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ajoute ses réflexions, destinées à Inculquer la légitimité (le la croyance et « les pratiques : C’est la une pensée saillie et pieuse. »

A Comment expliquer l’éoolution de la pensée juive en celle mulière ? — On constate que.Judas Machabéc, qui prend l’initiative de la collecte et du sacrifice, est un homme très attaché à la religion et aux traditions de ses pères ; que ses compagnons ne sont nullement surpris de sa proposition, qu’ils y répondent généreusement et que vraisemblablement à Jérusalem la demande n’étonna pas. On peut donc se demander comment cette croyance et cette pratique apparaissent tout d’un coup dans le texte sacré, sans que rien semble les préparer dans les ouvrages antérieurs. La question doit se poser, même en ne considérant les livres des Machabées que sous leur aspect historique.

Il tant observer tout d’abord qu’entre Ksdras et Judas Machabéc, il s’est écoulé, une période d’environ trois siècles, durant laquelle un silence à peu près complet enveloppe l’histoire des Juifs. Au cours de ces longues années, bien des points de doctrine se sont éclaircis, qui auparavant étaient demeurés dans une ombre plus ou moins proronde. Telle, par exemple, la doctrine de la vie future si fortement exposée dans le livre de la Sagesse, u-v. Il a dû en être de m.’-me pour la doctrine du purgatoire et de la prière pour les morts. Peu à peu, à l’heure mirquée par la Providence, elle s’est dégagée pour se manifester au grand jour quand l’occasion en devint propice. On voit bien, d’après le texte des Machabées, que cette doctrine est entrée d tns la croyance des Juifs pieux, m lis qu’elle a encore besoin d’être altirm.’e. Elle devait, en effet, se heurter à une vive opposition des sectaires sadducéens qui ne croyaient pas à la vie future, et même rencontrer quelques hésitations chez ceux qui n’aimaient pas les innovations et prétend lient s’en tenir à la Loi et aux prophètes. H. Lesètre, art. Purgatoire, dans Dict. de la Bible, t. v, col. 878.

C’est le cas de se demander si l’influence de religions étrangères n’aurait pas favorisé l’éclosion de cette doctrine chez les Juifs.

L’auteur que nous venons de citer examine les croyances analogues à notre croyance au purgatoire que l’on peut rencontrer dans les anciennes religions.

1. Les Égyptiens avaient l’idée nette d’un jugement subi après la mort. L’âme n’arrivait à ses juges divins qu’après avoir parcouru des régions semées de difficultés. C’était seulement après ces épreuves subies par elle que l’âme était admise au séjour bienheureux pour y continuer ses occupations de la terre, ou mieux qu’elle revenait dans les lieux habités pour s’y intéresser aux choses qui lui plaisaient. Ces épreuves ne sauraient, en général, être considérées comme l’équivalent de peines purificatrices. Toutefois, il faut reconnaître qu’au inoins à un certain temps les Égyptiens admirent une sorte de purification par le feu, pour les péchés légers, après laquelle le défunt était admis parmi les bienheureux. Cette doctrine est explicitement enseignée dans quelques exemplaires du Livre des morts, conservés au musée du Louvre. Une scène représente le pèsement de l’âme et elle « est suivie de la vignette du bassin de feu gardé par quatre cynocéphales ; c’étaient les génies chargés d’effacer la souillure des iniquités qui auraient pu échapper à l’âme juste et de compléter sa purification ». Em. de Rougé, Desm’ption sommaire des salles du musée égyptien, nouvelle édition par P. Pierret, Paris, 1873, p. 102. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. i, 1895, p. 182 sq. En tout cas, le bonheur des justes n’était jamais donné immédiatement après la mort : « Avant d’y arriver, le juste doit passer par une longue série d’épreuves, triompher de nombreux ennemis qui lui barrent la route, traverser un labyrinthe de salles obscures gardées par des monstres horribles. Tout cela est décrit dans le Livre des morts. » A. Mallon, S. J., art. Egypte, dans Dict. apol., t. i, col. 1335.

