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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/655

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charité ne peut être accrue en elles puisqu’elles sont hors d'état de mériter. Et il continue :

On doit déduire de ces principes que les âmes du purgatoire sont en étiit d’offrir à Dieu non une véritable salisfaction, mais une simple salispaasion. La chose est manifeste si l’on explique ces termes en fonction de la doctrine précédemment exposée sur la satisfaction. Du péché pardonné demeure encore, avant tout et essentiellement, une dette de peine a l'égard du feu et de la souffrance au purgatoire. Or, cette peine, les âmes peuvent l’endurer et, puisqu’elle est temporaire, ces âmes, par une durée sullisante de souffrances, peuvent offrir une satispassion répondant a la qualité ou à la quantité de leur dette : il leur suffit simplement d'être en état de grâce. Toutefois, aux justes encore sur terre, il a été concédé de pouvoir mériter en quelque façon la rémission de leur peine par l’acceptation volontaire de peines de la vie présente moralement équivalentes et conformes à la loi divine et à une juste institution : c’est là, à proprement parler, la satisfaction. Les âmes du purgatoire, disons-nous, ne peuvent offrir de telles satisfactions, car, si la vie présente est le seul temps où l’homme puisse mériter, c’est aussi le seul état pour s itisfaire par des peines et des souffrances volontaires… Avant que soit portée la dernière sentence [du jugement 1, c’est le temps delà miséricorde ; la sentence une fois portée, c’est le temps de la justice rigoureuse et de l’exécution de la peine infligée parla sentence… Si la peine du purgatoire est accompagnée dans l'âme d’une volonté soumise à la volonté divine, elle n’est cependant pas volontairement recherchée, et une telle volonté de l'âme souffrante n’apporte pas à la justice divine de quoi compenser la dette : cette compensation n’est acquise que par l’expiation accomplie selon la loi et la mesure portées par Dieu… Ibitl., n. 7.

Et Suarez de conclure, n. 8, que pas même d’un mérite de convenance, les âmes du purgatoire ne peuvent, par elles-mêmes, mériter une diminution de leur peine.

Cette théorie de la satispassion, avec les considérants qui l’accompagnent, est enseignée par tous les théologiens qui expliquent par là comment une satisfaction volontaire de l'état de voie est bien plus efficace qu’une satispassion imposée au purgatoire à l'âme encore endettée envers la justice divine. Voir ci-dessus, col. 1240.

b) La question d’une diminution progressive des peines du purgatoire est plus obscure. Quelques théologiens seulement l’ont envisagée. On se reportera à

MlTIGATION DES PEINES DE LA VIE FUTURE, t. X,

col. 2007-2009.

