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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/518

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1021 PROVIDENCE. THÉOLOGIE, LA FIN DU GOUVERNEMENT DIVIN 1022

in Epist. ad Rom. viii, 28, où sont cités les principaux textes de saint Augustin sur ce sujet.

D’après ces trois principes, nous sommes certains d’avance que c’est au bien que la divine Providence ordonne infailliblement toutes choses, et nous sommes plus sûrs de la rectitude de ses desseins que de la droiture de nos meilleures intentions. Nous n’avons donc, en nous abandonnant à Dieu, rien à craindre que de ne pas lui être assez soumis (crainte qui empêche l’espérance de tourner à la présomption).

Mais ces derniers mots, nous obligent à formuler, contre le quiétisme, un quatrième principe non moins certain que les précédents : « Cet abandon ne nous dispense pas évidemment de faire ce qui est en notre pouvoir pour accomplir la volonté de Dieu signifiée par les préceptes, les conseils, les événements. » Mais, quand nous avons loyalement voulu accomplir au jour le jour la volonté de Dieu signifiée (voluntas signi), nous pouvons et nous devons nous abandonner pour le reste à la volonté divine de bon plaisir, si mystérieuse qu’elle soit (voluntus beneplaciti). Ce quatrième principe est équivalemment formulé par le concile de Trente, sess. vi, c. xiii, lorsqu’il dit que tous nous devons très fermement espérer dans le secours de Dieu et nous confier en lui, en veillant à l’accomplissement de ses préceptes.

On trouve ainsi l’équilibre de la vie intérieure au-dessus des deux erreurs notées plus haut. Par la fidélité au devoir de minute en minute, on évite la fausse et paresseuse quiétude des quiétistes, et par l’abandon confiant on échappe à l’inquiétude et à l’agitation. En ce sens, il est dit, Ps., liv, 23 : Jacta super Dominum curam tuum, et ipse te enutriel. « Repose-toi sur le Seigneur, et lui-même te nourrira », et dans la Ière épître de saint Pierre, v. 6 : « Déchargez-vous sur Dieu de toutes vos sollicitudes, car lui-même prend soin de vous. »

2. Comment et en quel esprit devons-nous le faire ? — Non pas, comme l’ont dit les quiétistes, dans un esprit qui diminue l’espérance du salut, sous prétexte de haute perfection, mais dans un grand esprit de foi, de confiance et d’amour. La volonté de Dieu signifiée par ses commandements est que nous devons espérer en lui et travailler avec confiance à notre salut, quels que soient les obstacles : cette volonté signifiée est le domaine de l’obéissance et non pas celui de l’abandon. Celui-ci regarde la volonté de bon plaisir, non encore signifiée, dont dépend notre avenir encore incertain. Faire, sous prétexte de perfection, le sacrifice de notre salut, serait chose contraire au désir naturel et légitime du bonheur et aussi à la vertu surnaturelle d’espérance, qui, loin de disparaître chez les saints, devient au milieu des plus grandes épreuves l’espérance héroïque « contre toute espérance humaine », selon le mot de saint Paul. Enfin, un pareil sacrifice de notre béatitude éternelle serait contraire à la charité elle-même, qui nous fait aimer Dieu pour lui-même et nous fait désirer le posséder pour le glorifier éternellement.

Voir sur l’abandon : saint François de Sales, L’amour de Dieu, l. viii, c. iii à vii ; l. ix, c. i à vi ; c. xv ; Entretiens, ii et xv ; Bossuet, États d’oraison. l. vii, 9, et Discours sur l’acte d’abandon à Dieu ; Alexandre Piny, O. P., Le plus parfait (1683) ; P. de Caussade, S. J., L’abandon à la Providence ; Dom Vital Lehodey, Le saint abandon, Paris, 1919 ; Rég. Garrigou-Lagrange, O. P. La Providence et la confiance en Dieu, Paris. 1932.

