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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/469

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RELIQUES. L’OCCIDENT MEDIEVAL


au culte des images, le deuxième à celui de la sainte Croix, et le dernier au culte des saintes reliques. Jugie, op. cit., t. v, p. 258-294.

VI. Dans les églises d’Occident au Moyen Age. — 1° Origine des reliques. — Le culte des reliques, déjà si actif au vii° siècle, s’épanouit encore au Moyen Age parce que les reliques s’y multiplièrent, par voie de division, à l’occasion des transferts de corps saints, et aussi, il faut le dire, par invention de fausses reliques.

Tout d’abord les Églises des Gaules et de Germanie se donnèrent une grande liberté pour le déplacement des corps saints. Cette pratique fut imposée et favorisée au ixe siècle par les invasions normandes : les religieux prenant la fuite emportaient avec eux les reliques de leurs fondateurs pour les soustraire à la profanation : au sanctuaire qui avait offert un refuge on laissait toujours une part du trésor. Les conciles eurent beau y mettre des restrictions, les abus continuèrent de se produire. Ajoutons que, déjà sous les Mérovingiens, le transfert des reliques de saint Vincent à Paris, avait été très remarqué. Charlemagnc et ses successeurs demandèrent aussi aux papes des corps de martyrs pour les nouveaux évêchés et monastères de Germanie : on voulut avoir des reliques venues de Rome, et non seulement les brandca dont parlait saint Grégoire, mais de vrais ossements de martyrs. Ce fut l’occasion de translations solennelles, en pleine paix et dans l’enthousiasme des foules. D’autres Églises furent mises à conti ibution ou plutôt en firent recette. « L’exportation prit les proportions d’un commerce régulier, avoue dom Baudot ; on se faisait gloire de posséder quelque relique rare que d’autres n’avaient pas. »

Les croisades et la prise de Constantinople en 1204 amenèrent en Occident une abondante provision de corps saints et de souvenirs des lieux saints. Ce furent alors les anciennes métropoles d’Antioche et de Jérusalem, d’ÉJesse et de Myre qui furent les pourvoyeuses forcées des nouvelles métropoles de Gaule et de Germanie ; quant à Byzance, qui les avait jadis spoliées, les seigneurs français et flamands y firent une vraie rafle de reliques de toutes sortes. En Palestine, tout leur semblait sacré, et quelques pincées de poussière de Nazareth ou d’Hébron étaient décorées du titre résumé : e lacle Virginis Mariée, qui ne trompait sans doute pas les heureux destinataires, mais était pris au pied de la lettre par les pieux pèlerins.

Car toutes ces richesses d’aloi divers étaient versées, avec les anciennes reliques beaucoup plus authentiques, dans les trésors célèbres des cathédrales et des grands monastères : Cologne et Trêves, Chartres et Paris, Cluny et Saint-Hubert curent leurs listes de reliques soigneusement mises à jour. Barbier de Montault, Œuvres, t. XII, p. 175 sq. « On trouve dans les anciennes chroniques d’Occident le cas de moines s’emparant, par ruse ou par force, du corps de certains saints. L’ardeur à se procurer un trésor de ce genre fit considérer comme une œuvre de dévotion le vol des restes d’un saint ; on n’en avait aucun scrupule, surtout quand il s’agissait de tirer ces restes de l’oubli. Ainsi s’expliqua, dès le vne siècle, le fait des reliques de saint Benoit et de sainte Scolastique apportées en France quand le Mon t-Çassin eut été dévasté par les Lombards. » G. Baudot, art. Reliques, dans Dictionn. pral. des connaiss. relig., t. v, col. 117k.

