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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/255

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1923
1924
RÉDEMPTION. DONNÉES DU PAGANISME


les « tabous ». Voir R. Hertz, Le péché et l’expiation dans les sociétés primitives, notes posthumes publiées par H. Mauss, dans Revue de l’histoire des religions, t. lxxxvi, 1922, p. 1-60.

Ceux-là néanmoins qui semblent aux ethnologues le plus près de l'état primitif conçoivent l'Être suprême comme « l’auteur de la loi morale », parmi les exigences de laquelle, avec l’observation des cérémonies proprement religieuses, figurent « la soumission aux anciens, le respect de la vie humaine, la défense de verser le sang sans juste motif, la prohibition de l’adultère, de la fornication, des vices contre nature, des relations sexuelles avant le mariage, l’honnêteté, l’assistance aux indigents ». W. Schmidt, trad. Lemonnyer, op. cit., p. 337. De cet ordre par lui posé Dieu devient logiquement le gardien et le vengeur, jusque par des sanctions dans l’au-delà. Ibid., p. 338340. Prémisses qui entraînent forcément, au milieu de bien des superstitions, cf. A. Le Roy, La religion des primili/s, Paris, 1911, p. 215-240, la possibilité d’une saine appréciation du bien et du mal.

A plus forte raison n’est-il pas contestable qu’une idée saine de la loi morale ne fût, en somme, inculquée aux Égyptiens par la célèbre confession négative contenue dans le « Livre des morts ». Une vive impression du péché s’afïirme dans plusieurs hymnes védiques, cf. Chantepie de La Saussaye, op. cit., p. 344 et K. Staab, op. cit., p. 8-9, ainsi que dans les psaumes babyloniens de pénitence. Voir M.-J. Lagrange, Éludes sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 224-225. Il est notoire que les « mystères » grecs et asiatiques répondaient à un besoin de purification que les cultes officiels ne satisfaisaient pas.

b) Remèdes <m péché. — Aussitôt que la conscience du péché, pour imparfaite qu’elle soit, pénètre dans une âme d’homme, un mouvement naturel porte celle-ci au repentir et à la prière en vue d’en obtenir le pardon. Expression vécue de ces sentiments, les formules religieuses dont l’histoire enregistre le témoignage ne pouvaient aussi que les provoquer.

Non moins significatif, à cet égard, et certainement plus universel que les paroles était le langage des rites. Or les cérémonies d’ablution ou de lustration, dont le taurobole était la plus expressive, se rencontrent partout.

En particulier, parmi les multiples fins du sacrifice, entrait souvent de la manière la plus explicite la purification du péché. Ainsi en fut-il chez les Sémites, voir Lagrange, op. cit., p. 237, 256-258, 261-263 ; cf. P. Dhorme, La religion assyro-babylonienne, Paris, 1910, p. 274-275, ainsi que chez les Grecs et les Romains, Chantepie de la Saussaye, op. cit., p. 498, 606 et 608609. W. Schmidt, trad. Lemonnyer, op. cit., p. 344, constate le même fait chez les Semang de Malacca.

3. Idée précise de victime expiatoire.

Par-dessus tous ces moyens individuels se rencontre aussi l’idée plus ou moins nette qu’une victime humaine puisse faire bénéficier les autres de son immolation.

Dans l’antiquité classique, au moment des grandes épreuves nationales, Origène atteste. Cont, Cels., i, 31, P. ('., t. xi, col. 717-720, que l’oblation spontanée d’un chef à la mort passait pour être le suprême sacrifice qui détournait la colère des dieux. Les annales de la vieille Rome ont immortalisé le souvenir de l’héroïque dévouement des trois Décius. Voir A. BouchéLeclcrcq, art. Devotio, dans Daremberg et Saglio, Dict. des antiquités, I. ii, p. 117-119. Même contrainte, la mort prenait parfois la même valeur. Là sans doute est la principale raison des sacrifices humains, que le paganisme a si souvent pratiqués. Un des plus réguliers et des plus connus - dont quelques répliques se retrouvent, du reste, ailleurs — est le « saut de Lcucade », OÙ un condamné était jeté à la mer, en la fête

annuelle d’Apollon, afin de conjurer le péril éventuel des vengeances divines. Coutume barbare où J. Toutain, loc. cil., p. 1-18, veut retrouver en germe « l’idée religieuse de la rédemption ».

