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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/545

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PRUDENCE (AURELIUS CLEMENS


q. l, a. 3 ; la prudence militaire— chez ceux qui ont à veiller à la sauvegarde de la nation en Jugeant et en décidant de la guerre, ibid., a. I ; la prudence diplomatique chez les ministres d’État. On pourrait, sans

aucun doute, continuer l’énumération. Quand, dans certaines fonctions éminentes, le discernement de la bonne action est particulièrement difficile, parce qu’il demande une expérience de vie et même un savoir technique qui n’est pas l’apanage commun, il y a lieu de distinguer une prudence qui, dans son ordre et dans son cadre d’objet, doit s’ériger comme une vertu distincte. Le même individu peut cumuler plusieurs de ces vertueuses prudences, obligé qu’il est d’être à la fois un homme moral, un chef, un père de famille etc. Dès qu’il doit dépasser la zone de la moralité individuelle, le vertueux discernement doit entrer dans des spécialisations qui ont besoin, chacune, d’une information, d’une compétence et d’une dextérité de jugement qui ne s’improvisent pas à la légère et ne sont pas interchangeables.

C’est d’après saint Thomas que nous avons étudié la vertu de prudence. Voici, dans l’œuvre du Docteur angélique, les références qui ont trait à cette vertu : Dans son Commentaire des livres des Sentences, saint Thomas traite incidemment de la prudence, III Sent., dist. XXXIII, q. H, a. 2, 3, 4 et 5 ; q. iii, a. 1 ; dist. XXXIV, q. i, a. 2 ; dist. XXXV, q. ii, a. 4. — Le Commentaire de saint Thomas sur le VIe livre des Éthiques d’Aristote doit être étudié de près par celui qui veut se rendre compte de l’influence prépondérante du Stagirite dans la formation de la théorie thomiste de la prudence. — Saint Thomas consacre, dans la Somme théologique, un traité ex professo à la prudence, IIa-II æ, q. xlvii-i.vi. Mais la prudence est vertu de l’acte humain ; par conséquent tout ce qui, dans la Ia-II*, étudie l’acte humain, la vertu et les vertus, doit être connu. Voir spécialement l’analyse des actes d’intelligence et des actes de volonté dont l’interaction constitue la trame psychologique de la prudence, q. x-xvii ; la théorie générale de l’habitude et de la vertu, q. xliv-lvi ; les vertus de l’intelligence, q. lvii ; la différence entre les vertus intellectuelles et les vertus morales, q. lviii ; les vertus morales, q. lix, lx, lxi ; les causes de la vertu, q. i.xiii ; la connexion des vertus morales entre elles sous la commune direction de la prudence, q. lxv. — Dans les Questions disputées, saint Thomas ne consacre pas de traité spécial à la vertu de prudence, mais ses traités De la vérité, q. xvi, xvii, Des vertus en général, q. i, et Des vertus cardinales, q. i, renferment « des indications précieuses sur la syndérèse, la conscience, les vertus intellectuelles et morales, leurs causes, leurs rapports et leur connexion.

Dans cet article, nous avons étudié la vertu de prudence telle que l’expose saint Thomas, sans relater ce qu’en ont dit les théologiens antérieurs. Sur cette histoire doctrinale, on devra lire l’article de dom O. Lottin : Les débuts du traité de la prudence au Moyen Age, dans Rech. de théol. anc. et médiév., Louvain, 1932, p. 293-307. Le premier théologien qui se soit préoccupé de scruter quelque peu le concept de la prudence est Guillaume d’Auxerre (vers 1220). Le chancelier Philippe écrit le premier traité systématique sur la matière. En dépendance de ce dernier auteur, saint Albert le Grand étudie la prudence dans sa Summa de bono (inédite). Un peu plus tard, il reprend la question, sur un plan nouveau, dans son Cours sur la morale à Nicnmaque recueilli et rédigé par son jeune élève Thomas d’Aquin. Celui-ci achèvera puissamment ce que son maître avait ébauché.

Parmi les ouvrages modernes relatifs à la vertu de prudence citons :

Th. Pègues, O. P., Commentaire français littéral de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin, t. ix, Paris, 1910 ; II. —D. Noble, O. P., I.a prudence, Somme théologique de saint Thomas, texte lat. et trad. franc., notes et append. Paris, 1925 ; Le discernement de la conscience, coll. La vie morale d’après saint Thomas d’Aquin, 4e sér., Paris, 193 1 ; A.-D. Sertillanges, O. P., La philosophie morale de saint Thomas d’Aquin (le c. vu de cet ouvrage est consacré à la vertu de prudence, p. 219-232), Paris, 1906 ; E. Gilson, Saint Thomas d’Aquin, coll. Les moralistes chrétiens (dans cet exposé par textes et commentaires de la morale de saint Thomas, il est question de la prudence au c. ndela IIe part., p. 266-280), Paris, 1925 ; M.-A. Janvier, O. P., La prudence

