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RELATIONS DIVINES ET PERSONNES DIVINES


Un premier groupe affirme la distinction adéquate ou majeure soit de l’essence par rapport à la relation, soit de la relation par rapport à l’essence. Le concept de l’essence divine n’impliquerait à aucun titre le concept de la relation et réciproquement. Cette opinion est celle de Molina, In 7 am partem Sum. S. Thomæ, q. xxviii, disp. VI, concl. 4 ; de Vasquez, id., disp.CXXI, c. n ; d’Alarcon, Prima pars theologiæ scholasticee, Lyon, 1633, tract, v, disp. II, c. xiii.

Un second groupe affirme que le concept de l’essence est impliqué dans celui de la relation divine, parce que cette relation est subsistante ; mais, à l’inverse, que le concept d’essence n’implique pas celui de relation. Sous le premier aspect, il y aurait donc distinction virtuelle mineure, sous le second distinction majeure. C’est l’opinion défendue par Suarez, De Trinitate, t. IV, c. v ; Sylvestre de Ferrare, In Sum. cont. gentes, t. IV, c. xiv et, de nos jours, après Billot, De Deo trino, thèse vii, § 1, Hervé, Manuale, t. ii, n. 192, et Piccirelli, De Deo uno et trino, n. 1041, 1046 sq.

Le troisième groupe enseigne que l’essence est du concept de la relation subsistante et que la relation divine subsistante est du concept de l’essence divine : de part et d’autre il n’y a donc que distinction mineure. C’est l’opinion enseignée par la plupart des thomistes et par un grand nombre de théologiens d’autres écoles (Franzelin, Kleutgen)et à laquelle se rallie le P. Galtier, op. cit., n. 285. « L’essence, écrit le P. Hugon, est comprise dans le concept des relations et des personnes, car cellesci sont vraiment Dieu et, partant, incluent la nature divine, comme notre personne comporte la nature humaine. D’autre part, l’essence divine contient les personnes et les relations, non pas en puissance, car rien n’est potentiel en Dieu, mais en acte, et donc il faut que les relations et les personnes entrent dans le concept plénier de l’essence divine. » Hugon, Le mystère de la très sainte Trinité, p. 339, note

Il ne semble pas qu’on doive opposer la deuxième opinion à la troisième, celle-ci envisageant le concept d’essence divine, tel que nous le fournit la révélation (concept plénier), celle-là envisageant le concept d’essence divine, abstraction faite des données révélées.

IV. Rapport des relations et des personnes divines. — 1° Existence en Dieu de quatre relations réelles (S. Thomas, Sum. theol., I a, q. xxviii, a. 4). — Ici encore, nous devons partir d’une vérité révélée, par elle-même inaccessible à la raison, le fait de l’existence, en Dieu, de trois personnes égales et distinctes entre elles, le Père, le Fils, le’Saint-Esprit. La distinction des personnes implique la distinction réelle entre les relations divines. Il ne suffit donc pas, comme conclusion théologique immédiate de l’existence en Diea des processions divines, d’admettre des relations réelles ; il faut encore confesser que ces relations sont distinctes réellement entre elles en raison de leur mutuelle opposition : In hoc solum numerum insinuant, quod ad invicem sunt. XIe concile de Tolède, Denz.-Bannw., n. 280 ; Cav., n. 578. Sancla Trinitas, secundum communem essentiam indioidua. et secundum personales proprietates discreta. IVe concile du Latran, Denz.-Bannw., n. 428 ; Cav., n. 599. (In Deo) omnia sunt unum, ubi non obviai relationis oppositio. Gonc. de Florence, Denz.Bannw., n. 703 ; Cav., n. 603.

