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RESTITUTION. POSSESSEURS DE MAUVAISE FOI


aucune obligation à l'égard des autres possesseurs parce qu’il n’y a pas eu éviction et que le contrat de vente, en vertu de la loi, a les mêmes effets que s’il avait été valide. De ce fait, les autres vendeurs ne sont obligés à rien, même pas à rendre le montant des bénéfices, qu’ils auraient pu réaliser, parce que ces profits personnels sont véritablement des fruits industriels. Ceux-ci, en effet, n’existeraient pas s’il y avait eu vente avec perte, par suite des circonstances moins heureuses et pourtant, dans cette hypothèse, le vendeur ne pourrait rien réclamer, ni recourir. C’est une preuve indirecte de l’affirmation précédente. S. Alphonse. t. III, n. 800, 825.

Si le possesseur a été évincé lorsque l’objet existe encore et qu’il n’y a aucun moyen de s’opposer à la dépossession, le dernier détenteur doit la subir et rendre la chose au propriétaire. Mais il lui reste un recours contre son vendeur. Celui-ci de même fait licitement appel à celui qui lui a cédé l’objet et il en est ainsi jusqu’au premier possesseur. Ici, en elîet, la vente a été nulle et cela oblige chaque vendeur d’indemniser son acheteur, du prix d’acquisition. L’application de ces principes est difficile. C’est pourquoi les moralistes demandent qu’on s’en remette, s’il y a lieu, aux dispositions du droit civil. Si elles n’existent pas, ils hésitent en général à formuler une obligation. Vermeersch s’en tient à un conseil et conclut : Quare sequum censemus ut possessor bonæ fidei domino qui re sua privatur, prelium reddal quod sine damno proprio reddere potest, quasi involunlaric negotium domini utililer gesserit, sed strictam justitiæ obligationem ila agendie naturas lege colligi posse non arbilramur. Principia, t. ii, n. 651, p. 611-612.

Transmission faite à litre gratuit. — Quand l’objet, possédé de bonne foi, a été transmis à un tiers par une donation ou à titre gratuit, le premier possesseur, du fait qu’il n’est pas devenu plus riche par l’objet d’autrui ne contracte aucune obligation. Par ailleurs, il importe peu au propriétaire, aux mains de qui demeure son bien, sur lequel il a le droit de porter ses légitimes revendications. A fortiori, ceux qui dans la transmission n’ont été que des possesseurs intermédiaires, ne sont tenus à rien, ni à l'égard du propriétaire, ni entre eux, car l’objet discuté n’a pas été gardé.

Le dernier possesseur, en revanche, doit remettre l’objet, s’il l’a encore, ou l'équivalent, s’il l’a consommé, au légitime ayant droit, car il a ainsi épargné ses biens et en est devenu plus riche. Autrement il ne saurait être question pour lui de rendre quoi que ce soit.

Transmission faite à titre onéreux et gratuit. — Si les circonstances permettent l'éviction, le dernier possesseur est obligé de remettre l’objet à la disposition du propriétaire, mais il lui reste un recours contre celui qui lui a vendu l’objet dont il a été dépossédé. S’il n’y a pas lieu d'évincer le dernier détenteur, au premier seul il incombe de verser la somme touchée au moment de la vente, étant donné qu’il avait reçu gratuitement et qu’ainsi par l’acte de cession il est devenu plus riche.

Le donateur qui a fait une largesse avec des biens d’autrui épargnant de la sorte sa fortune personnelle, ainsi que celui qui a consommé de bonne foi une chose qu’il avait reçue gratuitement sont tenus de rendre d’après la valeur du bien conservé si celui-ci a moins de prix que ce qui a été livré ou utilisé, parce que seul ce par quoi il y a eu enrichissement est soumis à restitution, OU d’après la valeur de te qui a été donné ou consommé, si celle-ci est moindre que celle des biens personnels épargnés ; la réparation ne va pas au de la du dommage, causé réellement à autrui.

