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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/687

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qui se sait élu, parce qu’il lii sa propre élection dans sa fidélité à la parole ei à la volonté de Dieu ». Les deux choses qui fonl le puritain se dédoublent finalement en quatre éléments : le biblicisme intégral ei intransigeant ; le Fatalisme prédestinatien ; le dogme de la Justification par la toi seule ei enfin le maintien rigoureux des exigences de la loi divine, considéré par Calvin comme le seul signe certain de la prédestination.

C’est à cause de ce dernier point que le puritanisme est une apparition strictement calviniste et, si on l’a rencontré chez les épiscopaliens et les indépendants, c’est parce que ces deux brandies du protestantisme avaient subi l’influence profonde de la dogmatique calviniste.

II. Historique abrégé.

Au sens large, le puritanisme se trouve partout où le calvinisme s’est propagé. Au sens strict, il est limité aux pays anglo-saxons, comme le presbytérianisme.

Sous Elisabeth.

Le nom de puritain apparaît

pour la première fois en 1561. Il désigne alors les membres de l’Église anglicane qui trouvent qu’il reste trop d’éléments catholiques dans la liturgie du Praycr-Book. On les désigne aussi sous le nom de dissenlers, ou de récusants. Ces puritains appartiennent à l’Église officielle. Ils sont épiscopaliens. Mais on les accuse dès lors d’afficher des opinions analogues à celles des presbytériens qu’inspire, en ce temps-là, un Cartwright, ou des congrégationalistes que groupe un Robert Brownc. Les principaux puritains se nomment Humphrey, Sampson, Jewel, Grindal, Horn, Cox. Ils ont été formés en Suisse, sous le règne de Marie Tudor, qui les avait tenus en exil. C’est toujours vers Genève ou Zurich qu’ils regardent dans leurs doutes ou leurs scrupules. Leur principal oracle n’est pas tant Calvin, qui meurt du reste en 1564, que Bullinger, qui a succédé à Zwingli en 1531 et vit jusqu’en 1575. Les cas de conscience qui les agitent nous semblent passablement enfantins. Et pourtant ils en sont tourmentés au delà de toute mesure : peut-on regarder comme indifférentes des cérémonies qui ont été liées aux superstitions papistes, telles que le port du surplis, l’usage du signe de la croix dans le rite baptismal, de l’anneau dans la bénédiction du mariage, l’inclination de la tête au nom de Jésus ? Le gouvernement civil a-t-il le droit d’imposer ces choses et d’ordonner aux ecclésiastiques de s’y conformer ? Pendant les vingt premières années du règne d’Elisabeth, de vives controverses se déroulèrent sur ces questions. Ce fut la vesliarian controversg, ce que nous traduirions par la « querelle des ornements ». L’université de Cambridge est alprs la grande forteresse des opposants. Elisabeth s’impatientait de plus en plus des résistances lorsque Grindal, successeur de Parker sur le siège de Cantorbéry osa prendre la défense des « puritains », chez lesquels se manifestaient des tendances séparatistes. La reine voulut en vain le contraindre à se rétracter. Il aurait été acculé à la démission, si la mort n’avait devancé la colère de la souveraine (6 juill. 1583). Elisabeth le remplaça par Whitgift (1583-1604), qui employa toute son énergie à la destruction du puritanisme. En décembre 1583 fut créée par ses soins la Haute Commission ecclésiastique, tout-puissant instrument du conformisme, ("était une cour suprême de justice royale en matière de religion. Elle était investie de tous les pouvoirs de la couronne. Par elle, l’archevêque-primat de Cantorbéry exerçait surtout le royaume un pouvoir supérieur à celui des papes les plus absolus. Le tribunal de l’Inquisition n’eut jamais, même en Espagne, une autorité supérieure à celle de la Haute Commission. La persécution des dissidents fut menée sans pitié. Les uns s’exilèrent en Hollande, en attendant de

passeï <-n Amérique qulgrim (athers). D’autres se soumirent, d’autres lurent châtiés avec sévérité. Des centaines de pasteurs furent privés de leurs bénéfii l.a persécution eut pour résultat de leur gagner les sympathies de cette gentry qui était d’autant plus attachée a la Réforme qu’elle s’était enrichie des dépouilles de l’Église. Le puritanisme se trouva ri vers le presbytérianisme, qui, dit un historien anglais, « d’une clique purement cléricale devint un parti populaire. De la querelle dite vestimentaire », au COUTS de la lutte, le conflit se porta sur la constitution de l’Église et sur l’origine du droit des évêques. C’est à la suite des discussions qui s’ensuivirent sur ce point que Bancroft osa, en 158<>, énoncer, du haut de la chaire de Saint-Paul-Cross, la thèse, nouvelle chez les anglicans, que l’épiscopat est d’origine divine et régit l’Église jure divino. Il devait en être récompensé par la succession de Whitgift (1604-1611).

Sous Jacques I er.

A la mort d’Elisabeth (1603),

les puritains respirèrent. Jacques I", le nouveau roi, passait pour presbytérien. On espérait le trouver favorable aux prétentions du puritanisme. L’illusion fut courte. Il reçut sans doute la « pétition des mille. millenary pétition, mais dès la conférence de Hampton-Court, en janvier 1604, les idées du souverain, qui justement se piquait de théologie, furent connues : elles se ramenaient à deux : le droit divin des rois et le droit divin des évêques. No bishop, no king ! aimait-il à dire : « Pas d’évêque, pas de roi ! »

Et c’est alors que se fit la redoutable conjonction entre les puritains politiques et les puritains théologiques. Les premiers étaient surtout choqués du premier principe énoncé par le roi : en face du droit divin des rois, ils dressaient le droit primordial de la nation. Les seconds se scandalisaient surtout du deuxième principe formulé par le théologien couronné et, au droit divin des évêques, ils opposaient celui de la communauté des fidèles armés de la Bible. Et, de même qu’en France, au siècle précédent, la conjonction des « huguenots de religion » et des « huguenots d’État » — le mot est de l’époque — avait amené les guerres de religion, de même, en Angleterre, la conjonction des puritains de la théologie avec ceux de la politique provoqua la guerre civile.

Nous n’avons pas à raconter ici cette guerre, la lutte entre Charles I effet le Parlement, le triomphe de ce dernier, avec l’aide des presbytériens écossais d’une part et des indépendants si nombreux dans l’armée, d’autre part, la scission des puritains après le triomphe, l’arrivée au pouvoir de Cromwell, au grand dépit des presbytériens, et enfin, après sa mort, l’effondrement du puritanisme sous la poussée royaliste et la restauration du système anglican, favorisé parla réaction irrésistible contre la tyrannie puritaine.

Signalons seulement les conséquences les plus importantes du puritanisme : dans le domaine politique. il a amené le triomphe du parlementarisme. Ses excès eux-mêmes n’ont pas détourné la nation de la liberté. Tandis que les excès de la fronde conduisaient la Fiance à l’absolutisme, l’Angleterre s’orientait vers ce régime représentatif, qui préparait de loin l’avènement des démocraties modernes, qui ne sont autre chose que l’autocratie des légistes bourgeois sous le couvert du principe de la souveraineté du peuple.

Dans le domaine religieux, le puritanisme a maintenu en Angleterre la haine du papisme, qui caractérise encore le low Church ; il a provoqué l’éclosion du déisme et de la libre pensée, comme le jansénisme, en France, a suscité le « philosophisme » et comme le piétisme, en Allemagne, a favorisé le développement de l’Aufklàrtmg (rationalisme).

Dans le domaine littéraire, il a imprégné la langue anglaise de tours et de formules bibliques.