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1449 SCHISME BYZANTIN. LA PREOCCUPATION MISSIONNAIRE 1450

lesquels il faut citer Néophyte Scriban et André Schaguna ; mais elle n’a pas encore réussi à se libérer.

Somme toute, on peut affirmer que, sur le terrain de la doctrine, la grande majorité des canonistes et des théologiens dissidents est acquise à la thèse de la pleine indépendance de l'Église vis-à-vis de l’Etat et que cette indépendance est généralement désirée. Malheureusement le pouvoir civil retient jalousement la suprématie qu’il a usurpée.

V. Le schisme byzantin et la mission apostolique de l'Église. — L'Église a reçu de JésusChrist l’ordre de prêcher l'Évangile à toutes les nations. Act., i, 8. C’est un précepte rigoureux, auquel la véritable Église ne peut se dérober. Là où cette préoccupation apostolique n’existe pas, on peut dire que l’Esprit de Dieu n’habite pas. Sans doute, le prosélytisme, l’esprit missionnaire, n’est pas, à lui seul, la marque distinctive de la véritable Église ; mais il fait nécessairement partie du tout qui doit se trouver dans la véritable Église. Sa seule présence ne suffit pas à déceler l'œuvre du Christ ; mais son absence dans une société religieuse prouve que celle-ci ne peut être identifiée avec l'Église fondée par Jésus-Christ.

Quoi qu’il en soit des efforts réels faits par l'Église byzantine avant le schisme pour propager le christianisme, le schisme une fois consommé, il ne. faut plus guère chercher à Byzance d’initiative missionnaire. A partir du xie siècle, l’empire subit une décadence progressive et voit ses frontières se rétrécir de plus en plus. L'Église byzantine compte beaucoup de moines ; mais ce sont tous des moines du type primitif, taillés sur le même patron, la plupart fort ignorants. On n’y trouve point de missionnaires. A plus forte raison n’en trouve-t-on pas dans les quatre patriarcats orientaux pendant tout le temps qu’a duré la domination turque.

Parmi les Églises autocéphales nées dans la période moderne, une seule, la plus importante de toutes, l'Église russe eût été à même de contribuer efficacement à la conversion de l’Asie infidèle. Elle ne l’a fait que dans une mesure insignifiante, parce que le césaropapisme lui a dicté ses méthodes d’apostolat, qui ne sont point celles du Seigneur ; parce qu’elle s’est présentée aux peuples sous la couleur d’un nationalisme trop accentué, aux visées nullement désintéressées.

Sous le régime des tsars et jusqu’au début du xviii c siècle, cette Église n’a connu que ce qu’on appelait la mission intérieure. Certes, rien qu'à l’intérieur des frontières de l’immense empire, les missionnaires russes avaient un immense champ d’apostolat. Sur les 180 millions d’habitants que comptait cet empire en 1914, la moitié à peine appartenait à l'Église officielle. Les confessions chrétiennes : catholicisme, protestantisme, raskol, monophysisme, étaient représentées par 50 millions d’adhérents environ. Les musulmans, les juifs, les païens de diverses dénominations constituaient ensemble une masse presque égale. La mission intérieure commença dès le xive siècle, à mesure que les Russes secouaient le joug des Tatars. Elle se développa au xve siècle et au xvie. On cite les noms de quelques missionnaires de marque : Etienne, évêque de Perm († 1396), apôtre des Permiaks, Gourij de Kazan († 1563), apôtre des nouvelles régions conquises sur les Tatars. Parmi les évangélisateurs de la Sibérie, il faut nommer Innocent, évêque d’Irkoutsk († 1731). A partir de la seconde moitié du xviie siècle, le souci de ramener au giron de l'Église officielle les diverses sectes issues du raskol absorba le meilleur des efforts de la mission intérieure. Ces efforts n’aboutirent qu'à de maigres résultats, sans doute à cause des méthodes employées. Pour réduire les sectaires, l'Église et l'État, étroitement associés

et ne faisant pour ainsi dire qu’un, eurent recours tour à tour à la manière forte et à la manière douce, mais surtout à la première. Sur la fin du xviiie siècle, on capitula devant la secte des Popovtsy dans l’espoir d’accélérer leur retour. On leur permit de garder les vieux rites et les vieilles coutumes à condition qu’ils reconnaîtraient l’autorité du Saint-Synode. L'Église russe eut ainsi ses uniates, qu’on appela Edinooierlsy (Unis dans la foi). Mais, considérée et traitée en fait comme une orthodoxie de seconde zone, VEdinoviérié n’a pas prospéré. Après un siècle d’existence, le nombre de ses adhérents était resté insignifiant.

