j : u « i
- RELIQUES##
RELIQUES. L’AGE DES PERSÉCUTIONS
2320
s’en chargera, en sera peut-être molesté. Qu’il entende parler de sa sépulture, c’est évident : si simplifiée tût-elle par les bêtes, elle comporterait un tombeau dispendieux, offert par ces chrétiens, > qui ornaient déjà les monuments des justes. » Origène, Epist. ad Julium African., c. 9. Mais quand on sait le respect religieux avec lequel cette même cité de Smyrne procédera à la sépulture de son évêque. Polycarpe, cinquante ans plus tard, on ne doit pas exclure de la perspective d’Ignace l’idée d’honneurs religieux donnés à sa dépouille. C’est d’ailleurs ce qui lui était réservé, comme nous allons le voir.
2° Le Martyrium Polycarpi.
Les deux attestations
les plus anciennes concernant la notion catholique de reliques des saints et le culte à leur rendre sont le Martyrium Ignatii — qui se donne comme écrit de Home par les fidèles d’Antioche aux environs de 110 — et le Martyrium Polycarpi que constitue la lettre des chrétiens de Smyrne à ceux de Philomélium et du monde entier, écrite sur place et tout de suite après le martyre de leur évêque (donc en 156 ou 157). Ces témoignages sont, tous les deux, très nets et assez complets, et sont loin démarquer une innovai ion ou une pratique locale. Si donc deux Églises importantes, l’une capitale de la Syrie, l’autre [lambeau de l’Asie, proclament à la face des Églises du monde romain leur dévotion pour les restes dispersés de leurs pontifes, il est à conclure que c’était là une pratique remontant à l’âge subapostolique. Remarquons cependant que nous ne pouvons nous fier absolument à tous les détails du Martyrium Ignatii, même dans la version colbertine. (Voir plus haut, au mot Ignace, t. vil, col. 711.)
Voici la fin de la relation du Martyrium Ignatii : i Seules, les parties plus dures de ses restes saints avaient échappé [à la dent des bêtes] ; elles furent enlevées et emportées à Antioche et déposées dans un coffre comme un inestimable trésor ; ainsi laissées à la sainte assemblée des fidèles à cause de la grâce résidant en le martyr. » Funk, Patres aposlolici, t. ii, p. 284.
Le Martyrium Polycarpi rapporte ainsi l’épilogue du supplice : « A la vue de l’agitation des Juifs, le centurion fit placer le corps au milieu de la place, et, selon leur coutume, le fit brûler. Ainsi nous ensuite, prenant les ossements plus précieux que les gemmes de grand prix et plus épurés que l’or, nous les avons déposés en un lieu convenable. Là même, autant que possible, réunis dans l’allégresse et la joie, le Seigneur nous donnera de célébrer l’anniversaire de son martyre, en mémoire de ceux qui sont déjà sort is du combat, et pour exercer et préparer ceux qu’attend le martyre. » C. xvill, Funk, op. cit., t. i, p. 336. Nous avons ici un texte d’importance capitale pour la question présente, tant au point de vue du culte des reliques qu’à celui de la doctrine catholique sur le sujet. Cf. J.-B. Walz, Die Fûrbitte der Heiligen. lune dogmatische Studie, Fribourg-en-B., 1027. Nous possédons dans ces quelques lignes, d’une authenticité absolue, une description très suffisante de l’hommage religieux des fidèles d’une Église apostolique pour les restes sacrés de leur évêque, et en même temps une affirmai ion tranquille et mesurée de la portée de ce geste, que nous ne retrouverons plus si précise avant la fin des persécutions. Si nous avons ainsi une apparition si précoce de la théologie des saintes reliques, nous la devons en partie à la vénération exceptionnelle dont bénéficiait saint Polycarpe, niais pour une part aussi au fait que cette vénération se heurta tout de suite aux calomnies des Juifs et par la même aux raffinements de cruauté de l’exécuteur, qui fit brûler son cadavre. En recueillant, en effet, des corps décapités et en leur rendant les honneurs de la sépulture, dans des tombeaux de famille ou de corporation, les chrétiens du r r siècle on pourrait du moins le croire à un premier examen obéissaient à une
