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    1. RUSSIE##


RUSSIE. LE SCHISME DES STAROVIÈRES

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cérémonie, tout le baptême était à répéter. Enfin, dans une autre lettre, il accepte le baptême et le mariage conférés par les nouveaux prêtres ; il surfit de compléter les cérémonies omises en se servant des anciens livres. Lettre à Isidore, dans Monuments, col. 942-943. lême les laïques, en cas de nécessité, peuvent baptiser. L’eucharistie. — Il n’était pas facile de trouver des prêtres fidèles aux vieux livres. Avvacum fixa donc un rituel pour les laïques : « Allume un cierge devant l’image de la Vierge, mets sur la table une nappe, et mets-y un vase avec du vin et de l’eau dans lequel tu poseras une parcelle du corps du Christ. Prends l’encensoir, dis la prière de Jésus (Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur), encense l’image, les saints dons, toute la maison ; baise les icônes et la croix, et, te prosternant jusqu’à terre, récite la confession des péchés ; dis ensuite la prière : Perceplio corporis et Sanguinis lui, Domine Jesu Christe, quod ego indignus sumere præsumo… (il donne le texte slave), demande pardon en répandant ton âme, et ensuite, avec la bénédiction de Dieu, reçois le saint sacrement et prie Dieu pour toi-même et pour nous. » Monuments, col. 421-422. Ailleurs il donne un rite plus « oriental » car celui que nous venons de transcrire semble avoir été composé sous d’inexplicables influences latines. Ceci supposait que les rares prêtres starovières consacraient de grandes quantités de pain et que les parcelles sacrées allaient loin. On eut beaucoup recours à Solovki, par exemple, tant que le monastère tint bon et l’on trouvait dans toute la Russie des parcelles consacrées dans le fameux monastère. Sur le Don, un certain Dosithée consacrait des quantités immenses, car environ une trentaine d’années après sa mort, lors d’une perquisition faite sur les lieux où il avait vécu, la police trouva d’immenses quantités de prosphorse consacrées par le malheureux, et ses moines répétaient que Dosithée avait déclaré qu’il « y aurait assez de ce sacrement pour cent mille hommes pour cinq mille ans ». Dans les sectes qui n’avaient plus de prêtres, il arrivait que des laïques prenaient une petite parcelle du sacrement, la mettaient dans la pâte et recommençaient…

La pénitence. —

Avvacum recommanda la confession faite aux laïques, au cas où les prêtres manquaient : « Si, en cas de nécessité, vous ne trouvez pas de prêtre, confessez-vous à votre frère expérimenté et Dieu vous pardonnera, voyant votre pénitence’: communiez alors aux saints mystères ayant observé les saintes prescriptions ; gardez toujours les prosphoræ nécessaires. » Autobiographie, dans Monuments, col. 30.

Le mariage. —

Nous rencontrons toujours la même tendance ; les uns refusent tout ce qui vient du camp nikonien : croyant que l’on était arrivé à la fin des temps, ils refusaient de permettre aucun mariage. Avvacum se trouva dans la nécessité d’infliger une terrible pénitence à une certaine Hélène qui avait séparé Xénie Khrusèova de son second mari. Au prêtre Isidore, dans une lettre que nous connaissons déjà, il recommanda de reconnaître les mariages célébrés par les nikoniens, tout en infligeant une pénitence suivant leur force aux nouveaux convertis. Telle était l’opinion plus modérée. Mais les intransigeants, qui ne reconnaissaient la validité d’aucun sacrement célébré par les nikoniens, n’avaient plus de sacerdoce et de prêtres, tombèrent dans les plus graves erreurs à ce sujet. Un des documents les plus extraordinaires de ce groupe est le concile de Novgorod de 1694, qu’on trouvera dans l’ouvrage de Smirnov, Questions intérieures dans le raskol au XVIIe siècle, Pétersbourg, 1898, p. 41 sq.