C’est parmi les Ruthènes catholiques de la Pologne annexée que la mission intérieure a paru remporterses plus grands succès. Mais on sait que la violence et la fraude y ont eu plus de part que les procédés évangéliques. On est également amené à supposer l’emploi de moyens autres que la persuasion auprès des rascolniks, des protestants, des musulmans et autres infidèles quand l’on voit ce qui se produisit en 1905, lors de la promulgation d’un édit de tolérance. Durant les quelques mois que dura cet édit dans sa teneur première, les soi-disants prosélytes gagnés à l’orthodoxie officielle par le Missionerskoe Obêcestuo (Société missionnaire) retournèrent en masse à leurs religions et sectes respectives. Selon les statistiques publiées par le département des affaires ecclésiastiques des confessions étrangères, le nombre de ceux qui, du 17 avril 1905 au 1 er janvier 1909, quittèrent l'Église officielle était ainsi réparti : 1° 233 100 personnes embrassèrent le catholicisme ; environ 168 000 de ces défections se produisirent dans le royaume de Pologne, et près de 62 000 dans les neuf gouvernements occidentaux ; 2° on enregistra 14 500 passages au luthéranisme, dont 12 000 dans les régions baltes ; 3° 50 000 convertis retournèrent au inahométisme ; ils appartenaient presque tous aux six gouvernements orientaux de la Russie d’Europe ; 4° on compta en outre 3 400 cas de retour au bouddhisme, 400 au judaïsme et 150 au paganisme. Voir le Cerkovnyj Vêstnik (organe de l’Académie ecclésiastique de Pétrograd), 1909, n. 45, col. 1543. Mais devant l’effondrement lamentable de l'œuvre des missionnaires, qui s’avéra dès les premiers jours, on entoura sans retard l'édit de telles restrictions qu’on finit par retomber dans l’ancienne législation. La réaction était triomphante quand on publia les statistiques signalées, elles restent donc suspectes. Et l’on se garda bien de donner des chiffres sur les défections des rascolniks. L’est en masse que ces derniers revinrent à leurs sectes. Cf. A. Palmieri, La Chiesa russa, le sue odieme eondizionie il suo rijormismo dottrinale, Florence, 1908, p. 439-440.

La première tentative russe de mission en dehors des frontières nationales remonte à l’année 1712. Il s’agit de la mission de Chine. En 1912, elle comptait après deux siècles d’existence, 3 812 prosélytes indigènes. Six ans auparavant, en 1906, elle n’en avait que 632, ce qu’on ne peut guère expliquer que par de longues interruptions ou des persécutions. Une mission en Corée, fondée en 1897, n’avait pas encore donné de statistique en 1914 ; on sait seulement qu’elle possédait 9 stations. Plus consolante avait été la mission du Japon, établie en 1X58. Elle atteignait, en 1912, au chiffre respectable de 33 000 fidèles. Quant à la mission de l’Alaska, du Canada et des États-Unis, dont les origines dataient de la fin du xviiie siècle, elle comptait plus de 200 000 fidèles en 1911, répartis entre les trois diocèses d’Alaska, d’Aléout et de Brooklyn. Mais ce chiffre ne doit pas faire illusion. La majorité des fidèles étaient des émigrants de diverses races : Russes, Galiciens, Hongrois, Serbes, Bukoviniens, Grecs, Syriens, Albanais. Le nombre des indigènes convertis n’atteignait pas 10 000 âmes. Il est vrai que