$) Quels sont les droits du détenteur sur 1rs fruits. — Dès que le possesseur de bonne foi a connaissance du propriétaire, il doit rendre l’objet et les fruits civils et

naturels pendants ou existants et les mixtes ; mais pour ces derniers uniquement la partie qui revient à la nature du bien. Quant aux autres fruits qui, durant la détention loyale, ont été consommés, donnés ou perdus, ils ne donnent lieu à aucune restitution, sauf s’il en est résulté une épargne de bien personnel et conséquemmenf une augmentation du patrimoine familial. Cet enrichissement partiel est considéré comme l'équivalent du bien d’autrui et, en justice, doit être rendu, à moins qu’il ne soit déjà légitimement prescrit.

Les fruits industriels demeurent acquis au possesseur, déduction faite de l’indemnité à verser au propriétaire pour l’utilisation de son bien, qui a servi pour ainsi dire d’instrument. L’appréciation en revient au jugement des hommes prudents : il leur incombe de déterminer dans les fruits ce qui est le produit de la nature intrinsèque du bien et ce qui est le résultat de l’intelligence et de l’activité personnelles.

Le possesseur de bonne foi évincé a le devoir de restituer tous les fruits consommés après que le litige a été soulevé, car dès cet instant son action est semblable à celle d’un possesseur de mauvaise foi.

D’après le droit civil français (art. 549), durant tout le temps qu’il est en état juridique d’honnêteté, le possesseur est autorisé à faire siens tous les fruits perçus. Ceux qui sont encore pendants sont censés constituer partie intégrante avec le fonds et avec celui-ci sont à laisser au propriétaire. Les fruits civils se comptent jour pour jour. Ces dispositions sont valables pour le for de la conscience. Il en est de même de celles qui leur sont analogues et ont été adoptées par de nombreuses législations, avec des variantes d’interprétation sur le moment où les fruits sont acquis ou sur d’autres points, en particulier pour la déduction des dépenses engagées. Voir en particulier les codes d’Allemagne n. 955 et 2020 ; d’Argentine, n. 2457 ; d’Autriche, n. 330 ; de Bolivie, n. 293-294 ; du Canada, n. 411 ; du Chili, n. 907 ; de Colombie, n. 964 ; du Guatemala, n. 519 ; d’Espagne, n. 451 ; d’Italie, n. 703 ; du Mexique, n. 834 ; de Hollande, n. 604 ; de Nicaragua, n. 907 ; de Panama, n. 437 ; du Pérou, n. 470 ; de Suisse, n. 938 ; d’Uruguay, n. 649 ; du Venezuela, n. 686 ; etc. En Angleterre et aux États-Unis, il n’y a aucune disposition législative sur ce point.

y) Quels sont les droits du détenteur relativement aux dépenses engagées ? — Le possesseur de bonne foi n’a pas à réclamer au propriétaire le paiement des dépenses d’entretien, car celles-ci sont censées compensées par les avantages perçus. Mais il a le droit d’exiger une indemnité pour les dépenses qu’il a engagées et se rapportant à tous les fruits encore pendants. D’après l’article 1381 du Code civil, le propriétaire restitue au possesseur les frais nécessaires qu’il a eus pour les réparations, car s’il ne les avait pas faites, le bien aurait péri et il ne serait pas juste qu’il y ait enrichissement au détriment du détenteur.

Quant aux dépenses utiles, le propriétaire, d’après l’article 555, est libre de les solder ou de payer l’augmentation de la valeur de son bien afin de ne pas s’enrichir injustement. Le Code civil ne dit rien sur les droits qu’a le possesseur d’exiger du propriétaire le dédommagement des dépenses somptuaires. Conformément au droit naturel, le détenteur peut enlever, semble-t-il, ce qui a fait l’objet de ces dépenses, si cela ne nuit pas au bien lui-même. Mais si cet enlèvement n’est pas possible il est nécessaire de savoir si les dépenses somptuaires ont réellement une valeur pour le propriétaire. Si elles en ont une, celui-ci doit une compensation, mesurée d’après l’avantage qu’il en tirera éventuellement. Cette obligation n’existerait pas dans le cas contraire.

b) Application des axiomes au possesseur de mauvaise foi. — Le possesseur de mauvaise foi est celui qui