Le concile de Novgorod de 1694. —

Ses actes furent signés par vingt-cinq « Pères spirituels » évidemment laïques, dont deux ne savaient pas écrire. Il promulgua vingt canons : après avoir proclamé que le règne de l’Antéchrist était arrivé, qu’il règne spirituellement et qu’il s’appelle Jisus et qu’il détruit l’Église, le concile proclame la nécessité de baptiser tous ceux qui viennent de chez les nikoniens. (Can. 2.) Ayant décrit le rite du baptême (can. 3), le concile passe au mariage et aux péchés charnels, ce qui constituait la plus grave de ses préoccupations. (Can. 4-17.) Les néophytes doivent être instruits que « notre véritable Église ne reçoit pas les gens mariés qui pratiquent la vie commune » ; ils devront vivre comme frère et sœur ; de même ceux qui se sont mariés avant le concile ; les Pères spirituels doivent veiller à cela. Ceux qui vont se marier chez les prêtres nikoniens ou qui, sans mariage, s’unissent avec la bénédiction des parents, sont excommuniés.

Les péchés charnels sont traités avec plus d’indulgence que le mariage. À la première naissance, il y a quarante jours de pénitence avec 400 métanies par jour ; la seconde faute est punie par un an, et la troisième par six ans de pénitence. Puis, c’est l’excommunication. Il y a aussi de longues purifications nécessaires pour purifier les aliments achetés au marché, le contact inévitable avec les nikoniens, etc.

Ces « sans-prêtres », privés de toute hiérarchie et de toute vie spirituelle basée sur la hiérarchie, tombèient bientôt dans les aberrations les plus fantasques d’un illuminisme grossier. Il serait intéressant d’étudier les rapports entre ce bezpopovstvo et les sectes mystiques qui ont souillé la Russie des xviiie et xixe siècles, quoique plusieurs de ces sectes étrangères semblent remonter à des époques bien plus reculées. Mais même parmi ces bezpopovtsy beaucoup gardèrent intactes leur piété et leurs bonnes mœurs. Ils colonisèrent de vastes provinces pour la Russie. Ils existent encore aujourd’hui.

La polémique antistarouière. —

Depuis le concile de 1666 jusqu’à nos jours, ce grand schisme de l’Église russe a servi d’occasion à la plupart des polémiques qui se sont développées en Russie. Les ouvrages écrits contre les starovières sont innombrables. Au début, pourtant, l’orthodoxie officielle sembla plutôt préférer avoir recours aux mesures de police qu’aux arguments. Parmi les traités écrits contre les starovières, nommons la Réfutation de la supplique des moines de Solovki du prêtre catholique Juri (Georges) Krizanic qui ne fut publiée qu’au courant du siècle dernier et la Réfutation de la supplique de Nikila Pustosviat duc à la plume de Païse Ligaridès, publiée en 1895. La Verge de direction de Siméon de Polock fut éditée en 1666, mais dès la fin du xviie siècle était tombée en défaveur. L’Exhortation spirituelle publiée au nom du patriarche Joachim par Athanase de Kholmogory en 1682, à la suite de la révolte des strellsi, connut un succès plus durable (éditions successives en 1751, 1791, 1882). L’ouvrage piincipal contre le raskol est le Rozijsk ou enquête, du fameux Dimilri de Rostov qui a connu beaucoup d’éditions jusqu’à nos jours. Il est à noter que les starovières ne pouvaient jamais répondre aux polémiques. Jusque vers le milieu du xixe siècle, ils n’imprimèrent que de rares ouvrages à l’étranger. Vers cette époque, ils établirent secrètement une lithographie et ainsi purent publier quelques traités. Ils ne purent ouvrir d’imprimerie qu’après l’édit de tolérance de 1905.

Documents.


La plupart des documents, historiques et littéraires ayant trait aux premières années du raskol ont été publiés par N. Subbotin, Matériaux pour l’histoire du raskol dans la première époque de son existence (Materialy dlja istorii raskola…), t. i-ix, Moscou, 1875-1895, dont nous nous sommes abondamment servis. Voir aussi.la. Harskov et P. Smirnov, Monuments de l’hist. des starovières au XVIIe siècle (Pamjatniki istorii…), dans liuss. Ist. Bib…, t. xxxix, Leningrad, ’1927 ; Ja. Harskov, Monuments des premières années du vieux-ritualisme russe ( Pamjatniki…), dans Liêt. zan., t.xxiv, 1911 ; Alex. B(rovkovic), Descripf.rfe quelques travaux écrits par les raskolniks russes (Opisanie…), Pé-