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RELATIONS DIVINES ET PERSONNES DIVINES


sion selon l’intelligence, paternité et filiation, sont entre elles tellement opposées que ni l’une ni l’autre ne peut être conçue comme commune à l’un des termes d’une autre procession présupposée. Ce sont donc là deux relations tout à fait incommunicables et, par là même, individuelles. Il s’ensuit que la paternité subsistante est la personne même du Père, la filiation subsistante est la personne même du Fils. Quant aux deux relations de la procession d’amour, elles sont certes opposées entre elles, mais elles n’ont d’opposition ni à la paternité, ni à la filiation. Il est donc impossible qu’elles puissent constituer deux autres personnes en plus du Père et du Fils, car ces deux personnes ne pourraient s’opposer relativement au Père et au Fils, afin de s’en distinguer. II est toutefois nécessaire que l’Amour qui procède tire son origine de la procession qui est selon l’intelligence, comme l’exige le rapport naturel de l’intelligence à la volonté ; aussi la relation de spiralion active doit être commune an Père et au Fils. Mais il est impossible que la relation opposée de spiration passive puisse se trouver dans le même sujet où déjà se trouve la spiration active. Il reste donc que cette relation de spiration passive est une relation individuelle, incommunicable, constituant la personne distincte du Saint-Esprit. Ainsi, des quatre relations, une est commune à deux personnes, les trois autres sont incommunicables et, en raison de cette incommunicabilité même, personnelles.

3° La personne en Dieu est donc la relation incommunicable, considérée comme subsistante. — 1. Affirmations générales. — La personne ne saurait être prise en Dieu du côté de l’absolu ; car tout ce qui est absoUi en Dieu est commun au Père, au Fils et au Saint-Esprit. C’est donc du côté des relations incommunicables qj’il faut chercher l'élément constitutif de la personne divine. Toutefois, comme la personne implique la subsistence. il faut dire que c’est la relation incommunicable, en tant qu’elle est subsistante, qui constitue en Dieu la personne. Cf. S. Thomas, I a, q. xxix, a. 4. Le nom de personne a été choisi providentiellement, nonobstant l’imprécision du terme au moment où il fut choisi, pour revêtir cette signification souple et complexe à la fois qui permet, tout en affirmant la trinité, de maintenir l’unité de la substance. On lira à ce sujet de beaux passages de saint Augustin, De Trinitate, t. VII, c. iv-vi, P. L., t. jo.ii, col. 841 sq., dont Billot donne de larges extraits, De Deo trino, p. 4.37.

2. Précisions.

Sur ce thème général les théologiens ont fixé d’intéressantes précisions. Nous les résumons d’après le P. Galtier, op. cit., n. 302-312.

a) Dans la constitution de la personne divine, notre esprit distingue un double élément : un élément commun aux trois personnes, un élément propre à chacune d’elles. L'élément commun est la substance ; l'élément propre est la relation, qui constitue, en chaque personne, la propriété incommunicable. C’est si évident que, en regard du dogme de la Trinité, il est thêologiquement certain que les personnes, réellement distinctes entre elles, ne peuvent être constituées que par les relations. « Les trois sont un par la divinité, et cet un est trois par les propriétés. » S. Grégoire de Nazianze, Orat., xix, n. 9, P. G., t. xxxvi, col. 1 11. Ou encore : Trinilas, secundum personales proprietates, discrela. IVe conc. du I.ntran, Denz.-Bannw., n. 428 ; Cav., 599. Toutefois, cette considérât ion d’un double élément, l’un commun, l’autre propre ne peut être que dans notre intelligence : a parle rci. rien ne doit être conçu en Dieu comme faisant en lui-même composition : les personnes sont en Dieu les réalités qui se distinguent entre elles, en même temps que ce par quoi elles se distinguent.