coutume ancestrale de piété pour les morts, coutume attestée par l’histoire et permise par la loi romaine : « Les corps des suppliciés, dit le juriste Paul au ni c siècle, doivent être délivrés à quiconque les demande pour les ensevelir. » Dig., 1. XLVUI, tit. xxiv, lex 3. Et un autre jurisconsulte, ancien préfet du prétoire, écrit pareillement : « Les cadavres de ceux qui ont eu la tête tranchée ne doivent pas être refusés à leurs parents ; on peut recueillir sur le bûcher et déposer dans un tombeau les cendres et les ossements de ceux qui ont été condamnés au feu. » Ulpien, ibid., 1. Si donc, dans le geste des chrétiens de Smyrne, il n’y avait eu autre chose qu’un acte de piété filiale, ensevelir un vieillard supplicié aurait paru assez anodin à un magistrat de l’empire ; mais envers Polycarpe il y avait une nuance de culte religieux, qui n’échappa point aux Juifs de Smyrne, ni même au centurion qui présidait au supplice, et moins encore aux fidèles du saint évêque : « On voulait empêcher que son corps fût enlevé par nous, bien que beaucoup désirassent lui rendre cet honneur et avoir part à ce saint corps, xal xoivojvvjcrai tw àyôto ocÙto<j aapx’.a). » xvii, 1. On remarquera le mélange de respect religieux et d’affection filiale marqué dans le texte grec. « …Là-dessus, les Juifs de la ville s’imaginèrent que les chrétiens allaient faire de Polycarpe un autre Christ et le centurion, voyant que les Juifs s’agitaient, fit mettre le cadavre au milieu, et comme c’est leur habitude, le fit brûler. De la sorte, nous ensuite, [nous n’avons eu que | des ossements …à enlever et les avons déposés en un lieu convenable. » Loc. cit.
Ainsi, par leur empressement suspect, les chrétiens de Smyrne se virent refuser le bénéfice de la loi commune. Ce refus n’était pas illégal : les magistrats chargés d’appliquer la loi étaient juges des cas particuliers. Les fidèles auraient pu savoir que, si la sépulture des suppliciés était de droit commun, les persécuteurs la refusaient quelquefois : nonnunquam non permittitur, dit Ulpien. Ibid. Nul doute que les magistrats n’aient vu ici un semblant de magie et de culte illicite.
Mais ces précautions de la haine, en même temps qu’elles aiguisèrent la sainte avidité des fidèles, les amenèrent à justifier leur conduite aux yeux de toute l’Église, par des considérations toutes neuves encore et déjà très précises, sur le caractère subordonné du culte qu’ils rendaient aux saints, et sur l’excellence quasiintrinsèque qu’ils reconnaissaient à leurs moindres restes. Pourquoi, en effet, voulaient-ils sauver le corps entier de leur évêque ? Parce que, disent-ils, nous y aurions retrouvé un disciple du Christ, mais avec cette différence, que « Lui, nous l’adorons comme Fils de Dieu ; et les martyrs, comme disciples et imitateurs du Seigneur, c’est à juste titre que nous les aimons, à cause de leur éminent attachement envers leur propre roi et maître. Et puissions-nous, à notre tour, devenir leurs consorts et condisciples ! » xvii, 3. Voilà tout l’essentiel de la doctrine catholique sur notre sujet, énoncé dès le milieu du ile siècle à la face de tout le monde 1 chrétien.
Voici qui dépasse même renseignement ordinaire : car, en somme, comment peut-on reconnaître le grand Polycarpe dans quelques os calcinés ? « Ces ossements sont pour nous plus honorables que les pierres précieuses et plus épurés que l’or », allusion peut-être a 1 Petr., i, 7, mais plus sûrement conviction acquise par tradition de la dignité propre que le supplice du feu a donnée aux moindres parties du corps du martyr. Conséquence cuit uelle : » Nous les avons déposés en lieu convenable. Et autour de ce sépulcre réunis, comme il nous sera possible, dans l’exultation et la joie, le Seigneur nous donnera de célébrer le jour anniversaire de son martyre, tant pour faire mémoire de ceux qui ont déjà affronté les combats que pour exercer ef préparer