Dans cette atmosphère d’illégalité, plus ou moins colorée, on vit se multiplier Us reliques douteuses : des gens ne se faisaient pas scrupule de prendre pour le corps d’un martyr ou d’un confesseur tout reste humain découvert accidentellement dans le voisinage d’une église ou dans les catacombes de Rome. En beaucoup de cas, on en vint à écarter l’hypothèse

d’une fraude délibérée : on se persuadait qu’une bienveillante Providence envoyait ces précieux gages, pignora sanctorum, à des clients qui méritaient pareille faveur. Ainsi des reliques fausses purent allluer jusque dans les trésors des églises médiévales. » Ibtd, « Sans doute l’autorité ecclésiastique, mise en éveil, s’appliqua à prémunir les fidèles contre la déception. On tenta d’établir l’authenticité d’une relique par des signes d’ordre surnaturel, on en appela au miracle. Par exemple, en 979, Egbert de Trêves voulant constater l’authenticité du corps de saint Celse, fit envelopper d’un linge la phalange d’un doigt et la fit jeter dans un encensoir… Les synodes portèrent des décrets pratiques à ce sujet : Quivil, évêque d’Exetcr en 1287, confirma la prohibition du concile général de Lyon en 1274 : Défense de vénérer les reliques récemment découvertes tant qu’elles n’auront pas été approuvées par le pontife romain. » Ibid.

Culte des reliques.

Une fois les reliques trouvées

et acceptées pour authentiques, quelle place leur réservait-on’?

1. D’abord on leur garda leur place traditionnelle, le plus près possible de l’autel du sacrifice : soit sous l’autel, dans une crypte faite pour elles, soit sui le sol au-dessous de la table d’autel, soit dans la table même de l’autel, soit enfin derrière l’autel. Ces pratiques successives se développèrent en fonction de la dévotion croissante des fidèles ; mais elles répondaient à la même idée : ainsi, quoique d’une façon plus artificielle qu’aux catacombes, les tombeaux des saints furent considérés comme les autels du Christ. De là, sans nul doute, est née la pratique de sceller des reliques dans la pierre de l’autel au moment de sa consécration. Ce n’est que plus tard, au ixe siècle, qu’on permit de laisser des reliques sur la table de l’autel pendant un temps considérable.

Les corps saints, en effet, n’étaient plus ensevelis à même le sol comme dans les catacombes, ni même, comme dans les antiques basiliques, dans des confessions étroites et inabordables, enfouies en terre et gardées par des barreaux épais. On voulait désormais voir et toucher les tombeaux des évêques et des martyrs I Si quelques églises célèbres avaient voulu garder le souvenir de leur antique confessio, on l’avait élargie en forme de crypte, qui s’étendait sous une grande partie de l’église et ménageait, sinon toujours la lumière, du moins la place pour les défilés des pèlerins : c’est la pratique habituelle dans les églises carolingiennes ou romanes. Mais souvent on avait trouvé cette place trop humble pour le saint protecteur : on avait < élevé » ses reliques et on les avait déposées dans une t châsse » précieuse, qui eut, dans les églises gothiques, sa place d’honneur, bien en vue au haut des marches de l’autel, sous la table du sacrifice. Quand on n’avait pas de corps saint, on se contentait de prélever une relique d’un martyr que l’on enfermait dans la table ou le bloc de l’autel. En certaines églises plus dévotes ou plus traditionnelles, on eut l’idée de maintenir dans le même autel progressivement développé, les trois modes successifs d’y déposer les reliques : il y en avait un premier trésor dans sa « planlalio », un autre dans la table, et un dernier entre les pieds de l’autel, si bien que cet autel unique en contenait pour ainsi dire, trois : c’était un autel « trinitaire ». (Saint-Hiquicr, Saint-Martin d’Utrecht, etc.)

Dans la suite, pour différents motifs et en vue de satisfaire et d’accroître la dévotion des fidèles, on prit l’habitude de placer les châsses au-dessus des autels dans une anfractuosité de la muraille, ou bien encore derrière les autels, en des arrangements provisoires et variés suivant les fêtes : c’est l’origine des retables de bois peint. Cette pratique fut discutée : des reliques qu’on avait placées ainsi sont retournées d’elles-mêmes