XI. La fin du gouvernement divin. Pour terminer cet article, il convient de rappeler quelle est la fin du gouvernement divin, qui veille à l’exécution du plan providentiel. Cette fin est la manifestation de bonté divine, qui donne et conserve aux justes la vie éternelle. C’est ce que montre saint Augustin dans l’ouvrage qu’il écrivit sur la Providence : La cité de Dieu, sa constitution progressive ici-bas ce son plein développement dans l’éternelle béatitude. Voir ci-dessus, col. 979 sq.

Dans l’Ancien Testament, la fin dernière du gouvernement divin n’était exprimée que d’une façon encore imparfaite, souvent symbolique. La Terre promise, par exemple, était la figure du ciel ; le culte tout entier et les prophéties annonçaient la venue du rédempteur promis, et cette annonce contenait confusément celle de la vie éternelle, qui devait nous venir par le Sauveur. De plus, on s’explique que l’Ancien Testament ne donne pas beaucoup de lumière sur l’éternelle béatitude, car, avant la passion et la mort du Christ, les âmes des justes devaient attendre dans les limbes que le Sauveur leur ouvrit les portes du ciel.

Cependant, de temps à autre, les prophètes avaient des paroles très hautes, fort expressives, sur la grandeur de la récompense que Dieu réserve aux justes dans l’autre vie, paroles qui précisaient ce qui avait été dit avant eux : Gen., v, 24 ; xvii 8 ; xxv, 8 17 ; xxvi, 24 ; xxxv, 29 ; xlvii, 9 ; xlix, 18, 29-33 ; Num., xx, 24 ; xxvii, 13 ; Deut., xxx, 30, Le Psalmiste avait dit : « Pour moi, dans mon innocence, je verrai ta Face, Seigneur ; à mon réveil, je me rassasierai de ton image, satiabor cum apparuerit gloria tua, » Ps., xvi, 15. Job avait parlé de même, xiv, 13-25 ; xix, 25-27.

Isaïe, parlant de la nouvelle Jérusalem, disait : « Jahvé sera pour toi une lumière éternelle, et ton Dieu sera la gloire, ton soleil ne se couchera plus, car Jahvé sera pour toi une lumière éternelle et les jours de ton deuil seront achevés. » Is, lx, 19.

Daniel écrivait, c. xii, 13 : « Ceux qui auront eu l’intelligence des choses de Dieu (et auront été fidèles à sa loi) brilleront comme la splendeur du firmament ; ils seront comme des étoiles éternellement et toujours. » Il ne s’agit pas ici des justes futurs qui viendront plus tard sur la terre, il s’agit de ceux qui existent déjà et de ceux qui sont morts : la récompense qui leur est promise est éternelle.

Plus clairement, il est écrit au l. II des Machabées, vi, 9, qu’un de ces martyres dit à ses bourreaux en expirant : « Scélérat que tu es, tu nous ôtes la vie présente, mais le Roi de l’univers nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour être fidèles à ses lois. »

C’est aussi de la béatitude éternelle que parlait le livre de la Sagesses iii, 1, en disant : « Au jour de leur récompense, les justes brilleront semblables à une flamme qui court à travers les roseaux. Ils jugeront les nations et domineront sur les peuples : le Seigneur régnera sur eux à jamais. Car la grâce et la miséricorde sont pour ses saints, et il prend soin de ses élus. »

Les justes vivent éternellement, leur récompense est auprès du Seigneur, et le Tout-Puissant à soin d’eux. » Ibid., v, 1 sq.

Dans le Nouveau Testament, la fin du gouvernement divin ne saurait être plus clairement énoncée et de façon plus accessible à tous. Tandis que tout ce qui précédait le Christ annonçait sa venue, lui-même désormais annonce le royaume de Dieu à tous les peuples et conduit les âmes à la vie éternelle.

Très souvent, cette expression revient dans les sermons du Sauveur conservés dans les trois premiers évangiles. « Les justes iront à la vie éternelle. » Matth., xxv. 46 ; Marc., x, 30 ; Luc., xx, 36. « Le Fils de l’homme leur dira : « Venez, les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde. » Matth. xxv, 34. « Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu… Réjouissez-vous et sovez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux. » Matth., v, 8-12.

Dans l’évangile et les autres écrits johanniques il est constamment question de la fin du gouvernement