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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/503

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991 PROVIDENCE. THÉOLOGIE, LES DONNÉES SCRIPTURAIRES 992

voir, et il n’est personne qui puisse faire obstacle à votre volonté si vous ave/, résolu de sauver Israël.

C’est vous qui ave/, lait le ciel et la II ire et toutes les

merveilles <|ui sont sous le ciel. Nous des le seigneur

<le le, u les choses, et nul ne peut VOUS résister, a vous, le

Seigneur ! … Dieu d’Abraham, ayez pitié de votre peuple, parce que nos ennemis veulent nous perdre…

Exaucez ma prière ! … Changez noire deuil en joie, afin que, conservant la vie, nous célébrions votre nom ! »

La prière de la reine l’.slher, ibiit., XIV, 12-19, en ces mêmes circonstances n’est pas moins émouvante et elle affirme mieux encore l’infaillibilité de la provi dence à l’égard même des actes libres des hommes, car elle demande que le cœur du roi Assuérus soit changé, et elle l’obtient : « Je n’ai d’autre secours que vous, Seigneur. Vous connaissez toutes choses, et vous savez que je liais la splendeur des méchants… ; délivrez nous de leurs mains et tirez-moi de mon angoissi … » Et, de fait, comme il est dit un peu plus loin, xv, 1 1 : « Dieu changea la colère du roi Assuérus en douceur » ; celui-ci ne tarda pas ensuite à se rendre compte de la perlidie d’Aman et il l’envoya au supplice, en donnant aux Juifs pour se défendre contre leurs ennemis l’appui du pouvoir. Voir aussi dans Daniel, xiii, 42, la prière de Suzanne et comment elle fut exaucée.

On voit par là que la providence divine s’étend infailliblement, non seulement jusqu’aux événements extérieurs les plus particuliers, mais jusqu’aux secrets des cœurs et aux actes libres les plus intimes, puisque, à la prière des justes, elle change les dispositions intérieures de la volonté des rois. Socrate et Platon ne se sont jamais élevés à des vues si hautes et à des certitudes si fermes sur le gouvernement divin.

Il y a dans l’Ancien Testament bien des textes semblables sur lesquels ont souvent insisté saint Augustin et saint Thomas. On lit dans le livre des Proverbes, xxi, 1 : « Le cœur du roi est comme un cours d’eau dans la main de Jahvé, il l’incline partout où il veut. Toutes les voies de l’homme sont droites à ses propres yeux, mais celui qui pèse les cœurs, c’est Jahvé. » Le livre de l’Ecclésiastique, xxxiii, 13, dit aussi : « Comme l’argile est dans la main du potier et qu’il en dispose selon son bon plaisir, ainsi les hommes sont dans la main de celui qui les a faits, et il leur donne selon son jugement. » De même encore, Isaïe, xiv, 24, dans ses prophéties contre les nations païennes : « Jahvé, Dieu des années, a juré en disant : Oui, le dessein qui est arrêté s’accomplira et ce que j’ai décidé se réalisera. Je briserai Assur dans ma terre… et son joug sera ôté de dessus mon peuple. » C’est là, ajoute le prophète, « la main qui est étendue contre les nations. Car Jahvé, Dieu des armées, a décidé, et qui l’empêcherait ? Sa main est étendue, et qui la détournerait ? » Toujours sont aTirmées la liberté de l’élection divine, l’universalité et l’infaillibilité de la providence descendant aux moindres détails et aux actes libres des hommes.

De plus, dans les textes d’Isaïe que nous venons de citer et dans beaucoup d’autres, il est nettement affirmé que Dieu de toute éternité veut certaines fins, comme le salut d’Israël, et qu’il décide éternellement d’employer certains moyens qui seront infailliblement réalisés dans le temps pour obtenir la fin préalablement voulue. Ainsi, le prudent ou le prévoyant veulent d’abord la fin. puis déterminent les moyens et les emploient, de telle sorte que la fin, qui est voulue d’abord, n’est obtenue qu’en dernier lieu : le maçon ne construit un mur que s’il s’est d’abord proposé de le construire, et, pour aller à tel endroit, il faut d’abord avoir voulu y aller. C’est cette vue de sens commun que des philosophes comme Aristote expriment eu disant : « La fin, qui est première dans l’ordre d’intention, est dernière dans l’ordre d’exécution. » Sans cette vue de sens

