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RELIQUES. L’AGE DES PERSECUTIONS
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ceux qui attendent le supplice. > xviii, 3. Ce martyr, qui est en même temps pour les chrétiens « un Docteur insigne », pour quelques-uns peut-être un parent très cher, pour les païens de la ville eux-mêmes un homme vénérable et bon, ce martyr reçoit de ses fidèles un hommage qui est expressément donné par eux comme religieux et, si l’on peut dire, ecclésiastique. Il est religieux dans son motif et dans son but ; car il ne s’adresse ni à l’homme vénérable, ni au parent très cher, mais bien « au didascale » ce qui est déjà, dans la bouche d’un chrétien, un terme technique, à signification religieuse définie, et surtout « au martyr du Christ », « au disciple et imitateur du Seigneur ». Aussi est-ce le Seigneur qui inspire cette réunion et qui est chargé, pour ainsi dire, d’en < procurer la possibilité ». En d’autres passages de la même circulaire, l’auteur précise la pensée commune : < Le martyr Polycarpe, s’est montré en notre temps » — qui n’est plus celui des prophètes et des apôtres — « un didascale apostolique et prophétique, lui, l’évêque de l’Église catholique de Smyrne », par tout son ministère et son enseignement et à ce titre, il recevait de son vivant, un hommage de vénération. Mais c’est précisément « parce que, luttant dans la patience, il a vaincu l’injuste préfet, et qu’ainsi il a reçu la couronne incorruptible, c’est pour cela qu’il se réjouit avec les apôtres et tous les justes », xix, 2, le martyre devenant une équivalence de l’apostolat. Et son exemple qui sera évoqué « dans la réunion joyeuse et enthousiaste » aura pour but espéré < de préparer au martyre les chrétiens menacés et de rappeler le souvenir des autres martyrs. » xviii, 3.

Cependant — et c’est ici que la note ecclésiastique apparaît — « il sera seul commémoré par tous » les fidèles de l’Église, « encore qu’il soit le douzième à avoir souffert le martyre à Smyrne ». Ses compagnons pourront recevoir des hommages de quelques-uns, chrétiens ou païens ; mais lui, Polycarpe, recevra des honneurs officiels au nom de tous ses frères et de la part detoute la communauté catholique, et « à son jour de naissance » pour le ciel, au jour anniversaire « de son martyre à lui ». C’est déjà l’équivalent de l’inscription au martyrologe. Elle n’est pas encore ouverte à tous les chrétiens, même généreux et exemplaires, mais à ceux-là seuls dont l’exemple mérite, par l’éclat de leur témoignage, d’être « transmis aux frères des pays plus lointains, parce qu’ils feront glorifier le Seigneur, qui l’ait un choix — tov éxXoyàç Ttoioùvroc — qui cueille une gerbe d’élus martyrs « parmi ses propres serviteurs ». L’auteur ne dit pas absolument que cet anniversaire se renouvellera d’année en année : mais l’incise, « si le Seigneur le permet », laisse prévoir que l’Église de Smyrne tiendra à le faire pour l’encouragement de tous, et les Actes de saint Pionius nous montrent cet anniversaire se perpétuant au iii c siècle.

Enfin ce culte ecclésiastique s’adresse bien aux reliques du saint évoque : la réunion se fera « en l’honneur du Christ gubernalori corporum » et se tiendra c là où son corps est déposé ». On n’en indique pas l’endroit exact, pour ne pas guider les poursuites de la haine tenace des Juifs : mais cet endroit est convenable » : c’est déjà une église, un lieu officiel de réunion des fidèles, où se fera la synaxe liturgique.

Quand on dit que le culte des reliques nous est venu du paganisme, on oublie donc que des marques évidentes de ce culte remontent au milieu du iie siècle, à une époque où le christianisme persécuté nourrissait une aversion éveillée contre les moindres usages païens. Ce qu’il faut dire, au contraire, c’est que l’acharnement même des persécuteurs contre des chefs d’Églises déjà illustres pendant leur vie, les signala par là même à la dévotion antagoniste des fidèles. Hien plus, les rigueurs de supplices qui ne laissaient subsister de la griffe des bêtes ou des flammes du bûcher que de

pauvres ossements déchiquetés fouettèrent le zèle des chrétiens : ils les recueillirent avec une avidité qu’ils n’auraient pas eu à déployer si le corps de leurs martyrs leur avaient été livrés intacts, geste spontané qui les mit à même de méditer la dignité et la valeur religieuse de trésors si chèrement acquis et conservés.

