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    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. INSTITUTION, EXPLICATIONS CATHOLIQUES

considérées dans leurs éléments individuels. Et ainsi, à l’uniformité qui est de rigueur pour ce qui relève de l’institution divine, savoir pour ce qui est du signe sacramentel considéré comme tel formellement, pourra se trouver jointe une réelle diversité, toute matérielle, dans les éléments qui constituent ce signe. » De sacramentis, t. i, th. ii, ad lum. L'édition de 1924, p. 37, note 1, ajoute ces considérations qui ne sont pas inutiles pour faire comprendre l’explication et la dégager des critiques qui n’ont point manqué de l’assaillir : « Supposons un exemple : le Christ aurait simplement institué que dans l'Église existerait un rite sacramentel signifiant la communication du pouvoir sacerdotal avec la grâce correspondante, mais sans déterminer ce que serait ce rite dans son élément individuel et laissant aux apôtres le soin de choisir tel ou tel signe cérémoniel, apte d’ailleurs à cette signification. Or Pierre, supposons-le encore, aurait choisi en Occident la tradition des instruments du sacrifice et Jean, en Orient, l’imposition des mains, l’un et l’autre rite étant parfaitement apte à figurer la transmission du pouvoir du ministre au sujet. En de telles conjonctures, le choix fait par Pierre ou celui fait par Jean aurait été une simple condition qui, une fois posée, permettrait à l’institution divine d’obtenir son plein effet et de conférer (au rite choisi) tout ce qui constitue le signe sacramentel comme tel. » L’explication est excellente et n’a pas encore été, croyons-nous, suffisamment soulignée.

Cette explication satisfaisante montre qu’il n’est point nécessaire de recourir à l’hypothèse d’un développement de l’implicite à l’explicite, comme la formule P. Pourrat dans La théologie sacramentaire : « Le Sauveur n’aurait-il pas institué quelques sacrements à l'état implicite ? Ne se serait-il pas contenté d’en poser les principes essentiels, desquels, après un développement plus ou moins long, seraient sortis les sacrements pleinement constitués ? N’aurait-on pas, dans cette conception des origines des sacrements, l’explication de cette conscience explicite, relativement tardive, que l'Église a eue de certains de ses sacrements ? Si donc il est permis, à la suite de Newman, de proposer une troisième hypothèse, ou plutôt de modifier un peu l’hypothèse de l’institution immédiate in génère, on peut dire que le Christ a institué immédiatement tous les sacrements ; mais tous les sacrements n’ont pas été donnés à l'Église par le Sauveur pleinement constitués. Sur plusieurs, particulièrement essentiels au christianisme, le baptême et l’eucharistie par exemple, le Christ s’est expliqué complètement, si bien que l'Église, dès l’origine, a eu pleine et entière conscience de ces rites sacramentels. Quant aux autres, le Sauveur en a posé les principes essentiels ; le développement devait montrer aux apôtres et à l'Église ce que le Maître a voulu faire. Jésus, en effet, ne pouvait pas tout dire à ses apôtres : Non potestis portare modo. De même qu’il a laissé à l’Esprit-Saint le soin de faire connaître explicitement à l'Église le dogme catholique révélé, ainsi il a pu confier à ce même Esprit la mission de dévoiler toutes les richesses de l’institution sacramentelle, lorsque les besoins de la société chrétienne grandissante l’exigeraient. On comprend alors pourquoi l'Église, d’après le témoignage de l’histoire, n’a pas eu, tout à fait dès l’origine, une conscience pleine et entière de quelques sacrements. La formule dont nous nous servirons pour énoncer cette doctrine assurément complexe, est celle-ci : Jésus a institué immédiatement et explicitement le baptême et l’eucharistie ; il a institué immédiatement, mais implicitement les cinq autres sacrements. » Op. cit., p. 273-274.

P. Pourrat explique lui-même que sa formule est trop absolue, car le degré d’implicitation n’est pas le

même pour les cinq sacrements. Malgré cette restriction opportune, son explication a élé critiquée. On lui a reproché d’invoquer à tort le patronage de Newman, de ressusciter dans l’intention implicite l’institution médiate, indirectement condamnée par le concile de Trente. Cf. Chr. Pesch, op. cit., n. 223, p. 98 (édit. de 1914) ; J. Bessmer, Philosophie nnd Théologie des Modernismus, Fribourg-en-B., 1912, p. 365 sq. Ces appréciations visiblement exagérées reçoivent une utile mise au point par de Smet, op. cit., n. 98 (ancienne édition).

4. Conclusion : trois principes de solution qu’il ne faut pas perdre de vue. — Les hésitations et les divergences des théologiens proviennent vraisemblablement de ce qu’un certain nombre d’auteurs ne considèrent pas assez complètement trois principes théologiques qui s’imposent en la matière.

a) Premier principe. — C’est qu’il ne faut pas raisonner sur les sacrements en général d’après les principes qui peuvent, en toute rigueur, s’appliquer au baptême ou à l’eucharistie. D’excellents auteurs, comme Franzelin, De sacramentis, p. 187, n. 3, et Pohle, Lehrbuch der Dogmalik, t. vi, Paderborn, 1900, p. 55 sq., ont voulu arguer de la détermination par le Christ des éléments spécifiques de l’eucharistie pour « démontrer » que les autres sacrements avaient été institués de même. Les analogies théologiques ne sauraient être invoquées devant des faits historiques précis. Et même, en soi, avant de les accepter, il faudrait démontrer qu’elles existent au point de justifier les déductions qu’on en veut tirer. Or, nous l’avons constaté, toute la théologie sacramentaire a été hésitante, incomplète, jusqu’au xiie siècle, précisément parce que les Pères de l'Église et les auteurs ecclésiastiques ont senti que leurs conceptions ne pouvaient guère s’appliquer qu’au baptême et à l’eucharistie. Ou, pour mieux dire, il n’y eut de théologie sacramentaire qu'à propos du baptême et de l’eucharistie. À partir du xiiie siècle, la systématisation scolastique a voulu uniformiser la notion du sacrement quel qu’en fût l'élément sensible. La doctrine hylémorphique (matière et forme des sacrements) n’a pas peu contribué à inciter les théologiens à une systématisation qui, forcément, comportait de regrettables assimilations. Tout en reconnaissant le bien fo idé de cette doctrine, il faut en affirmer le caractère 1res largement analogique quand on l’applique aux différents sacrements. Voir Matière et forme, t. x, col. 351. Il n’est pas même certain théologiquement que « les sacrements de la Loi nouvelle se composent de choses (matière) et de paroles (forme) comme d'éléments intrinsèques et constitutifs de leur essence. » Col. 339. L’opinion scotiste n’a jamais été condamnée et admet que pour certains sacrements, seule la forme ou seule la matière, appartient à l’essence. Ibid. Il faut donc se montrer extrêmement large et se tenir en garde contre l'à-priorisme de certaines généralisations thomistes.

b) Deuxième principe. — C’est qu’il est contraire. non seulement à l’esprit, mais encore à la lettre du concile de Trente de vouloir y trouver un argument en faveur de l’institution immédiate des éléments spécifiques de tous les sacrements sans exception : « On écrit souvent sur la discussion au concile de Trente comme si l’on y avait examiné directement la valeur de chacune des théories (des anciens scolastiques sur l’institution des sacrements) et pris une décision en conséquence. La vérité est que les procès-verbaux ne portent pas trace d’une pareille attitude… Le premier projet écartait résolument, ainsi que le portait le programme général du concile, les questions controversées entre catholiques. D’autre part, puisque c’est à l’initiative d’un franciscain, Richard du Mans,