A cette catégorie se rattacherait le culte des dieux morts et ressuscites, dont les « mystères » faisaient revivre annuellement, sous les yeux de leurs fidèles, la tragique destinée : Osiris en Egypte, Dionysos en Grèce, Adonis à Byblos (ou à Babylone sous le nom de Tammouz), Attis en Phrygie. Voir Fr. Cumont, Les religions orientales dans le paganisme romain, Paris, 1907. Textes dans M. Brùckner, Dcr slcrbende und auferstehen.de Gottheiland, Tubingue, 1908, et J. Leopoldt, Slerbende und aujerslehende Gôller, Leipzig, 1923.

Examen critique.

Il est difficile que la simple

exposition des faits dont se réclament les écoles comparatistes n’ait pas pour effet de montrer combien ils sont loin du dogme chrétien. Une critique attentive du dossier achève de fortifier aisément cette impression.

1. Règles générales de méthode.

Chaque fois qu’il

s’agit de comparer des croyances ou des institutions religieuses pour en chercher le rapport, il faut avant, tout se rappeler quelques règles primordiales qui commandent le cas.

De toute évidence, on ne saurait entreprendre de rapprocher que des faits bien établis et des valeurs du même ordre. Il faut, par conséquent, ne pas être dupe de ces enquêtes factices où sont recueillis sans contrôle des témoignages de toutes mains, où les interprétations problématiques se mêlent aux constatations exactes, où l’on généralise à plaisir ce qui n’est vérifié que de certains temps ou de certains lieux.

Autant qu'à ces falsifications matérielles il importe de prendre garde à ces déformations plus subtiles qui consistent à fausser les données du problème en négligeant les différences qui peuvent exister entre les termes en cause pour n’en retenir que les ressemblances. En matière d’idées religieuses plus qu’ailleurs, ce n’est pas la lettre qui compte, mais l’esprit, et il est non moins clair qu’on ne peut validement songer à les mettre en parallèle qu’en les prenant su b eodem respeclu.

Une fois les prémisses dûment reconnues, il reste à n’en pas forcer les conclusions. On doit, par exemple, tenir pour un « abus critique » des plus caractérisés « la confusion si fréquente entre analogie et dépendance historique ou emprunt ». H. Pinard de La Boullaye, L'élude comparée des religions, t. i, Paris, 1922, p. 474-475. Car il est toujours possible qu’une même cause, ici un « climat » spirituel plus ou moins semblable, explique la production simultanée de ces effets.

Il ne faut pas moins exclure, avec le même auteur, ibid., p. 477, « ce présupposé aussi gratuit qu’une religion divine dans son origine ne doive présenter aucune analogie avec les religions d’origine humaine. Bien au contraire, … il est essentiel à la religion vraie de donner satisfaction à tous les besoins vraiment humains, à une religion surnaturelle de répondre à toutes les aspirations naturelles, de s’adapter, à l’heure où elle se présente, à tout ce qui est sain et de ne se présenter qu’au moment où les âmes sont disposées en quelque mesure à l’accepter. »

Ce qui semblait objection devient ainsi la marque d' « une préparation providentielle », à la fois autorisée par la raison et suggérée par l’histoire. « Incapable d’abandonner purement et simplement aucune des âmes qu’il a créées, Dieu aurait départi sa lumière aux philosophes de la gentililé, comme il le faisait avec plus d’abondance en faveur du peuple élu ; il aurait favorisé la diffusion des meilleures doctrines