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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/368

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SAGESSE. AUTEUR


domaines et spécialités : cosmogonie et astronomie, vu, 7-10 et xiii, 9, histoire naturelle des plantes et des animaux, vii, 20a, c ; psychologie, vii, 206 ; xvii, 12-13 et destinée de l’âme du moins selon les vues erronées et par lui rejetées, épicuriennes et matérialistes, du hasard ou du déterminisme, ii, 2-9 ; histoire du paganisme dans sa double forme, élevée et proche de Dieu même par la contemplation et l’étude des œuvres divines, xiii, 1-9, plus grossière par l’adoration pure et simple de l’idole matérielle et sans vie, xiii, 10 sq., ou encore dans son évhémérisme tout arbitraire, xiv, 14-21 ; art du peintre et du sculpteur et son influence sur la foule, xiv, 18-20 ; beauté du inonde créé et Dieu principe et auteur de toute beauté, xiii, 3-7. Il est non moins familiarisé avec les mœurs grecques et ce qui les distingue particulièrement : usage courant des festins fleuris, ii, 6-9 ; us et coutumes des jeux olympiques, iv, 2 ; v, 16 ; équipement guerrier du combattant, v, 16-22. Il connaît de même les idées, doctrines, théories et systèmes émis par les penseurs grecs des temps immédiatement antérieurs à la conquête macédonienne ou seulement de l’ère contemporaine de la diffusion dans le monde oriental de la civilisation hellénique, bien qu’il ne lésait pas pénétrés sans doute encore très profondément et qu’il s’y montre plutôt réfractaire malgré l’expression (voir plus loin), instruit seulement par le courant très élargi de la philosophie populaire. Car il se révèle dans tout son ouvrage « un juif rempli d’enthousiasme pour sa religion et si versé dans les saintes Écritures, qu’il se sert souvent d’expressions, de tours et d’images bibliques. Il a aussi une haute idée de son peuple : Dieu a conclu une alliance avec les pères, xii, 21 ; ix, 1 ; glorifié Israël par un choix particulier, xviii, 8, et assisté ce peuple de façon si constamment merveilleuse que les Égyptiens eux-mêmes ont dû reconnaître en lui un fils de Dieu, xix, 22 ; xviii, 13. Il est convaincu qu’Israël a la mission de communiquer au monde la « lumière de la Loi », xviii, 4 ; et en tant qu’adorateur du vrai Dieu, il se sent élevé au-dessus de tous les idolâtres, xin-xv. Il abhorre les idoles en dépit de leur beauté comme « des figures barbouillées de couleurs diverses », et se félicite, lui et son peuple, de ce que « l’imagination malsaine des (autres) humains » et le « labeur stérile des peintres ne les aient point séduits et égarés », xv, 4… Malgré sa culture et sa science helléniques, « il n’abandonne aucun des enseignements de l’Ancien Testament : dans son eschatologie et sa psychologie, il reste entièrement sur le terrain du judaïsme ; et dans ses spéculations sur la agesse, il ne fait que poursuivre, fécondées par la philosophie grecque, les idées qui existaient déjà dans l’Ancien Testament ». Heinisch, Das Buch der Weisheit, Munster-en-YYestphalie. 1912, p. xxx-xxxi.

On a essayé de déterminer avec une plus grande approximation parmi les juifs alexandrins de quelque renom, en le désignant même par son nom, l’auteur du livre de la Sagesse. Cornélius a Lapide, Comm. in lib. Sapientiæ, Anvers, 1694, p. 4, voyait en lui un des traducteurs du Pentateuque ; cf. Welte, Einleitung, p. 194. Mais le livre utilise la traduction grecque bien postérieure d’Isaïe et de Job. — Lutterbeck, Die ncutestamentliche Lchrbegrifje, t. i, Mayence, 1852, p. 407 sq., l’identifiait àAristobule, prétendu conseiller du roi Ptolémée V Épiphanc (204-181), commentateur du Pentateuque, et qui aurait dédié son ouvrage à Ptolémée VI Philométor (181-146) : fragments dans Eusèbe, Præp. evang., t. VIII, c. x, 1-7 et t. XIII, c.xii, P. G., t. xxi, col. 1097-1104 ; mais cet Aristobule, soi-disant précepteur du roi Ptolémée Philométor, n’eût osé s’adresser à celui-ci dans les termes sévères de Sap., vi, 1-9 : sous le règne de Ptolémée Philométor, les juifs furent très en faveur en Egypte et

non outragés et persécutés comme le marquerait Sap., n, 12-20 ; iii, 2-5 ; v, 1-5.