Les premières formules de cette religion des martyrs sont d’ailleurs remarquablement exactes, à cause de l’accusation d’idolâtrie que les païens ne manquèrent pas de lancer contre elle : Nous adorons le Christ parce qu’il est Fils de Dieu, disent les chrétiens de Smyrne en 157 ; quant aux martyrs, nous les aimons à juste titre comme disciples du Seigneur et ses imitateurs, à cause de leur dévouement pour leur roi et leur maître. Puissions-nous devenir leurs consorts et condisciples ! » Martyrium Polgcarpi, xvii, 3, Funk, Patres apostolici, t. i, p. 33b

Grâce à cet enseignement si ferme et si accessible à tous, le culte des reliques prit durant les siècles de persécutions un essor rapide et universel, sans contestât ions de la part des fidèles ni des chefs d’Églises ; les premières attaques vinrent seulement de Vigilant ius aux approches de l’an 400, et attestèrent les progrès de ce culte bien plus encore que les abus dont il devenait l’occasion : il faut en effet remarquer que Vigilantius, qui ne dit rien contre la présence des images dans les temples, aurait pareillement laissé les martyrs en repos si leur culte n’avait pas été si fervent autour de lui.

Les Acta martijrum.

Durant l’ère des persécutions,

le culte des reliques est supposé dans les Acta sincera par le soin qu’ils mettent presque tous à mentionner la sépulture des martyrs, mais les pratiques en sont encore très discrètes, si discrètes quon se demande parfois si elles revêtent un caractère religieux. Il faut sans doute que ces actes soient bien anciens et bien résumés pour se borner, comme ceux de Jacques de Jérusalem, à la sèche indication topographique du sépulcre. Eusèbe, Hist. ceci., t. II, c. xxiii, 18, P. G., t. xxii, col. 150.

La plupart des autres décrivent l’ensevelissement, parfois furtif, toujours respectueux, des corps ou des restes à demi-brûlés des martyrs. Cf. Acta S. Carpi, S. Tarachi, S. Sergii, S. Mariai, S. Pamphili, Habib diaconi, S. Montant, S. Eupli, S. Justini, dans Cabrol, Monumenta Ecclesise liturgica, t. i, Reliquiæ liturg. vclustiysimæ, Paris, 1902, n. 3864, 3869, 3883, 3X85, 31)1 1, 3922, 400."), 4066 et 4068, 4087.

Le caractère cultuel de cette sépulture transpire au regret que témoignent les disciples de S. Pothin de Lyon en 177, de n’avoir pu enterrer les cadavres », comme ils écrivent dans leur langage volontairement vulgaire, loc. cit., n. 4054, et dans [’atroce précaution que prenaient ainsi les persécuteurs. Eusèbe, llist. eccl., t. VIII, c. VI, 7. Il paraît encore mieux dans "les babils blancs » et » précieux » dont les fidèles les couvrent, op. cit., n. 3885 et 3922, à l’instar de la suggestion de l’Apocalypse, VI, 1 1 ; dans le souci qu’ils ont d’ensevelir tous les martyrs au même endroit, n. 4005, ou bien comme ils disent « en un lieu vénérable, caché aux persécuteurs », n. 4068 et 3869, parfois au lieu même de leur martyre, n. 3883 « pour la gloire du Christ et la louange de ses martyrs », n. 38(>4. Quant aux linges qu’on place, en 258, devant le corps de S. Cyprien sur le point d’être décapité, c’est un détail qui en dit long sur le prix qu’on donnait à son sang ; au contraire des cierges et torches qui escortent son convoi, on ne saurait dire si c’est l’appareil de funérailles civiles ou les marques d’un vrai culte chrétien ; en tous cas serait-il bien amphibologique, op. cit., a. 3990. L’amphibologie se dissipe quand, dans la même persécution, Montanus se fait réserver avant sa passion, « une place au milieu des martyrs pour ne pas être privé de partager leur