commun plus ou moins explicitement exprimée, on ne saurait concevoir la prudence ci la prévoyance humainès, ni la providence divine. Cette remarque sur la distinction de l’ordre d’intention et de celui d’exécution est d’une importance souveraine lorsqu’il s’agit de la fin de l’univers corporel et spirituel. Et il est de toute évidence que cette distinction, sans laquelle on nail concevoir ni la prudence, ni la providence, est bien antérieure a saint Thomas ; elle se trouve déjà explicitement dans l’Écriture, sans y être évidemment formulée de la manière technique qui est courante chez h-s théologiens, (/est ici que l’on voit que les vérités les plus hautes sont des vérités élémentaires scrutées, approfondies par la méditation et devenues objet de contemplation.

3° A quelle fin la providence universelle et infaillible u-t-elle ordonne toutes choses, selon l’Ancien Testament ?

— Les Psaumes, sans nous donner encore toute la lumière qui nous viendra de l’Évangile, disent souvent que Dieu ordonne toutes choses au bien, à la manifestation de sa bonté, de sa miséricorde et de sa justice ; qu’il n’est nullement cause du péché, mais qu’il le permet pour un plus grand bien, assez souvent caché. La providence apparaît ainsi comme une vertu divine toujours unie à la justice et à la miséricorde, comme, dans l’homme vertueux, la vraie prudence ne peut jamais être contraire aux vertus morales de justice, de force, de modération, mais est connexe avec elles. La connexion des vertus ne peut exister en sa perfection souveraine qu’en Dieu.

Très souvent, dans les Psaumes, reviennent des paroles comme celles-ci : « Tous les sentiers de Jahvé sont miséricorde et vérité. » Ps., xxiv, 10. « Toutes ses œuvres s’accomplissent dans la fidélité. Il aime la justice et la droiture ; la terre est remplie de sa bonté. » Ibid., xxxii, 6. « Conduis-moi dans ta vérité et instruis-moi, car tu es le Dieu de mon salut, tu es tout le jour mon espérance. Souviens-toi, Seigneur, de ta miséricorde et de ta bonté, car elles sont éternelles. Ne te souviens pas des péchés de ma jeunesse ni de mes transgressions. Souviens-toi de moi selon ta miséricorde, à cause de ta bonté. » Ps., xxiv, 4. « Jahvé est mon pasteur ; je ne manquerai de rien… Il restaure mon âme, il me conduit dans les droits sentiers, à cause de son nom. Même quand je marche dans une vallée d’ombre de mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi. Ta houlette et ton bâton me rassurent… Ps., xxii, 1-5. « En toi. Seigneur, j’ai placé mon refuge et mon espoir ; que jamais je ne sois confondu ! ….Mes destinées sont dans ta main : délivre-moi de la puissance de mes ennemis ! Fais luire ta face sur ton serviteur, sauve-moi par ta grâce… Qu’elle est grande ta bonté pour ceux qui te craignent et qui espèrent en toi ; tu les mets à couvert, dans l’asile de ta face, contre les machinations des hommes et contre les langues qui les attaquent. » Ps., xxx, 1, 16, 20.

Si la providence est ainsi absolument universelle, s’étendant aux moindres détails, si elle est en même temps infaillible et ordonne toutes choses au bien, elle doit être très manifeste pour ceux qui veulent voir. D’où vient donc que ses voies sont souvent impénétrables pour les justes eux-mêmes ? L’Ancien Testament touche plusieurs fois ce grand problème.

4° La providence est ù la fois pour nous très manifeste et, en certaines de ses voies, absolument insondable. — Considérée en général, la providence, selon la Bible, est évidente, soit par l’ordre du monde, soit par l’histoire du peuple élu, soit par ce qui constitue l’ensemble de la vie des justes ou de celle des impies.

L’ordre du monde, disent les Psaumes, proclame l’existence d’une intelligence ordonnatrice : « Les deux racontent la gloire de Dieu, et le firmament annonce l’œuvredeses mains. 1 1’s., xviii, 2. « C’est lui qui couvre