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la mort des conoertatioru de M ilines où s’affrontaient les thèses anglo-catholiques et les thèses romaines. L’incident est d’importance : il a contraint les anglocatholiques les plus intelligents, les plus zélés, les mieux au courant île la pensée théologique, à définir les positions extrêmes qu’ils pourraient occuper. Nous n’avons pas à raconter ce long épisode, déclenché par lord Halifax depuis 1889, mauvemïnté jusqu’en 1895, arrêté en 1896 par la bulle Aposlolicee corsa, remis en mouvement en 1921 par lord Halifax et son ami l’abbc Portai, avec la sympathie de lord Davidson, archevêque de Cantorbéry, et celle du cardinal Mercier. Mais voici à quelles différentes expressions s’arrêta la pensée religieuse des anglicans : en décembre 1921 par l’organe d’A. Robinson, doyen du chapitre de Wells, et du docteur Frère, qui devint quelques mois plus tard évêque de Truro, on convint que les trente-neuf articles pourraient être rendus susceptibles d’une interprétation catholique, que l’on admettait le caractère sacrificiel de la misse et la confession, que l’on ne répugnait pas à la réordination, mais que l’on n’acceptait pas l’œcuménicité des conciles de Trente et du Vatican. Quant au Vatican, on convenait de la primauté du pape, la plus haute autorité, infaillible en ce qui concerne l’enseignement de l’Église, mais on limitait sa juridiction sur le clergé anglais, l’archevêque de Cantorbéry devant être regardé comme une sorte de patriarche. On demandait encore l’usage de la langue vulgaire dans la liturgie, la communion sous les deux espèces et le mariage du clergé. En 1923, lord Halifax lança une brochure retentissante, Furlher considérations on bzhalf of reunion, afin de gagner ses coreligionnaires à la notion de la primauté de Pierre, de droit divin. El novembre 1923, les conférences prirent une allure décidés de controverse religieuse, chargée d’examiner à fond les raisons de la dissidence anglicane. Les anglicans avaient délégué l’évêque Gore et le docteur Kidd, d’Oxford, qui se rencontrèrent avec Mgr Batiffol et l’abbé H. Hemmer. Le point vif de la controverse apparut avec le problème de la primauté de Pierre. Los anglicans admirent que l’Écriture et la tradition sont en faveur de cette primauté, mais ils la définirent une primauté d’honneur et de responsabilité, non de juridiction, à la grande rigueur un « pouvoir de direction spirituelle », a spiritual leadership. D’ailleurs, en 1924 et 1925, des voix anglicanes exprimèrent le regret de toutes ces concessions aux catholiques. L’année 1925 se passa à discuter des mémoires pour et contre la papauté et, en janvier 1926, la mort du cardinal Mercier arrêta les conversations.

Comme l’écrivit l’évêque de Darham, Henson (sympathisant aux madernistes) : « L’Église d’Angleterre est malvenue de négocier avec d’autres Églises, tant qu’elle n’aura pas précisé sa propre doctrine et fixé loyalemant quel idéal de christianisme elle entend préconiser. » La remarque était hargneuse, mais vraie. On a pu voir, par l’exposé des querelles intestines qui dévorent aujourd’hui ce qui fut l’anglicanisme, que l’on ne sait quel credo est celui de l’Angleterre, ni quelle Église est aujourd’hui l’Église d’Angleterre.

La poussée moderniste.


Ce qui aggrave chaque jour cette situation, c’est l’infiltration de la pensée moderniste non seulement parmi les broad clergymen, mais jusque parmi les anglo-catholiques.

