Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/468

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
2349
2350
RELIQUES. L’EGLISE ORIENTALE


De fide orthodoxa, loc, cit. col. 1161-1165. Ces trois dernières phrases visent, à n’en pas douter, le culte des reliques. Dans ses discours polémiques en faveur des images, saint Jean Damascène étend encore sa démonstration du culte des saints au culte des reliques des martyrs et des confesseurs : « Les saints étaient remplis de l’Esprit divin. Après leur mort, cette grâce demeure attachée, non seulement à leur àme, mais à leur corps enseveli dans le tombeau, à leur nom, à leurs saintes images. » P. G., t. xcv, col. 311. On voudra bien considérer le bel ordre que le polémiste assigne à la descente de la grâce de la personne sainte, dans ses reliques d’abord, et enfin dans ses simples images : l’àpreté de la controverse en faveur des images ne l’empêche pas de mettre les saintes reliques en première place. Et c’est assurément à cette rémanence de la grâce dans les corps saints qu’il attribue la vertu miraculeuse, dont il faisait état dans son exposé de la « foi orthodoxe ».

Quel genre de culte faut-il accorder aux reliques ? Là encore, Jean Damascène fait les distinctions obligées entre les différents objets de notre culte : « Il faut d’abord honorer, rpoay.’jvsïv, ceux en qui Dieu, qui seul est saint, s’est reposé. Or Dieu s’est reposé dans les saints comme dans la sainte Mère de Dieu et dans tous nos saints. Les saints se sont efforcés de devenir semblables à Dieu, par l’effort de leur volonté et par le secours de Dieu habitant en eux. Les saints sont donc « adorés » en tant que loués par Dieu, et parce que c’est par Dieu qu’ils sont devenus terribles à leurs adversaires et bienfaisants à ceux qui s’en approchent avec foi. » Les mots mêmes du Damascène montrent que « l’adoration » due aux saints est cette TTpoaxûvyjo’. ç tiu, y]tixyj « qu’on rend à tout ce qui est revêtu de quelque dignité » (Discours, ni, 40), et non la XotTpstoc réservée à Dieu. La direction toute théocentrique de sa doctrine montre que le culte des saints et de leurs reliques n’est qu’une arnpliation de la religion due à Dieu ; les méandres enfin de sa démonstration en faveur des images et des reliques marquent bien que, pour lui, ces dernières prennent toute leur dignité de la sainteté de la personne vivante, et, comme le dira saint Thomas, qu’elles ne comportent qu’un culte relatif.

Théologie des docteurs orthodoxes.

Les Orientaux

entendent d’ailleurs le mot « culte relatif » dans un autre sens que les Latins : pour eux, tout culte est relatif, sauf celui qui se rapporte à Dieu, et à Jésus-Christ, consubstantiel au Père ; ainsi donc le culte des saints, en eux-mêmes, est déjà un culte relatif, quia sancti propter Deum coluntur. M. Jugie, Theologiu dogmalicu christianorum orienialium, t. ii, p. 715, note 2. Seul, Dosithée, Conjessio fidei, resp. iv, admet, par une assertion assez singulière, cjue les saints peuvent être honorés de deux manières : ttocotov jjtèv xarà tt]v 7rpôç ©sov àvaçôpav xai y.aO’auToùç, oti stxôvsç Çcoctoc. toG Qeoù. A plus forte rasion professent-ils unanimement que les restes mortels et les tombeaux de ces mêmes saints ne méritent qu’un culte secondaire par rapport à Dieu. Us sentent bien que cette vénération d’un corps de martyr se rapporte au martyr lui-même ; pourtant la distinction entre le culte du saint et celui de ses reliques n’a jamais été bien élucidée par les théologiens byzantins. Cela tient à ce que, dans leur esprit comme dans celui des foules, la relique ne fait qu’un avec le saint ; et ils approuvaient tous, avant et après le concile de Constantinople de 1084, qui l’a authentiquée, la formule de saint Théodore Studite : « Une est la vénération du saint en lui-même et celle de ses reliques. » Entre les deux, le rapport était si étroit, qu’il n’exigeait pas d’explications.