chrétienne, carême de 1917 a Notre-Dame-de-Paris, Paris, 1917 ; A. Gardeil, o. 1’., L< gouvernement personnel et surnaturel de soi-même, dans Ken. thomiste, 1918, p. 57-73, 111, 1 13, 203-216 ; le même, Le gouvernement personnel et surnaturel de soi-même par la vertu de religion, ibid., 1919104-121. 211-22°., 312-355 ; P.. Bernard, O. P., La vertu, Somme théologique de saint Thomas, texte latin et trad. franc, (il est parlé de la vertu de prudence au t. i, append.il, p. 438-445), l’aris, 1933 ; P. Merkelbach, O. P., Quelle place assigner au traité de la conscience ? (en cet article de la liev. thomiste, avril 1923, p. 170-183, l’auteur montre que l’on doit rattacher, en théologie morale, le traité de la conscience au traité de la prudence).

De très nombreuses études de psychologie normale et pathologique, parues en ces dernières années, peuvent utilement servir a l’étude des prédispositions natives ou acquises, favorables ou défavorables au discernement de la prudence. A titre d’exemples citons : P. Malapert, Les éléments du caractère, Paris, 1897, I rc part., c. IV, Les modes de l’intelligence ; docteur Deschamps, Les maladies de l’esprit et les asthénies, Paris, 1919, I" part., i re sect., c. i. Les opérations intellectuelles, p. 41-107 ; c. ii, art. 2, Les jugements pratiques et la réaction-volonté, p. 200-224 ; A. Delmas et M. Boll, La ixrsonnalilé humaine, son analyse, Il’part., Les éléments de la personnalité, p. 52-238, Paris, 1922 ; G. Dumas, Traité de psychologie, t. ii, t. II, c. ni, La psychologie des caractères, par G. Poyer, p. 575-707, Paris, 1924.

H. D. Noble.

I. PRUDENCE, poète chrétien de la fin du ive siècle. — I. Vie. — Aureliun Prudencius Clemens naquit en 348, probablement à Saragosse, d’une famille distinguée et, semble-t-il, chrétienne. Ses études furent celles de tous les jeunes gens de ce temps-là ; elles le préparèrent à l’exercice des fonctions publiques, dans lesquelles il s’éleva rapidement. Lui-même, dans la préface de ses poésies, s’explique ainsi sur les charges qu’il occupa : « Deux fois j’ai gouverné de nobles cités sous l’autorité des lois, rendant la justice aux bons, terrifiant les coupables. Enfin, la bonté du prince m’honora d’un grade élevé dans la milice et me plaça au premier rang auprès de sa personne. » On conclut de ces paroles que Prudence fut peut être gouverneur de province et cornes primi ordinis, par la faveur de Théodose.

Vers l’âge de 50 ans, il se mit à réfléchir sur la destinée humaine, renonça aux honneurs et employa son talent à exposer ou à défendre en vers la doctrine chrétienne. En 405, il publia une édition complète de ses œuvres, précédée d’une préface où il en explique la genèse et en indique le contenu : « Que les hymnes s’enchaînent au jour le jour et que nulle nuit ne s’écoule sans louer le Seigneur ; que ma voix combatte les hérésies, défende la foi catholique, foule aux pieds les sacrifices des païens, prépare, ô Rome ! la chute de tes idoles, dévoue ses vers aux martyrs et loue les apôtres ! » Après avoir ainsi fait connaître ses œuvres au public, Prudence disparaît de l’histoire. Nous ne savons rien sur la date de sa mort.

II. Œuvres. — Les œuvres de Prudence sont généralement classées en poésies lyriques et en poésies didactiques. On peut se tenir à cette division.

Cathéme’rinon.

C’est un recueil de douze

hymnes pour les différentes heures du jour : i, pour le chant du coq : ii, pour le matin ; m-iv, avant et après le repas ; v, pour l’heure où l’on allume les lampes ; vi, avant le sommeil : pour les différentes circonstances de lu vie : vii-vm, sur le jeûne et son efficacité bienfaisante ; ix. action de grâces envers le Christ : x, sur la résurrection ; pour les fêtes chrétiennes de Noël (xi) et de l’Epiphanie (xii). Ces hymnes sont fort longues, variant de quatre-vingts vers (vim à deux cent huit (xii) ; elles sont aussi de facture assez compliquée ; aussi la liturgie n’en a-t-elle retenu que quelques fragments : Aies diei mmlius à laudes du mardi (i) ; Nox et lenebrœet nubila à laudes du mercredi (n) ; Lux ecce surgit aurea, à laudes du jeudi (n) ;