On a pu voir, en 1932 et 1933, avec quelle rapidité cette infiltration se continuait. C’était à l’occasion de la réunion des anglicans avec toutes les sectes non conformistes dans l’Inde méridionale. Quand parvint à Londres la décision prise en mars 1932 de réaliser l’intercommunion, quelques anglo-catholiques, assez peu romanisants mais éloignés des thèses modernistes, protestèrent contre cette démarche ; mais l’évêque Headlam, de Glocester, leur répondit dans la presse,

les accusant d’étroitesse de vues et d’être de mauvais théologiens ! L’évêque d’Oxford, le doyen d’Exetcr et le professeur Watson, d’Oxford, prirent parti pour le docteur Headlam et engagèrent la polémique. Il se trouva vingt évoques d’Angleterre pour signer avec le fameux liâmes, évêque de Birmingham, un manifeste favorable à la tentative des ministres de l’Inde. Un nombre important de chefs de public schools, de doyens de chapitre, d’archidiacres, d’ecclésiastiques et même de laïques influents s’exprimèrent de même, allant jusqu’à écrire que le sacerdoce n’est pas d’institution divine.

En 1931, à l’occasion d’une conférence traitant de la doctrine eucharistique, on avait pu constater que l’accord était impossible sur l’acceptation de formules précises. Les modernistes refusèrent de rien abandonner de leurs thèses destructrices de la foi.

A la suite de Harnes, évêque de Birmingham, de Headlam, évêque de Glocester, de Henson, évêque de Durham, et du docteur Inge, doyen de Saint-Paul de Londres, les anglo-catholiques ont laissé s’orienter vers le modernisme quelques-uns de leurs meilleurs sujets : N.-P. Williams, D. D. de Christ Church, le Bév. Goudge, professeur de théologie au même collège, le Bév. Wilfred L. Knox, supérieur de l’Oratoire, le Bév. Milncr White, fellow de King’s collège. Lui-même, l’évêque CharlesGore, si vénéré parmi les anglocatholiques, ne manquait aucune occasion d’opposer aux thèses catholiques des affirmations, dont l’origine devait être recherchée chez les écrivains de l’école moderniste. L’un de ses discours les plus écoutés sur la primauté du pape, qu’il prononça à la chapelle de Grosvenor, n’était qu’un tissu de propositions prétendues historiques, pleines de la pensée d’Auguste Sabatier. Cette attitude explique qu’il ait pu écrire, en 1920, son livre intitulé Roman catholic daims, où il note et excite l’aversion à l’égard de Borne du groupe anglo-catholique.

C’est pourquoi la principale difficulté qu’aiment à soulever les historiens anglo-catholiques d’aujourd’hui est l’infaillibilité pontificale. Harnack lui-même est plus près des thèses catholiques qu’un historien comme Puller ou un théologien comme Charles Gore ! C’est sur cette question de l’Église et de la papauté que se jouent, à l’heure actuelle, les divergences entre catholiques et anglicans de toutes nuances, et principalement modernistes. Pour ne citer que les derniers traités parus, nous rappellerons Wakeman, Introduction to the liislory of the Church of England, 1927 ; Spencer Jones, Calholic reunion, 1930 (très antipapal) ; Bév. G.-F. Pollard, Ecclesia anglicana, 1930 ; Langford. lames, The bridge Church, 1930 (défense passionnée de l’indépendance del’Église d’Angleterre), et The Church undthe Church of England, 1930 ; Bishop Headlam, The Church of England, 1924 ; F.-W. Puller, The primitive saints and the see of Rome, 1893 ; nouv. éd., 1914 : William-Ernest Bect, The rise of the papacꝟ. 1910 ; G. Edmunson, The Church in Rome in the firsl cenlury, 1913 ; C.-F. Bogers, Rome and the earlij Church, 1925. Si l’anglicanisme désorienté de l’heure présente divisé contre lui-même, de moins en moins attaché à sa doctrine traditionnelle qu’il laisse s’effriter ou qu’il abandonne aux attaques des non-conformistes et des modernistes, se laisse envahir par le flot moderniste, il ira, par une voie rapide et fatale, à l’agnosticisme et à la libre pensée. Ce que le luthéranisme et le calvinisme sont devenus, sur le continent, sous l’incessante action des théologiens libéraux et modernistes, et contre quoi l’on commence, un peu partout, à réagir, l’anglicanisme le deviendra à son tour : un chaos de systèmes philosophico-religieux, d’où la foi s’évanouira et où régnera la pensée anarchique d’esprits étrangers à la vie du Christ.