b)Les personnes divines tic peuvent être constituées que par les relations d’origine, sans aucune participa tion d'élément absolu. C’est la doctrine qui ressort de tous les principes jusqu’ici exposés et qui ne nécessiterait aucune considération spéciale si elle n’avait jadis trouvé un contradicteur en Jean de Ripa (fl325). Ce théologien pense que la personne doit être constituée d’abord par une propriété absolue, avant de l'être par une propriété relative. Il faut être avant d’agir : le Père doit exister avant d’engendrer. Ces priorités doivent s’entendre, de toute évidence, d’une simple priorité logique. On trouvera l’opinion de Ripa rapportée et discutée par Suarez, De Trinitate, t. VII, c. v. n. 2-3 ; Vasquez, id., disp. CLVIII, c. in ; Billuart, id., dissert. IV, a. 2. Mais il faut, au contraire, tenir comme une certitude théologique que la personne divine ne comporte, comme telle, aucun élément absolu. Telle est la conclusion théologique qui se dégage : a. — des déclarations conciliaires, notamment du XIe concile de Tolède reprenant une affirmation de saint Augustin, In Joa., tract, xxxix, n. 4, P. L., t. xxxv, col. 1683 : In hoc solo numerum insinuant quod ad invicem sunt ; et in hoc numéro carent quod ad se sunt , Denz.Bannw., n. 703 ; Cav., n. 603 ; et du concile de Florence, Omniafin divinis)sunt unum, ubi non obviât relationis oppositio ; b. — de la tradition des Pères, tant latins que grecs, tous s’accordant à placer la multiplication des personnes en Dieu uniquement dans la multiplication des relations, disent les Latins après saint Augustin, des modes d'être en soi par l’origine, disent équivalemment les Grecs après Basile, Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse, Amphiloque, dont Jean Damascène résume la doctrine, voir ci-dessus, col. 21 38. Cf. Galtier, op. cit., n. 304-305 ; c. — du raisonnement théologique lui-même, car une distinction absolue en Dieu amènerait une limitation dans la perfection des personnes. Ainsi donc, c’est la relation, considérée comme telle, qui constitue la personne, bien qu’il faille ajouter qu’il est de l’essence même de la personne divine d'être subsistante, et qu’elle tient cette subsistence de la substance divine avec laquelle elle s’identifie selon son esse in.

c) Toutefois, sur ce dernier point, une légère nuance (purement verbale d’ailleurs à notre avis) sépare les meilleurs théologiens. Précisément parce que la relation n’a de subsistence qu’en raison de son identité avec la substance selon son esse iii, certains théologiens se demandent s’il ne conviendrait pas de préciser les formules précédentes de la manière que voici : les personnes divines se distinguent 'une de l’autre par la relation considérée dans son esse ad, mais sont constituées par les relations considérées dans leur esse in. Telle est l’opinion de Durand de Saint-Pourçain, In 7um Sent., dist. XIII, q. ii, n. 23 ; dist. XXIII, q. i, n. 17 ; In ///""' Sent., dist. I, q. ii, n. 1, 7 ; q. iv, n. 10. Il semble que des thomistes authentiques inclinent vers cette solution : Gonet cite Sylvestre de Ferrare, In Sum. cont. génies, t. IV, c. xxvi, et Capréolus, In /um Sent., dist. XXVI, q. i, a. 1, concl. 3 ; (ajoutez : In lll" m Sent., dist. I, q. i, concl. 4, édit. Paban, t. ii, p. 233235 ; t. v, p. 12). On peut ajouter Billot, De Deo uno, th. xi, corol., et De Yerbo incarnato, th. vii, § 5, obj. 7, et th. xi, § 2, et Van der Mecrsch, De Deo uno ellrino, § 768.

D’autres théologiens enseignent que la personne en Dieu est constituée par la relation divine consi dérée formellement selon son essead. C’est l’opinion de nombreux thomistes, notamment de Gonet, op. cit., disp. V, a. 2, § 2-5 ; de Billuart, op. cit., dissert. IV, a. I. Et cependant Hugon, qui, dans Traclatus dogmalici. t. I, p. 371-372, défend la même opinion que Billot, en appelle a l’autorité de Gonet, disp. IV, a. 2, § 2, n.26. Le P. Galtier qui s’attache à démontrer la vérité de la seconde opinion, op. cit., n. 308, cite encore en sa faveur Suarez, De Trinilate, t. VII, c. vii, et apporte de