Doctrine de V Église orthodoxe.

Depuis la fête de

l’orthodoxie (Il mars 843), dans laquelle l’Église by zantine a célébré son triomphe définitif sur les iconoclastes, le culte des reliques lui-même n’est plus attaqué en Orient que par des sectes alliées au manichéisme, comme le paulicianisme et le bogomilisme et, plus tard, par les docteurs teintés de protestantisme. Pourtant, l’orthodoxie ancienne et moderne a montré moins de dévotion active pour les reliques, toujours en honneur, que pour les saintes icônes : cela tient à la recrudescence de la dévotion pour les images consécutive aux persécutions du viiie siècle, et, pour une part aussi, aux dispositifs nouveaux des églises byzantines : alors que le cancel s’élevait jusqu’à devenir (xive -xve siècle) l’iconostase couverte d’images peintes qui captaient l’attention des fidèles, il leur voilait l’autel, où le petit sachet des reliques devenait tout à fait invisible et se faisait oublier. On s’explique ainsi que les icônes aient été indéfiniment multipliées, tandis que les reliques, étant donné la rareté des canonisations byzantines, se soient réduites, dans les nouveaux sanctuaires, à quelques fibres de linge ou à une poussière d’ossements.

A l’autre extrémité du monde chrétien, à Egabra, en Espagne, on relève les traces d’une Église schismatique qui niait, au ixe siècle, le culte des reliques, et qu’un concile de Cordoue de 839 condamna sous l’appellation d’acéphales ; encore qu’on puisse y voir un groupe exilé de monophysites orientaux, analogue à cet hérétique syrien condamné par le concile de Séville de 619, il est plus probable qu’elle n’avait de commun que le nom avec les acéphales d’Egypte et de Syrie, et que c’était plutôt une petite Église affiliée à la secte manichéenne, qui se faisait remarquer, comme plus tard les albigeois, par l’étrangeté de ses pratiques cultuelles et disciplinaires. Cf. Hifele-Lcclercq, Histoire des < onciles, t. iv a, p. 104-105,

Au contraire, « dans les anciennes Églises monophysites d’Orient, les saintes reliques sont l’objet d’une grande vénération, et aux tombeaux des saints se font fréquemment de pieux pèlerinages, Dans le calendrier liturgique, bien des solennités sont affectées à la translation des corps saints, et on en lit le récit dans toutes les églises, avec mention des miracles qui s’y sont accomplis ». Il a fallu attendre quelques sectes arméniennes, prénontiatrices de la Réforme du xvie siècle, pour constater quelque faible opposition à ce culte traditionnel : on se rappellera, à ce propos, que les empereurs iconoclastes et leurs troupes de choc étaient arméniens. Ainsi « les thondrakiens rejettent les reliques ; ils furent amplement réfutés par la plume des docteurs et par l’insurrection des fidèles >. Jugie, op. cit., t. v, p. 574. L’Église nestorienne, par sa prudence même en matière de culte des saints, a su maintenir sans excès le culte des reliques : > Nous honorons les ossements des saints, dit le docteur Isaïe, P. O., t. vii, p. 40. Mais à Dieu ne plaise que nous entendions par là l’adoration, qui n’appartient qu’à Dieu. Ce serait un sacrilège d’adorer d’un culte de latrie les os de ces hommes illustres. »

Dans toutes ces Églises orientales, qui s’anathématisent mutuellement sur les titres de la Mère de Dieu, la doctrine des reliques s’est conservée, dans le respect des mêmes attitudes de vénération et des mêmes formules de prières. Il n’y eut aucun approfondissement doctrinal, aucun développement poétique ou homilétique digne d’être signalé, durant toute la fin du Pas Empire. Il n’y eut quelque activité au xvii « et au xviiie siècle, que dans les centres intellectuels de Byzance et de Russie atteints par les attaques des protestants allemands et de leurs adeptes orientaux, comme Cyrille Lucar ; alors seulement on vit des théologiens orthodoxes traiter avec quelque originalité la question des reliques. Ainsi Etienne Javorsky, dans sa Pelra fidei en 3 livres, a consacré le premier traité