Depuis l’antiquité chrétienne jusqu’à nos jours, s’est répandue et perpétuée l’idée que le livre de la Sagesse avait eu pour auteur Philon d’Alexandrie (Philon le Juif), contemporain du Christ : ainsi peut-être l’auteur du Canon de Muratori (voir plus haut et Tregelles, Journ. of class. andsacred PhiloL, t. ii, 1855, p. 37-43 et Canon Muratorianus, Oxford, 1867, p. 53 ; Zahn, Geschichte des neutest. Kanons, t. ii, 1890. p. 95-105). S. Jérôme, Præj. in lib. Salomonis, P. L., t. xxviii, col. 1242 : Nonnulli scriptorum veterhm hune, (librum) esse Judœi Philonis affirmant. Il ne nomme toutefois aucun de ces écrivains anciens, et ne compte pas la Sagesse parmi les écrits de Philon dans son catalogue des écrivains ecclésiastiques, De viris illust., c. xi, P. L., t. xxiii, col. 625-630. Nulle trace de cette opinion ne se rencontre non plus chez les Pères les plus anciens. Cependant, « au Moyen Age, tous les commentateurs des saintes Écritures ont adopté cette vue » (Cornely, Introd., t. n b. p. 223, et Introd. generalis, p. 124, " 127, etc.) ; J. Beleth, Bationale divin, o/ficiorum, c. i.ix, P. L., t. c.cn, col. 60 : Liber Philonis cujus principium est Diligite sapientiam (Sap., i, 1) ; Jean de Salisbury, Epist., cxliii, P. L., , t. c.xcix, col. 129 : Librum Sapientiæ composuit Philo… (voir son art., t. v, col. 1352). Puis Luther, Vorrede auf die Weisheil Salomo, sup. cit., p. 63, 94, et quelques auteurs protestants du xvie au xviiie siècle. Quelques rabbins, d’après Hottinger, Thés, phil., sup. cit., p. 522. Bellarmin, De verbo Dei, c. i, 13 ; Huet, Dem. evang., dans Migne, Déni, évang., t. v, 1813, col. 371. De nos jours, Perez, Sopra Filone Alessandrinoe il suo libro delta Sapienza di Salomone, Palerme, 1883, p. 115 sq., 189 sq., et von Bunsen, Huddhas Geburlsjahr in der LA’A’, dans Zeitschrijl fur ivissensehaftliche Théologie, 1882. p. 344, 352. Le philosophe alexandrin aurait écrit le livre de la Sagesse à l’occasion des sévices exercés contre les juifs par leurs concitoyens gréco-égyptiens sous le règne de l’empereur romain Caligula (40 ap. J.-C), lequel voulait installer sa statue dans le te m pie de Jérusalem et se faire rendre partout les honneurs divins, pour consoler ses coreligionnaires persécutés et donner à leurs oppresseurs un avertissement salutaire. Ce qui empêche d’admettre cette hypothèse, c’est tout d’abord que les perturbations dans la vie sociale et religieuse du judaïsme alexandrino-palestinien supposées par le livre de la Sagesse, ne sont pas celles qui se produisirent à la date marquée de l’époque romaine sous Caligula (voir plus loin). C’est ensuite, et surtout, la trop grande différence dans la manière dont sont conçues et présentées les doctrines philosophiques, qui existe entre l’écrit du pseudo-Salomon et ceux de Philon, malgré la parenté réelle de leurs tendances religieuses et théologiques. Chez l’auteur de la Sagesse, elles n’arrivent qu’en écho très affaibli, atténué encore par l’effet de sa transmission par la voix populaire, et ne sont, ou du moins ne paraissent être nullement le fruit d’une étude personnelle, ni l’expression d’une conviction basée sur cette étude. Elles ne servent qu’à formuler en les revêtant d’une couleur hellénique les notions religieuses particulières à l’Ancien Testament hébreu (voir plus loin). Dans Philon, elles ont même parfois un objet tout différent : c’est vrai de l’identité du serpent de l’Éden, qui pour Philon, n’est que le symbole du plaisir, tandis que dans Sap., ii, 24, il représente le diable (8t, â60Xoç), et aussi du moyen d’approcher la divinité qui pour Philon consiste dans l’extase, mais pour Sap., vi, 17-20, dans l’elïort vers la connaissance de la vérité et l’observation des préceptes divins. Des doctrines essentielles au système philonien et de caractère tout à fait platonicien, telles que la théorie des idées et la trichotomie de la nature humaine (crcifxa,