Le seul point qui, à notre connaissance, n’ait pas été abordé par les théologiens posttridentins est de montrer comment cette diminution progressive, possible eu égard aussi bien aux peines considérées en elles-mêmes qu’aux suffrages des vivants, peut entrer dans le cadre de la durée qui mesure l’existence des âmes du purgatoire. Cette durée n’est plus le temps, mais l’sevum ou éviternité. Or, l'éviternité, mesure des esprits séparés, est définie par saint Thomas : « la durée d’un être immuable substantiellement, mais accidentellement soumis à des changements ». Immutabilité substantielle qui peut cependant, il faut le remarquer, concerner non seulement la substance de l’esprit, mais ses opérations mêmes. Cette éviternité est la durée des esprits purs et des âmes séparées, car leur vie propre est faite d’immutabilité substantielle et de successions accidentelles. Sans changement possible dans leur être, esprits et âmes séparées voient leur existence mesurée par le perpétuel présent de l'éviternité. C’est aussi ce perpétuel présent qui est la durée de la connaissance et de Vamour naturels qu’ils ont d’eux-mêmes et par eux-mêmes de Dieu, auteur de leur perfection. C’est également l'éviternité qui mesure l’acte par lequel ils adhèrent à leur fin dernière et, dans le cas des âmes du purgatoire, cette fixité de leur volonté dans le bien et dans l’amour de Dieu. Dans ces âmes, destinées au ciel mais souffrant encore au purga toire, l’expiation purificatrice sera un « instant » accidentellement joint au présent perpétuel inclus dans ['acte d’adhésion définitive que ces saintes âmes oui faite a leur fin dernière surnaturelle. En tant que privation de Dieu, l' « instani du purgatoire ne comporte pas, ne saurait comporter de succession. Cette privation est ; elle dure ce que dure la peine essentielle du purgatoire, avec laquelle d’ailleurs elle s’identifie. Quelle succession imaginer en une durée qui n’apporte a l'être de l'âme et ne comporte en ellemême aucun changement ? Aussi semble-t-il exact d’affirmer que la durée de la privation de Dieu doit être conçue au purgatoire comme une mesure ne comportant pis de succession. Mais de là à conclure que la diminution progressive de souffrances, même des souffrances résultant de la peine de la dilation de la gloire, soit impossible, il y a un abîme. Car de la privation de Dieu résultent dans l'âme divers sentiments qui se succèdent réellement, apportant leur contingent de regrets, de repentirs, de douleurs et d’actes de soumission à la volonté divine, mais auxquels également, en raison de l’acquittement de la dette et des prières des vivants, s’adjoint, de plus en plus vivement, l’espérance du bonheur futur. Quant au tourment positif de la peine du sens, même et surtout s’il s’agit du tourment causé par le feu, la souffrance endurée sera continue et sans arrêt. Nouvelle nécessité d’admettre, jointe à l’immobilité substantielle où se trouve fixée l'âme souffrante, une véritable succession de souffrances, succession mesurée par une durée qui sans doute n’est pas notre temps, mais lui ressemble. Cf. saint Thomas, I a, q. lui, a. 3 et ad l nm. /II. l'état DBS AMES. — Cet aspect du problème théologique du purgatoire a été traité par les théologiens posttridentins avec un soin particulier, en raison même des attaques de Luther contre l’enseignement traditionnel.

Les éclaircissements apportés peuvent se grouper autour de deux points : les âmes du purgatoire sont fixées dans la grâce ; elles sont certaines de leur salut.

Fixées dans la grâce.

Le point de départ

théologique de cette assertion certaine est la condamnation de la proposition 39 de Luther. Pour Luther, les âmes du purgatoire pécheraient perpétuellement parce qu’elles n’acceptent pas leurs peines dont elles ont horreur. Voir col. 1266.

La théologie posttridentine, réfutant l’assertion luthérienne, procède par affirmations nuancées qui projettent un jour intéressant sur l'état des âmes séparées.

1. Tout d’abord elles sont, dit Suarez, dès l’instant de la séparation d’avec le corps, confirmées dans la grâce qu’elles possédaient auparavant. C’est le principe fondamental qui doit diriger tout raisonnement sur l'état de terme. La voie du mérite et du démérite est close pour l’homme par la mort. Et donc, dans l'état même où l'âme est trouvée par la mort, elle persiste d’une manière immuable soit par l’obstination dans le mal si elle est trouvée en état de péché, soit par la confirmation dans le bien si elle est en état de grâce. D’où les âmes tiennent-elles leur confirmation dans le bien ? Suarez y voit uniquement une protection de la grâce divine, rendue nécessaire par l'état même de ces âmes. qui. étant destinées au ciel, ne peuvent ni pécher mortellement — ce qui les éloignerait à tout jamais de leur fin dernière — ni pécher véniellement. ce qui les retarderait sans fin de leur bonheur. Op. cit.. disp. XLV1I. sect. i, n. 6-7. Il semble qu’on doive ajouter à cette raison extérieure à l'âme une raison tirée de sa psychologie intime : le choix définitif fait de la fin dernière par le libre arbitre, dégagé enfin des conditions d’exercice de l'état d’union avec le corps. Aussitôt, en effet, que l'âme est détachée du corps,