2. Les Babyloniens avaient une croyance développée à la vie d’outre-tombe. La coutume d’apporter des offrandes au corps des défunts, afin que l’âme eût de quoi subsister sans venir tourmenter les vivants, est une preuve de la croyance à la survie. Le poème de La descente d’ISlar, d’ailleurs, décrit longuement l’arulou, montagne septentrionale sous laquelle séjournent les âmes des morts. L’état des âmes est différent selon que ces âmes ont fait preuve ou non de piété envers les dieux et envers la déesse des enfers, Allât. Les impies sont livrés par Allât à des supplices épouvantables ; les autres mènent une vie morne et sans joie. Personne n’est libéré de ce séjour que par exception, sur l’ordre des dieux d’en haut. On peut établir un parallèle entre la doctrine chaldéenne et la doctrine juive sur les destinées futures de l’homme. On constatera qu’ici comme là les morts descendent dans un endroit souterrain (l’aralou = le schcôl), qui inspire de l’horreur..Mais le parallélisme ne va pas plus loin : sur la condition des âmes dans l’au-delà, on manque de détails précis. Ce n’est donc pas du côté de la Chaldée qu’il faut chercher une influence doctrinale en faveur de la croyance au purgatoire. Cf. Maspero, op. cit., t. i, p. 681 sq. ; Lagrangc, Eludes sur les religions sémitiques, 2e éd.. Paris, 1905, p. 337 sq. ; P. Dhorme, Le séjour des morts chez les Babyloniens et les Hébreux, dans Rev. biblique, 1907, p. 59 sq.

3. Les Perses, au contraire, professaient des doctrines assez apparentées à la croyance de Judas Machabée. Au ixe siècle avant Jésus-Christ, la théologie des Perses croit à la survivance de l’âme. Après être demeurée trois jours auprès du corps, l’âme, suivant la valeur morale de ses actions, passe à travers des contrées agréables ou horribles pour aller subir son jugement. Au sortir du jugement, l’âme arrive au pont Schinvât, qui, passant au-dessus de l’enfer, mène au paradis. Condamnée, elle culbute dans l’abîme ; innocente, elle parvient au bonheur. Cf. Maspero, op. cit., t. iii, p. 589-590. Pour certaines âmes, cependant, il y a un état intermédiaire, le Hâmestakân. Toutefois, l’Avesta postérieur ignore l’état intermédiaire. C’est l’enfer qui purifie tous les coupables, de telle sorte qu’à la fin tous doivent être sauvés et participer à la résurrection. « Ainsi, jugement particulier, jugement général, paradis, enfer et purgatoire, résurrection des corps, toute cette eschatologie est assez semblable à celle du christianisme, hormis le pardon de tous, qui n’était pas étranger à la théologie d’Origène. » Lagrangc, art. Iran (Religion de V), dans Dict. apol., t. ii, col. 1120 ; cf. La religion des Perses, dans Rev. biblique, 1904. p. 188. On pourrait donc être tenté d’attribuer à l’influence des idées perses l’introduction en Israël de la croyance au purgatoire et à l’utilité des prières pour les défunts. Mais les doctrines de l’Avesta sont trop indécises et surtout trop différentes des idées exprimées dans le IIe livre des Machabées pour qu’on puisse retenir une influence directe et efficace. D’ailleurs, le judaïsme d’après l’exil était plutôt fermé aux influences étrangères ; aussi, malgré les rapprochements qu’établissent les partisans de la méthode comparative, il semble qu’on doive réduire l’influence perse à peu de chose. « Ce qu’on peut croire plus légitimement, c’est qu’au contact de la religion iranienne la doctrine juive s’est développée en vertu de sa force interne et dans le sens voulu par Dieu. L’obscurité qui enveloppe toute une période de l’histoire juive ne permet pas de suivre avec plus de précision le travail religieux accompli durant ce temps. » H. Lesêtre, art. Purgatoire, dans Dict. de la Bible, t. v, col. 877. Voir ici même, sur des sujets analogues, Judaïsme et Jugement, t. viii, col. 1659 sq., 1746. Le P. Lagrange rejette expressément l’influence iranienne. Cf. Le judaïsme avant Jésus-Christ, Paris, 1931, p. 362.