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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/706

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ROIS (LIVRES III ET IV DES). VALEUR HISTORIQUE
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mises par les uns et les autres est sur tel ou tel point matière à discussion, leur accord certain dans l’ensemble apporte une nouvelle garantie à l’exactitude historique des Livres des Rois.

Sennachérib, après avoir assuré la tranquillité de l’Assyrie, ébranlée par la mort violente de Sargon, ne devait pas tarder à reprendre comme ses devanciers le chemin de l’Occident. Les grands royaumes syriens de Hamath et de Damas, le royaume d’Israël ne comptaient plus ou n’existaient plus ; Juda avait survécu, mais, sans tenir compte de l’exemple des deux voisins du Nord non plus que des avertissements des prophètes, on y était toujours prêt à tenter une révolte pour s’affranchir du joug pesant de l’Assyrien ; à cet effet on comptait bien sur le concours de l’Egypte qui n’avait pas renoncé à son antique suprématie sur les pays de Canaan et d’Amourrou. A son instigation la rébellion éclate dans les peuplades côtières de la Palestine, de la Phénicie au pays des Philistins et jusqu’en Juda. Sennachérib entre alors en campagne, défait les insurgés à Altakou, l’Elthécé biblique (Jos., xix, 44 ; xxi, 23), et prenant le chemin de Jérusalem par la route de l’Ouest,

— Isaïe, x, 28-32, imagine un itinéraire du Nord au Sud pour symboliser la rapidité de l’invasion — vient mettre le siège devant la capitale d’Ézéchias, ayant tout pillé et ravagé sur son passage. Les préparatifs de défense organisés par le roi de Juda prévinrent la chute de la ville qui fut néanmoins obligée de payer le tribut. Dans une inscription Sennachérib célèbre sa victoire : « Quant à Ézéchias le Judéen qui ne s’était pas soumis à mon joug j’assiégeai et je pris quarante-six de ses villes fortes entourées de murs, et des villes sans nombre de moindre importance, situées dans leurs alentours, grâce au pilonnement des béliers, au choc des engins de siège, aux assauts d’infanterie, aux raines, aux brèches et démolitions. J’en fis sortir 200 150 personnes, grands et petits, hommes et femmes, des chevaux, des mulets, des ânes, des chameaux, du gros et du petit bétail sans nombre, que je comptai comme butin. Lui-même, je l’enfermai dans Jérusalem (Ur-sa-li-im-mu) sa capitale, comme un oiseau en cage. J’établis contre lui des circonvallations, et quiconque sortait par la porte de sa ville, malheur à lui ! Ses villes que j’avais pillées, je les retranchai de son pays pour les donner à Milinti, roi d’Asdod, à Padî, roi d’Accaron, et à Silli-Bel, roi de Gaza ; j’amoindris ainsi son pays. Au tribut que précédemment donnait leur pays, j’ajoutai et j’imposai des dons et des présents pour ma Majesté. Quant à Ézéchias (Ha-za-qi-a-u), la redoutable splendeur de ma Majesté l’abattit ! les Arabes (Ur-bi) et ses meilleurs ( ?) soldats, qu’il avait fait entrer à Jérusalem sa capitale, pour la rendre plus forte firent défection. Avec trente talents d’or, huit cents talents d’argent, des pierres précieuses, des collyres… des lits en ivoire, des fauteuils en ivoire, de la peau d’éléphant, des dents d’éléphant, de l’ébène, du buis, divers objets, un lourd trésor, et ses filles, les dames de son palais, les chanteurs, les chanteuses, je les emmenai derrière moi à Ninive, ma capitale ; et il envoya ses messagers pour donner le tribut et faire acte de soumission. » Prisme de Taylor, iii, 11-41 ; traduction dans l’article cité de Plessis, col. 790-791.