De ce principe dogmatique, on dédait qu’il existe en Dieu quatre relations réelles : « La doctrine des processions divines nous rappelle que le Fils vient du Père, le Saint-Esprit du Père et du Fils, de telle manière que la nature est identique dans les trois. Or, partout où nous trouvons une procession d’origine, il faut conclure à la relation réelle de celui qui procède à son principe, et aussi à la relation réelle du prinipe au terme quand la nature est la même dans les deux. Il va de soi, tout d’abord, que le terme, recevant da prin cipe tout ce qu’il possède de réalité, de vie, de perfection, se réfère à lui par la plus nécessaire des relations. Le principe, en tant que tel, n’ayant rien tiré de son terme, n’a pas forcément de relation réelle avec lui ; c’est ainsi que le rapport des créatures à Diea est réel, et non point le rapport de Dieu aux créatures. Mais si le principe et le terme ont la même et unique substance, le principe est ordonné aa terme par cette nature même qui est dans les deux et, par suite, il y a relation nécessaire et réelle du principe au terme, comme du terme au principe. Voilà ce qui se vérifie dans la Trinité. Le Fils, parce qa’il tire son origine du Père, doit avoir une relation réelle avec Iui ; le Saint-Esprit, par.e qu’il tire son origine du Père et du Fils à la fois, doit avoir une relation réelle avec tous les deux. A son tour, le Père, parce qu’il a une nature identique avec le Fils, ne peut pas ne pas avoir une relation réelle avec lui ; le Père et le Fils, trouvant leur unique nature dans le Saint-Esprit, ont aussi avec lui un rapport nécessaire, qui est un lien d’amour. La relation réelle du Père au Fils est la Paternité ; la relation réelle du Fils au Père est la Filiation ; la relation réelle du Père et di' Fils produisant le Saint-Esprit comme un souffle est la Spiration active ; la relation réelle de l’Esprit soupiré au Père et au Fils qui le soupirent, est la Spiration passive : telles sont les quatre relations réelles que la tradition catholique a toujours reconnues dans la Trinité. » Hugon, Le mystère de la très sainte Trinité, p. 335-336.

S’il fallait donner une note théologique à noire assertion, il conviendrait sans doute de distinguer. Qa’il y ait en Dieu quatre relations, c’est là une vérité tliéologiquement certaine, en raison de son étroite connexion avec le dogme trinitaire : le Père engendre, le Fils est engendré ; le Père et le Fils sont conjointement le principe « spirateur » de la troisième personne, laquelle procède des deux autres. Il y a donc deux processions réelles, chacune ayant deux extrêmes ; d’où nécessairement il existe en Dieu quatre relations. — Qa’il y ait en Dieu au moins trois relations réelles, c’est là également une vérité théologiquement certaine. Il est de foi qu’il y a en Diea trois personnes. La distinction des personnes est fondée sur l’opposition des relations. Donc, il faut distinguer au moins trois relations réelles qui constituent les trois personnes réelles. Mais c’est une certitude philosophique que la quatrième relation, la « spiration active », laquelle ne forme pas une personne, est également réelle, puisque le principe spirateur et l’Esprit Saint possèdent la même nature et s’opposent réellement dans la procession de la troisième personne.

2° Les quatre relations réelles ne constituent cependant que trois personnes (S. Thomas, I a, q. xxx, a. 1, 2). — La personne se définit : « substance individuelle de nature raisonnable. » C’est la définition de Boèce. Trois choses sont de l’essence de la personnalité : la nature raisonnable, la subsistence, l’incommunicabilité. Voir pour le développement de ces idées l’art. Hypostase, t. vii, col. 425-426. Cela posé, il y aura donc en Dieu autant de personnes qu’il y aura’de relations subsistantes incommunicables. Or, les i-elations sabsistantes incommunicables sont seulement au nombre de trois : la paternité, la filiation, la spiration passive. Donc, il ne peut y avoir en Diea que trois personnes.

La mineure de ce raisonnement se démontre, d’une part, par le fait qu’en Dieu il n’y a que deux processions, l’une selon l’intelligence, l’autre, selon la volonté ; d’autre part, par l'élimination de toute relation distincte là où ne se rencontre pas l’opposition relative d’origine requise à la distin tion réelle des relations.

Tout d’abord, la procession qui est selon l’intelligence ne présuppose pas celle qai est selon la volonté ; donc, les deux relations qui appartiennent à la procès