consuls, obéissaient aux agents de Rome et notamment aux magistri mili tuin. Ils abandonnèrent Rome peu a peu, au fur et a mesure « pie Rome même s’abandonnait et versait dans l’anarchie ; c’en était fail a la fin du v siècle.

Du reste, en matière de propriété, les Germains avaient dès lors dépassé le stade, noté par César, du communisme agraire et même celui que décrivait I acite, un siècle après la conquête romaine de la Gaule. Com. d<— bello gallico, t. IV, c. i ; I. VI, c. xxii ; Germania, c. xvi, xxvr. Les lois barbares connaissaient au Ve siècle les clôtures des champs ; elles admetlaient l’aliénation entre vils des terres, mais seulement avec l’agrément de la famille ; elles ignoraient encore le testament ; elles excluaient les femmes de la succès sion aux immeubles : tous ces traits donnent à penser que les envahisseurs pratiquaient un régime de communauté de village, complété par une propriété familiale. En bref, les invasions ont modifié la répartition des propriétés foncières ; elles ont provoqué beaucoup de brigandages et de meurtres aux dépens des particuliers, mais elles n’ont pas bouleversé la structure de la société ni surtout offusqué la notion même de propriété. Par la suite, grâce au contact avec la civilisalion romaine, les barbares s’achemineront rapidement vers un régime de propriété individuelle, tempéré par certaines institutions que les origines germaniques expliquent aisément et qui s’inscriront dans la tradition d ? l’ancien droit français (distinction des propres et des acquêts, réserve coutumière des quatre quints, reirait lignager, etc.).

Jusqu’à une époque toute récente, la physionomie du régime occidental est désormais tracée en matière de propriété. Le principe de la propriété privée et individuelle est acquis ; sanctionné par les règles civiles et canoniques, il s’imposera aux consciences jusqu’à tenir en échec, parfois, l’intérêt d’une monarchie patrimoniale ou l’avidité besogneuse des souverains. Le roi Très Chrétien, en plein absolutisme, n’osera pas violer cette loi fondamentale de droit naturel, proclamée par Loyseau, par Bodin aussi bien que par Beaumanoir, et universellement reconnue en chrétienté.

Après la Renaissance, les philosophes, les légistes et les hommes d’État ne s’accorderont pas longtemps sur le fondement naturel ou rationnel de la propriété. En fait, cependant, quelles que soient les théories, nous devons constater que le prestige de la propriété individuelle n’a guère été ébranlé. La phraséologie révolutionnaire, la chose vaut d’être relevée, s’est montrée extrêmement conservatrice sur ce point : sous l’Empire, les années, en imposant à l’Europe le Code Napoléon, prêchèrent le culte de la liberté en même temps que celui de la propriété.

Mus il s en faut (pue la propruU prit ; et indiM duelle règne en maîtresse unique et souveraine. Cela d’ailleurs ne s’est jamais vu. Kn fait, cette propriété est régulièrement grevée de charges au profit de la collectivité familiale, professionnelle, religieuse ou politique ; bien plus, a côté d’elle, subsiste toujours une zone plus ou moins étendue de propriété publique et de propriété collective. L’Italie elle-même, berceau de la propriété quiritaire. a toujours connu cette complexité de régime. M. Valent i. cité par M. de Laveleve. estime que les Communanze datent d’avant l’époque romaine. >< Quand les progrès de la culture de l’olivier et de la vigne favorisèrent les progrès de la propriété privée. toute la région montagneuse resta néanmoins propriété communale. Lors de la dissolution de l’empire romain