Le récit biblique, IV Reg., xviii, 13-xix, 36 et passages parallèles, se rapporte-t-il, ainsi que le pensent nombre d’assyriologues et d’exégètes, à la campagne de Sennachérib, racontée par le Prisme de Taylor, ou ne relaterait-il pas plutôt deux campagnes distinctes du même roi assyrien, séparées par un intervalle d’une dizaine d’années, 701 et 691, selon que l’admettent, à la suite de Stade et de Winckler, Dhorme, loc. cit., p. 511-518 ; Plessis, art. cité, col. 79Ï-793 ; Vandervorst, Israël et l’Ancien Orient, 1915, p. 87-95 ? A la deuxième de ces campagnes appartiennent l’intervention d’Isaïe

et la catastrophe de l’armée assyrienne, xviii, 17-xix, 36 ; seuls les premiers versets du récit, xviii, 13-16, auraient trait à la première campagne et correspondraient à l’inscription assyrienne, avec laquelle ils concordent de point en point. « On commence par dire que Sennachérib a pris les villes fortes de Juda ; ce sont les quarante-six villes fortes du récit assyrien. Jérusalem n’est pas prise, mais le roi accepte de payer le tribut au vainqueur. Ce tribut comprend trente talents d’or et trois cents talents d’argent dans le récit biblique, trente d’or et huit cents d’argent dans le récit assyrien. La différence entre l’évaluation des talents d’argent peut provenir de la divergence qui existait entre le système pondéral babylonien et celui des Hébreux. En tout cas la narration de IV Reg., xviii, 13-16 donne un résumé de la campagne, tandis que les cylindres de Sennachérib détaillent les faits par le menu. » Dhorme, loc. cit., p. 511-512. Une autre difficulté entre les deux relations vient de l’omission dans le document assyrien pourtant plus détaillé, du nom de Lachis, ville où les envoyés d’Ézéchias vinrent trouver Sennachérib, omission d’autant plus surprenante qu’une série de basreliefs, actuellement au British Muséum, représentent le siège, l’assaut et la prise de cette ville avec cette inscription : « Sennachérib, roi du monde, roi d’Assyrie, s’assit sur un fauteuil et le butin de Lachis passa devant lui. » Layard, Monum. of Niniveh, t. ii, pl. xxixxiii. Ne serait-ce pas que cet épisode de l’ambassade à Lachis appartient à la seconde campagne, et que le mot Lachis de IV Reg., xvii, 1 I ne serait qu’une glose insérée à cet endroit sous l’influence du récit de la seconde campagne qui commence au ꝟ. 17 ? Un fragment d’inscription, signalé par le P. Scheil, dans Orientalische Lileraturzeitung, 1901, col. 69 sq., permet de situer cette seconde campagne. Il s’agit dans ce fragment d’une expédition assyrienne vers le Sud-Ouest, en Arabie, en 691-690 ; à son retour, Sennachérib remontant jusqu’à Lachis, y installe son camp et envoie ses messagers à Ézéchias. C’est au retour également de cette expédition que l’armée assyrienne, d’après une tradition égyptienne rapportée par Hérodote, Hist., t. II, c. cxi.i, aurait été contrainte à la fuite par une invasion de rats, rongeant les carquois, les cordes des ares et les poignées des boucliers. « Si l’on songe, observe Dhorme, aux ex-voto que les Philistins envoyèrent avec l’arche en souvenir de leur peste bubonneuse, on reconnaîtra dans ces rats les colporteurs de l’épidémie qui envahit le camp de Sennachérib et à laquelle fait allusion le récit biblique (IV Reg., xix, 35). Les privations de l’armée durant son passage en Arabie, les eaux malsaines dont elle avait dû se contenter, autant de causes qui facilitaient la contagion. » L’événement prédit par Isaïe n’en est pas moins surnaturel et l’expression « l’Ange de Jahvé « est habituelle pour signifier des causes secondes qui suttout miraculeusement amènent un désastre.

Pour l’hypothèse de l’unité de campagne dans le récit biblique et la discussion des arguments apportés de part et d’autre, voir : Maspéro, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. iii, p. 286-295 ; Van Hoonacker, L’invasion de la Judée par Sennachérib en 701 avant Jésus-Christ et les récils bibliques, dans Mélanges d’histoire offerts à Charles Moeller, t. i, 1914, p. 1-10 ; Tobac, Les prophètes d’Israël, t. ii, 1912. p. 126138.

Sur la mort tragique de Sennachérib, assassiné par Adramélech et Sarasar, ses fils, les documents cunéiformes confirment et précisent ce que dit IV Reg., xix, 37. D’après ce passage, Sennachérib fut frappé avec l’épée par Adramélech et Sarasar tandis qu’il était prosterné dans la maison de Nesroch son dieu. Cette indication venant immédiatement après la mention du séjour de Sennachérib à Ninive, ꝟ. 36, on pensait que